[e-med] Grippe porcine : l'OMS accusée de trainer les pieds sur les génériques

Grippe porcine : l'OMS accusée de trainer les pieds sur les génériques
NOUVELOBS.COM | 11.05.2009 | 15:28

Plusieurs experts s'étonnent que l'organisation n'encourage pas la
production massive d'antiviraux génériques, donc moins chers, afin d'aider
les pays pauvres, particulièrement exposés à une pandémie de grippe
mexicaine.

http://tempsreel.nouvelobs.com/speciales/la_grippe_porcine/20090511.OBS6447/
loms_accusee_de_trainer_les_pieds_sur_les_generiques.html

L'Organisation mondiale de la santé (OMS) pourrait encourager la production
massive de médicaments génériques, dans la lutte contre le virus de la
grippe A. Or, elle ne le fait pas. C'est ce que constatent plusieurs
experts, lundi 11 mai. En effet, tandis que les pays riches stockent des
millions de doses Tamiflu°, les pays pauvres, particulièrement exposés à une
pandémie de grippe mexicaine, ne disposent d'assez de médicaments que pour
une partie infime de leur population.

Traitement au Tamiflu° : 74 euros

Le Tamiflu°, antiviral du laboratoire suisse Roche, coûte jusqu'à 100 dollars le traitement (74 euros).
Il est protégé par un brevet ; mais, en cas de
crise sanitaire, les règles de l'Organisation mondiale du commerce (OMC)
autorisent les pays pauvres à passer outre. Cipla, le géant pharmaceutique
indien, a déjà indiqué qu'il pourrait fabriquer un générique du Tamiflu° et
le commercialiser pour environ 12 dollars (9 euros) le traitement.

Certains observateurs se demandent donc pourquoi l'OMS n'a pas conseillé aux
pays pauvres de commander des stocks d'antiviraux génériques au moment où
elle a élevé son niveau d'alerte au degré 5 (sur 6). Ce degré signifie
qu'une pandémie grippale est jugée "imminente".

Des experts soupçonnent en fait l'OMS d'avoir peur de froisser les grands
groupes pharmaceutiques qui l'alimentent en stocks de médicaments. Les
laboratoires sont en effet défavorable au recours aux médicaments génériques
et ce, quelles que soient les circonstances.

Sangeeta Shashikant de l'ONG Third World Network (Réseau tiers monde),
estime qu'"il faut mettre en place un meilleur système afin que l'OMS ne
dépende plus de la charité et de la bonne volonté des laboratoires pour se
procurer des médicaments pour les pays pauvres".

Des stocks insuffisants

Le géant indien Cipla dit pouvoir fabriquer 1,5 million de traitements d'un
générique du Tamiflu° dans les prochaines semaines. Le laboratoire affirme
pouvoir en produire encore des millions. "Mais il faut un engagement ferme
de pays ou d'agences internationales comme l'OMS", déclare Yusuf Hamied, le
président de la compagnie. "La balle est dans leur camp."

De son côté, l'OMS assure faire de son mieux pour obtenir des antiviraux
pour les pays pauvres. Elil Renganathan, en charge de ce dossier au sein de
l'organisation, estime que "l'OMS travaille au nom de ses états membres pour
se procurer davantage d'antiviraux en fonction des besoins, soit par des
dons soit par des achats au plus prix possible, afin de soutenir les pays en
développement dans le besoin".

L'OMS a un stock d'environ 5 millions de traitements Tamiflu° qui lui ont été donnés par Roche.
La semaine dernière, elle a commencé à en envoyer 2,4
millions dans 72 pays pauvres. Mais ce n'est rien face aux centaines de
millions de personnes qui pourraient être vulnérables en cas de pandémie.

Garantir l'accès aux antiviraux pour tous

L'agence onusienne étudie le recours aux génériques mais n'a pour l'instant
pris aucune décision. SelonElil Renganathan, elle veut s'assurer que les
génériques répondent aux normes sanitaires.

"Je ne comprends pas pourquoi l'OMS n'a pas lancé un programme de
génériques", confie Tido von Schoen-Angerer, qui dirige la campagne Accès
aux médicaments essentiels de Médecins sans frontières (MSF). "Un rôle
important de l'OMS est d'augmenter le stock mondial d'antiviraux génériques
et de garantir que tous les pays y aient accès", considère-t-il. "On ne voit
pas bien pourquoi l'OMS n'en a pas fait une priorité."

En effet, dans les pays pauvres, où les taux de VIH, de paludisme, de
tuberculose et de malnutrition sont plus élevés qu'ailleurs, les populations
sont plus vulnérables au virus A(H1N1).

Si les réserves de génériques étaient plus importantes, les pays en
développement en ayant les moyens, comme la Thaïlande ou le Brésil,
pourraient renforcer leurs stocks. Et pour les pays plus pauvres, des
agences comme l'UNICEF pourraient acheter les antiviraux et leur distribuer.

(Nouvelobs.com avec AP)