RECHERCHE - ETUDE SUR LES PROGRAMMES DU VIH ET DE LA TUBERCULOSE
20-07-2010
Faciliter une bonne prise en charge conjointe des deux maladies
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Des chercheurs de l'Université Cheikh Anta Diop (Ucad) et de l'Institut de
recherche pour le développement (Ird) ont mené une étude sur la prise en
charge croisée du Vih et de la tuberculose. Des médecins qui prenaient part
à la restitution des travaux n'ont pas manqué de souligner les contraintes
existant dans la gestion des programmes du Vih et de la tuberculose.
Par Coumba THIAM
Un atelier de restitution de l'étude portant sur : Les prises en charge
croisées du Vih et de la tuberculose au Cameroun et au Sénégal : Processus
historique et contraintes sociales, a eu lieu à l'Université Cheikh Anta
Diop (Ucad). Cette étude découle du constat des liens entre la tuberculose
et le Vih, et aussi de l'incitation des débats internationaux à rapprocher
les programmes de lutte contre le Vih et la tuberculose. Elle a été menée
par des chercheurs de l'Ucad et de l'Institut de recherche pour le
développement (Ird) et financée par l'Agence nationale de recherche sur le
Sida en France (Anrs). L'anthropologue Laurent Vidal, qui est le
représentant du projet explique : «C'est un problème de santé publique et
une part importante de personnes qui vivent avec le Vih ont la tuberculose
et vice-versa. Donc à un moment donné, c'est un problème qu'il faut
appréhender à bras-le-corps. C'est-à-dire qu'il faut voir comment faire en
sorte que les gens qui vivent avec ces deux maladies, soient traités et
suivis pour les deux, sachant déjà qu'on peut les prendre séparément. Mais
est-ce qu'on peut les prendre en charge conjointement, c'était cela l'objectif
de la recherche.»
La recherche qui a duré trois ans, de 2007 à 2010, a consisté à analyser les
prises en charge de la co-infection, telles qu'elles sont imaginées et mises
en ouvre au niveau institutionnel, réalisées par les professionnels de la
santé et vécues par les patients. Elle a été réalisée autant au Sénégal qu'au
Cameroun, parce que, selon Laurent Vidal, «ce sont deux pays différents et
puis c'est toujours intéressant de faire une comparaison dans une étude».
Les scientifiques cherchent, à partir de l'étude, à comprendre les raisons
des blocages éventuels dans le rapprochement des programmes Sida et
tuberculose. Mais aussi, de saisir les attentes des professionnels qui s'occupent
de la co-infection, et celles des acteurs des niveaux central et
périphérique ainsi que des responsables associatifs. Ainsi, les chercheurs
se sont basés, au Sénégal, sur l'histoire et l'anthropologie pour comprendre
comment sont prises en charge les deux maladies aujourd'hui, et comment fut
leur gestion dans le passé avec les Maladies sexuellement transmissibles
(Mst) à la place du Sida.
Manque de personnels et d'infrastructures sanitaires
Après un échange fructueux entre les chercheurs et les participants de cet
atelier, il en est sorti qu'au Sénégal, outre le volet institutionnel, il
existait déjà une étroite collaboration entre le programme du Vih et celui
de la tuberculose. Néanmoins, les participants qui étaient en majorité des
médecins ont souligné le fait qu'ils étaient confrontés à divers contraintes
comme celles des ressources humaines ou des infrastructures sanitaires. La
socio-anthropologue, Fatoumata Hane dégage un autre fait qui rend difficile
une collaboration entre le programme du Vih et celui de la tuberculose. Elle
constate, «qu'il y a maintenant des métiers qui se sont créés autours du
Vih, ce qui apparaît alors comme un terrain de positionnement chez les
acteurs de la santé». La socio-anthropologue a aussi souligné que le Vih
attire plus de bailleurs que la tuberculose, «Je pense que c'est lié au fait
que la tuberculose est en voie d'être éradiquée dans les pays en
développement alors que le Vih est une préoccupation mondiale avec une forte
mobilisation», justifie-t-elle. Pour Laurent Vidal, une bonne prise en
charge croisée nécessite une réorganisation des structures. «Les gens n'ont
pas la même façon de fonctionner dans les deux programmes, ils n'ont pas les
mêmes financements et ils n'ont pas les mêmes activités ; et maintenant on
leur demande de collaborer. Il faut qu'ils apprennent à se connaître et puis
définir comment collaborer, voir s'il faut faire un seul programme par
exemple», narre-t-il.
Après cette étude, Fatoumata Hane considère que la réussite d'une prise en
charge conjointe demande que «l'on arrive à articuler en un même lieu les
différents types de prise en charge ; celles de la tuberculose et du Vih.
Une prise en charge psychologique et sociale et une prise en charge
nutritionnelle ; ce qui permettra d'amoindrir les coûts liés au traitement
pour faire face aux problèmes d'observation de l'échec ou de la réussite du
traitement qui sont récurrents pour les deux maladies». Les chercheurs
envisagent l'édition d'un ouvrage sur cette étude, qui sera accessible aux
populations. Ainsi que la production d'un document qui sera destiné aux
structures de santé qui ont fait l'objet de cette étude, afin qu'elles aient
un regard sur tout ce qui s'est fait, avance M. Vidal.
coumba@lequotidien.sn