[à chacun ses moustiques...!!!...
bonnes fêtes de fin d'année à tous! Carinne Bruneton]
Santé. Depuis février, un virus a fait son apparition sur l'île, contaminant
5 400 personnes.
Un moustique enfièvre La Réunion
par Guillaume LEVIEUX
QUOTIDIEN : jeudi 22 décembre 2005
http://www.liberation.fr/page.php?Article=346803
La France est confrontée à une nouvelle maladie infectieuse, débarquée à La
Réunion en février. Son petit nom : «Chik», pour Chikungunya. Elle est
colportée par un moustique du nom d'Aedes albopictus. En l'espace de onze
mois, plus de 5 400 personnes ont été contaminées dans le département
d'outre-mer.
«Chik» est un virus de la famille des arbovirus encore mal connu, qui
provoque une maladie douloureuse et invalidante. Chikungunya signifie
«marcher courbé» en swahili et ce n'est pas pour rien. Après quatre à sept
jours d'incubation, une forte fièvre apparaît brutalement. Elle s'accompagne
de fortes douleurs articulaires et musculaires aux poignets (et aussi aux
chevilles et aux phalanges), de maux de tête et parfois d'éruptions
cutanées. Des hémorragies bénignes peuvent survenir, surtout chez les
enfants. Contre cette maladie, il n'existe ni vaccin ni médicament. Tout au
plus peut-on prendre des anti-inflammatoires pour soulager les douleurs.
Pour l'instant, aucun cas mortel n'a été recensé.
Surveillance. Huit complications sur l'ensemble des malades recensés à La
Réunion ont fait l'objet d'analyses au centre national de référence des
arbovirus, à l'institut Pasteur de Lyon. «Chikungunya est responsable de
trois cas de méningo-encéphalite chez l'adulte et de cinq chez des
nouveau-nés», rapporte Isabelle Schussenecker, directrice de ce laboratoire.
Même si ces cas semblent avoir une évolution favorable, la biologiste reste
prudente : «C'est un virus que l'on connaît depuis longtemps dans ses formes
classiques, notamment en Afrique de l'Est. Mais c'est la première fois que
nous l'observons dans une zone dont la qualité du système de santé permet
d'identifier des cas de complication bien plus lourds.» Dans l'immédiat, un
nouveau pic épidémique semble inéluctable. Avec la saison chaude et humide
qui arrive, les moustiques vont proliférer. «Nous ne sommes pas dans une
situation inquiétante, tempère la scientifique, mais il faut surveiller les
choses de près.»
A son arrivée sur l'île, Chikungunya a trouvé un boulevard. Vierge de toute
immunité, la population réunionnaise était très vulnérable. Dans un premier
temps, les autorités sanitaires locales ont misé sur la rigueur de l'été
indien pour éliminer le moustique et donc le virus. Mais l'Institut de
veille sanitaire parle déjà d'une «courbe d'allure endémique» : autrement
dit, le virus s'installe durablement. Il reste juste à espérer qu'avec les
années, le nombre de victimes immunisées sera suffisant pour enrayer la
progression du virus.
Polémique. Comment en est-on arrivé, dans un département français, à une
telle situation sanitaire ? La question intrigue les experts et fâche les
politiques. Depuis le début de l'année 2005, «Chik» circulait dans la région
sud-ouest de l'océan Indien, avec en particulier des foyers épidémiques
identifiés aux Comores. Après les premiers cas à La Réunion en février, la
direction régionale des affaires sanitaires et sociales a mis en place, en
mars, «un système de vigilance adapté» : surveillance spécifique, dépistage
actif des cas suspects dans l'entourage des cas signalés, démoustication.
«La lutte contre les moustiques n'est à l'évidence pas optimale, au niveau
collectif comme au niveau individuel», relève Antoine Flahault,
épidémiologiste à l'Inserm, chargé du réseau Sentinelles pour la
surveillance des maladies infectieuses. Les élus de tout bord se sont
inquiétés de la situation, certains soupçonnant les services de l'Etat
d'avoir sous-estimé l'ampleur de l'épidémie.
Mais au-delà d'une polémique sur la démoustication, Antoine Flahault
s'inquiète d'un «défaut d'observation efficace (...). Il est indispensable
de s'équiper d'un système de surveillance pluridisciplinaire pour être
capable de donner l'alerte». Cela commence par une bonne connaissance des
moustiques de l'île. Ainsi, «on peut réagir rapidement au niveau collectif
et renforcer la vigilance individuelle». Quand les médias locaux ont parlé
de Chikungunya en mai, l'épidémie sévissait depuis quatre mois. Et ce n'est
qu'en octobre qu'une prophylaxie efficace a commencé avec un plan
départemental renforcé qui a mobilisé l'armée. La Réunion vit désormais à
l'heure du plan «Vigimoustique».