[e-med] Fièvre jaune : alerte pour les pays confrontés à la dengue

(Remerciements à CR pour la traduction de ce message important de Promed diffusé le 29 Mars 2016.
Pour en savoir plus sur la cas chinois importé : Shanghai's municipal health and family planning commission on Friday [18 Mar 2016] confirmed the city's 1st case of yellow fever reported this year.
http://promedmail.org/post/20160318.4105105
Chinese medical team vaccinte exptriates against yellow fever in Angola
http://www.shanghaidaily.com/article/article_xinhua.aspx?id=325268
CB)

Fièvre jaune : alerte pour les pays confrontés à la dengue

VOUS N’ETES PAS CONCERNES par cette alerte si votre pays ne connaît pas la dengue occasionnelle ou à longueur d’année.

L’Angola, connaît une grosse épidémie de fièvre jaune FJ avec plus de 1000 cas déclarés et des centaines de morts. La FJ se répand en RDC, au Kenya, en Mauritanie et en Chine qui connaît le premier cas connu historiquement de FJ (Note : il s'agit de cas importés).

On ne parle pas encore d’épidémie dans les trois autres pays d’Afrique pour l’instant. Mais c’est la saison de la dengue chez eux et très vite ce sera en Chine méridionale. Le risque est évident puisque la FJ est véhiculée par Aedes Aegypti, l’un des moustiques vecteur de la dengue (et aussi de chikungunya et du virus Zika). Considérez la vitesse à laquelle les virus du chikungunya et du Zika se sont répandus dans le monde. Mais ils ne tuent pas autant de monde (sauf pour Zika dans les malformations à la naissance). Mais dans le cas de la FJ, 20% des personnes non vaccinées meurent.

Bien sûr nous avons des vaccins, mais le stock mondial de 7 millions de doses est épuisé pour avoir été utilisé pour protéger la population de Luanda, en Angola. On a besoin de 18 millions de doses supplémentaires pour le reste du pays, mais seulement la moitié de cette quantité sera disponible à la fin du mois d’avril 2016 : 19 millions de doses en contrat pour l’UNICEF pourraient voir leur destination changer, et 40 autres millions de doses seraient disponible pour la fin de l’année, mais la Chine aura alors besoin de 300 millions de doses si la FJ s’étend aux zones d’endémie de la dengue.

Si la FJ se répand en Asie, c’est 2 milliards de personnes qui sont à risque dans les 18 pays affectés par la dengue, et plusieurs centaines de milliers de personnes pourraient être atteintes avant qu'on arrive à accélérer la production de vaccins et à les livrer. Les prévisions apocalyptiques à propos d’Ebola se sont avérées surévaluées et on peut espérer qu’il en sera de même pour la FJ, mais vu comme le Zika s’est répandu dans l’hémisphère ouest, on ne peut y croire.

Reinaldo Martins, un expert international du sujet a fait une étude qui montre que le vaccin brésilien pourrait être utilisé 5 fois plus si on l’injectait en sous-cutané. Un autre expert, Tom Monath, pensent que les stocks existants pourraient voir leur utilisation multipliée par 10 sans perte d’efficacité et ils pourraient être fournis moins chers en utilisant la scarification par aiguille à jeter comme dans la variole. Pour ce faire, il suffit d’une formation sur le terrain de quelques mois. Si on démarre maintenant, il n’est pas trop tard. Si on trouve les fonds, le Brésil peut faire cette formation, l’OMS et l’EMEA peuvent aussi y contribuer.

Et puis, n’oublions pas les moustiques. Les moustiquaires imprégnées d’insecticides à longue durée ont réussi à réduire la prévalence de la malaria sous les tropiques. Les pulvérisations externe n’ont que des résultats temporaires, les pyréthroïdes ne peuvent être utilisés qu’en intérieur et dans le voisinage des foyers d’infection. Le DDT est autorisé par l’OMS en urgence seulement, et si c’est légal en Inde, ailleurs cela demande une modification de la loi. Intensifier le contrôle du vecteur avec la participation active de la communauté a l’avantage de réduire le nombre de cas de dengue, de chikungunya, de Zika et des coûts associés.

Des recherches récentes laissent entendre que le virus Zika a atteint le Brasil des mois avant d’y être découvert parce que ses symptômes ressemblent à ceux de la dengue et du chikungunya sans tuer personne jusqu’au moment où une augmentation anormale de décès à la naissance a été remarquée. Une augmentation du risque d’hémorragie et de décès seront attribués à la fièvre hémorragique de la dengue ou au syndrome de choc de la dengue - la jaunisse, caractéristique de la fièvre jaune n’apparaît pas toujours, on parlera peut-être d’hépatite - et personne ne pensera à tester la FJ, même si les réactifs sont disponibles. Avant d’avoir une confirmation d’un laboratoire, du temps passera, comme en Angola, qui permettra à l’épidémie de se développer malheureusement.

Former à la vaccination et à la recherche en laboratoire d’analyses, collecter les ordures où se développent les moustiques ainsi que les petits récipients dans les maisons, fournir des moustiquaires, et d’autres équipement ad hoc, tout cela demande du temps, c’est pourquoi il est important que les pays où la dengue est courante mettent en route des plans nationaux en réponse au risque de la FJ. Il existe un modèle de programme à l’OMS disponible sur demande, il est accompagné d’une présentation par diapos <http://www.pitt.edu/~super1&gt;\.

Mais je le rappelle, VOUS N’ETES PAS CONCERNES par cette alerte si votre pays ne connaît pas la dengue occasionnelle ou à longueur d’année, sauf si vous comptez vous rendre dans un de ces pays.

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John P. "Jack" Woodall, PhD
Co-founder & Associate Editor, ProMED-mail

[Mon inquiétude vient du fait que les pays connaissent tant de demandes pressantes des agences de santé publique dans les régions d’endémie de la dengue, la malaria pour la plupart, et aussi la maladie de Chagas, la schistosomiase, l’hépatite et les maladies par virus entériques chez beaucoup, pour n’en citer que quelques cas – planifier à long terme et se préparer aux épidémies pèsent peu face à l’arrivée de la fièvre jaune. La vaccination de 70 à 80% de la population à risque est une évidence, mais il faut disposer de suffisamment de doses du vaccin, de même qu’il faut pouvoir disposer de personnels formés pour cette vaccination. En parallèle, contrôler le vecteur et l’éviter accompagnent l’éternelle question, à savoir : qui va payer en l’absence de crise évidente ? Prévenir coûte moins cher que traiter la crise, comme les autorités angolaises commencent à s’en rendre compte. Parier que la fièvre jaune n’arrivera jamais ne coûte rien, jusqu’au moment où elle arrive.]