Hépatite C : Comment le Maroc a dribblé un laboratoire américain
http://www.yabiladi.com/articles/details/37010/hepatite-comment-maroc-dribble-laboratoire.html
« *Le générique du Sofosbuvir a obtenu son AMM et sera bientôt
commercialisé dans les pharmacies* », a enfin confirmé le ministre de la
Santé, Houcine Louardi, lors de sa conférence de presse bilan annuelle
<http://www.medias24.com/SOCIETE/156089-Medicaments-Les-eclairages-du-ministre-de-la-sante.html>,
mercredi 26 juin 2015. Jusqu’ici, seules des sources anonymes avaient
annoncé la vente prochaine au Maroc du générique du médicament miracle
contre l’Hépatite C
<http://www.yabiladi.com/articles/details/29599/hepatite-marocains-auront-ils-acces-nouveau.html>\.
Comment le Maroc a-t-il réussi ce tour de force ? *Le Maroc va bel et bien
produire un générique du sofosbuvir, le médicament miracle contre
l’Hépatite C. Le ministère de la Santé est parvenu à ses fins malgré les
différentes tentatives du laboratoire américain Gilead pour vendre son
médicament au prix fort au Maroc.*
A l’origine, « *le sophosbuvir a été développé par Pharmasset, start-up de
biotechnologie. Ce n’est pas un grand laboratoire, seulement l’une de ces
petites boîtes qui testent à l’aveugle des molécules pour les revendre à
des multinationales lorsqu’elles se révèlent prometteuses, car les essais
cliniques coûtent extrêmement chers et ne sont pas dans leurs moyens* »,
explique Othman Mellouk, médecin et membre d'ITPC Mena
<http://www.itpcmena.org/?Une-premiere-victoire-en-vue-de-la>, association
de lutte pour l'accès aux médicaments.
*Le Maroc entre les mailles du filet*
Pharmasset a déposé son premier brevet en 2008, 2009 aux Etats Unis. Or un
brevet n’étant valable que dans un pays, il faut les déposer un à un dans
chaque pays où l’on prévoit de vendre. « *A l’époque, la stratégie de
Pharmasset, puisqu’il s’agissait d’une petite boîte, a été de déposer son
brevet dans les grands pays où elle envisageait de vendre et de laisser les
petits* *de côté *», précise Othman Mellouk. C’est ainsi que le Maroc est
passé entre les mailles du filet. En 2010, le laboratoire pharmaceutique
américain Gilead mesure l’intérêt considérable de la molécule du sofosbuvir
et paye le prix fort : il rachète 12 milliards de dollars Pharmasset,
uniquement pour obtenir ce brevet.
Le temps de lancer sa stratégie commerciale, il ne parvient pas à déposer à
temps des brevets dans tous les pays, car une règle de l’OMS fixe le délai
maximum entre le dépôt du premier et du dernier brevet à 18 mois. Au-delà,
une molécule ne peut plus être considérée comme ‘nouvelle’. Gilead va donc
tenter de limiter la production du générique par d’autres moyens.
*4 brevets secondaires*
Le laboratoire pharmaceutique avait justifié le prix exorbitant de son
médicament dans les pays riches - 45 000 euros pour 3 mois de traitement -
par sa volonté de proposer des prix abordables aux pays en voie de
développement. Pourtant Gilead va refuser de considérer le Maroc comme un
pays en développement. « *Malgré nos premières tentatives, le laboratoire
américain Gilead propriétaire de la formule médicamenteuse et de la licence
refusait de considérer le Maroc comme un pays éligible à des tarifs
préférentiels* », a révélé mercredi le ministre de la Santé.
Le 15 septembre dernier, le laboratoire américain tente autre chose : il
signe un contrat de licence volontaire avec les génériqueurs indiens qui
obtiennent le droit de produire et d’exporter le médicament dans 91 pays,
mais le Maroc n’en fait pas partie. Au contraire, « *au Maroc, Gilead
dépose 4 brevets secondaires, sur le mode de fabrication et sur d’autres
aspects périphériques. L’an dernier l’OMPIC en a accordé deux et les deux
autres sont toujours en cours d’examen, mais aucun n’empêche définitivement
un génériqueur marocain de produire le sofosbuvir s’il le souhaite* »,
explique Othman Mellouk.
*3000dh par mois*
In fine, un ‘sofosbuvir marocain’ devrait bientôt voir le jour. « *Il sera
vendu au prix d’environ 3000dh par mois [pour 3 mois de traitement] qui
sera bien évidemment remboursable par la CNSS *», assure Houcine Louardi.
Un prix équivalent à celui négocié par l’Egypte auprès de Gilead et auquel
le patient doit ajouter le prix élevé des deux autres médicaments qui
accompagnent toujours le traitement.
Le ministre n’a pas confirmé le nom du laboratoire marocain qui va produire
le sophosbuvir, même si le nom de Pharma 5 circule depuis plusieurs
semaines dans la presse. « *Ils craignent probablement que Gilead signe un
accord avec les fournisseurs de matière première de Pharma 5 pour qu’ils
n’exportent pas vers le Maroc *», pense Othman Mellouk.
Julie Chaudier
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