Actualités scientifiques
Epidémie simultanée de dengue et chikungunya
IRD Fiche n°312 - Mars 2009
http://www.ird.fr/fr/actualites/fiches/2009/fas312.pdf
EPIDEMIE SIMULTANEE : DES MALADES DOUBLEMENT INFECTES
Pour la première fois, lors dune double épidémie de dengue (sérotype 2) et
de chikungunya survenue au Gabon, un groupe de chercheurs a pu observer des
cas de coinfection chez des patients qui ont contracté simultanément les
deux virus.
Cette épidémie sest déclarée à Libreville, la capitale, en mars 2007 pour
atteindre en juillet la frontière camerounaise au nord, touchant 20 000
personnes.
Les auteurs de ce travail ont capturé, durant cette période, plusieurs
milliers de moustiques des genres Aedes, Culex, Anopheles et Mansonia autour
des habitations où des cas de chikungunya et/ou de dengue avaient été
détectés. Ils ont ensuite constitué vingt groupes homogènes de moustiques
selon le genres, les espèces et les lieux de collecte. Ils ont alors
découvert que sept groupes dAedes albopictus étaient « positifs » au
chikungunya et trois à la dengue. Les autres moustiques ont été testés «
négatifs » pour ces deux virus. Alors quAedes aegypti a longtemps a été
considéré comme le vecteur principal de la transmission à lhomme de ces
virus, le rôle de vecteur principal dAedes albopictus, le moustique tigre,
semple de plus en plus se préciser.
Ces résultats suggèrent pour la première fois que Aedes albopictus pourrait
véhiculer simultanément la dengue et le chikungunya.
Tout au long de lépidémie, près de 800 prélèvements sanguins ont été
effectués chez des patients fébriles. Les tests pour le chikungunya étaient
positifs chez 35% dentre eux, ceux de la dengue létaient chez 7%. Huit
patients étaient doublement infectés par ces deux virus, sans présenter de
signes particuliers de sévérité ni de symptômes spécifiques.
UNE MEME MUTATION
La dengue et le chikungunya ont été au cours des vingt dernières années à
lorigine dépidémies de plus en plus importantes, qui, jusque-là, avait
épargné le continent africain.
Lanalyse phylogénétique montre que la souche virale gabonaise du
chikungunya appartient à la lignée « Afrique centrale » proche des souches
isolées lors de la 2e moitié de lépidémie de 2005-2006 à la Réunion. Elle
se caractérise par une mutation génétique (A226V) mise en évidence également
sur les souches des îles de lOcéan Indien (Maurice, Madagascar) mais aussi
en Italie. Or toutes ces épidémies ont pour lessentiel été véhiculées par
Aedes albopictus, alors que les précédentes été propagées par Aedes aegypti.
La mutation A226V semble donc être caractéristique des souches virales
transmises par le moustique tigre. Lapparition dune même mutation dans
différentes régions du monde suggère une adaptation du virus au nouveau
vecteur. Aedes albopictus exerce probablement une pression sélective
positive sur le virus du chikungunya. La souche gabonaise du virus de la
dengue isolée en 2007 est génétiquement très éloignée des souches isolées en
Afrique, ce qui exclut lhypothèse dun ancêtre commun. En revanche, elle
est plus proche des souches asiatiques ou australiennes.
Ce travail souligne ainsi le danger multiforme associé à la prolifération
des populations de moustiques en général mais dAedes albopictus en
particulier. Le moustique tigre conquiert rapidement de nouveaux territoires
à léchelon planétaire. Originaire dAsie, il est désormais présent sur tous
les continents.
Cette étude souligne ainsi la priorité quil faut accorder à
lintensification de la lutte antivectorielle dans les très nombreux pays
concernés.
Résumé publié dans la LETTRE DACTUALITE MEDQUAL DU 29 juin 2009