Santé. Face au risque de pandémie, Cipla va produire une copie du Tamiflu.
Un laboratoire indien se lance dans l'antigrippe générique
Par Florent LATRIVE
samedi 15 octobre 2005 (Liberation - 06:00)
http://www.liberation.com/page.php?Article=331248
Face aux craintes d'une pénurie mondiale du principal médicament antiviral
jugé capable d'enrayer une pandémie de grippe, le laboratoire indien Cipla a
annoncé jeudi qu'il allait produire ses propres copies génériques du
Tamiflu. Certes, celui-ci n'est peut-être pas efficace à 100% (lire
ci-dessous) mais il y a tout de même un réel «besoin et des menaces de
ruptures de stock», justifie Amar Lulla, directeur exécutif de Cipla, en
prévoyant les premiers lots de la molécule pour décembre, sous son nom
scientifique d'oseltamivir.
Prévision. Jusque-là, seul le suisse Roche, détenteur du brevet sur le
Tamiflu, fournissait la planète en pilules, et notamment les gouvernements
qui en stockent en prévision d'une pandémie. «Plus de quarante gouvernements
ont déjà passé commande», indique Olivier Hurstel, porte-parole de Roche. La
France devrait ainsi disposer en décembre de près de 14 millions de doses.
Pour faire face, Roche a multiplié sa capacité de production par huit depuis
2003 et compte encore l'augmenter. «On répond sans souci à la demande»,
affirme Olivier Hurstel. Un discours rassurant de plus en plus contesté, car
de nombreux pays dont les Etats-Unis n'ont pas stocké assez de Tamiflu
et les délais de livraison (douze à dix-huit mois) pourraient s'allonger. Et
la plupart des pays du Sud sont encore démunis.
Urgence. La Commission européenne a déclaré jeudi négocier avec Roche pour
gonfler encore sa production. Plus radicalement, le directeur général du
Center for Diseases Control de Taiwan a suggéré mardi de faire sauter le
brevet de Roche. La démarche, autorisée dans de nombreux pays en cas
d'urgence sanitaire, consisterait à autoriser d'autres labos à produire du
Tamiflu. Roche affirme que le processus de fabrication est trop complexe
pour qu'un concurrent puisse le maîtriser en moins de trois ans.«C'est
difficile à mettre au point, mais nous avons réussi», affirme Amar Lulla.
Cipla ne compte pas défier Roche sur sa propriété intellectuelle et jure ne
viser que «les marchés où le médicament n'est pas couvert par un brevet»,
poursuit Lulla. C'est le cas de l'Inde, car le pays ne reconnaît les brevets
sur les médicaments que depuis le 1er janvier, bien après la
commercialisation du Tamiflu. Mais aussi de pays africains et asiatiques,
parmi les plus pauvres.