[e-med] Licence Gilead/Traitements VHC : réaction des associations marocaines

Bonjour

Veuillez trouver ci-dessous en français le communiqué d'aujourd'hui
d'ITPC en Afrique du Nord et au Moyen-Orient (ITPC-MENA), de
l'Association marocaine de lutte contre le sida (ALCS) et du Collectif
pour le droit à la santé au Maroc (CDSM) en réaction à la licence
volontaire signée par Gilead avec 7 compagnies productrices de
génériques indiennes.

Cordialement,

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Pauline Londeix
ITPC-MENA
+212 6 02 50 81 36
Skype : paulinelondeix

Communiqué de presse conjoint - Casablanca le 18 septembre 2014
ALCS, CDSM, ITPC-MENA
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pour diffusion immédiate
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ITPC-MENA, l'ALCS et le CDSM dénoncent la licence GILEAD qui va priver
625 000 personnes infectées par le VHC au Maroc du traitement

http://itpcmena.org/?73-millions-de-personnes-touchees

Le laboratoire pharmaceutique Gilead a annoncé le lundi 15 septembre
2014 avoir signé un accord de licence volontaire avec plusieurs
fabricants de génériques implantés en Inde sur le nouveau <<
blockbuster >> de Gilead utilisé dans le traitement du virus de
l'hépatite C (VHC), le sofosbuvir. Cette licence autorise ces
producteurs de génériques à exporter la nouvelle molécule dans 91 pays
à bas et moyens revenus (PBMR) à moindre coût. Toutefois, cette
licence interdit toute exportation vers le Maroc ainsi que vers 50
autres pays à bas et moyens revenus.

Au total, à travers le monde, 73 millions de personnes infectées par
le VHC sont exclues du cadre géographique de cette licence. Au Maroc,
l'accès aux traitements pour les 625.000 personnes atteintes du VHC
paraît fortement compromis, soit parce que le coût ne pourra pas être
supporté par le système de santé, soit parce que les personnes seront
dans l'impossibilité de payer le prix de ces traitements de leur
poche. On estime que l'exclusion du Maroc de cette licence va couter
au gouvernement marocain au moins 790 millions de dollars s'il
souhaite soigner sa population infectée par le VHC selon les nouveaux
standards de soins internationaux .

Loin de promouvoir l'accès aux médicaments, cette licence volontaire à
l'initiative de Gilead représente une menace majeure pour l'accès aux
traitements de l'hépatite C.

L'Association de lutte contre le sida (ALCS), le Collectif pour le
Droit à la Santé Maroc et la Coalition internationale de Préparation
aux Traitements dans la région MENA (ITPC-MENA) dénoncent fermement
l'exclusion du Maroc de cette licence annoncée par le laboratoire
américain Gilead.

Selon l'Organisation mondiale de la santé (OMS), près de 180 millions
de personnes sont porteuses du VHC à travers le monde. 625.000 d'entre
elles vivent au Maroc. Non traitée, l'infection par le VHC est
responsable de maladies du foie, et à des stades plus avancés, de
cirrhoses et de cancers. La prise en charge des complications liées au
virus pèse lourdement sur le système de santé, et dans de très
nombreux cas, le dépistage tardif du virus expose les personnes
touchées à de lourdes complications.

Jusqu'à l'année dernière, la prise en charge du virus reposait
principalement sur l'administration de la bithérapie peg-Interferon et
ribavirine, réputés pour leur taux d'échec thérapeutique important
ainsi que pour leur toxicité. Mais cette bithérapie restait le seul
traitement efficace existant contre le VHC. Au Maroc, seulement 2 000
personnes étaient prises en charge par le ministère de la Santé
notamment par l'intermédiaire du Ramed et de l'AMO. Les personnes non
éligibles à ces systèmes étaient livrées à elles mêmes et contraintes
à payer de leur poche, pour celles qui le pouvait le prix de ces
traitements déjà très élevés.

Début 2014, le sofosbuvir, commercialisé par la firme Gilead a été mis
sur le marché en Europe et aux Etats-Unis. Le traitement est
actuellement mis sur le marché dans d'autres pays. Il s'agit d'un des
premiers traitements oraux sous forme de comprimé contre le VHC, qui
permet, lorsqu'associé au peg-Interferon et à la ribavirine, de guérir
complètement de l'infection en 12 semaines. D'ici peu, le sofosbuvir
sera associé à d'autres antiviraux à action directe (AAD) comme le
datasclavir ou le ledispavir, qui seront les premières combinaisons
100% orales et pan-génotypiques (actives sur tous les génotypes du
virus) contre le VHC à être mises sur le marché.

Si ces avancées thérapeutiques représentent une révolution dans la vie
des personnes infectées par le virus, leur prix les rend inaccessibles
pour la majorité d'entre elles.

Aux Etats Unis ce dernier a été fixé à 84 000 dollars pour 12
semaines, soit 1 000 dollar le comprimé. En France, le prix oscille
entre 45 000 et 50 000 euros, bien qu'il soit encore en négociation.
Aussi bien en France que dans d'autres pays à hauts revenus, de tels
prix ne sont pas viables pour le système de santé. La France envisage
même de recourir aux licences obligatoires afin de résoudre le
problème du prix de ce traitement qui menace son système d'assurance
maladie. Sachant qu'en plus du coût du sofosbuvir, doivent s'ajouter
ceux des autres molécules et des examens médicaux nécessaires, et
devant l'impossibilité de recours aux médicaments génériques, il sera
impossible pour le Maroc de traiter ses malades sous sofosbuvir même
aux prix qui seront pratiqués par Gilead dans les pays à revenus
intermédiaires.

Qu'est-ce qui explique de tels prix ?

Compte tenu des prix demandés par Gilead, on pourrait imaginer que le
sofosbuvir soit très complexe à produire. Or, selon différents experts
en pharmacologie , la production du sofosbuvir, pour 12 semaines de
traitement ne reviendrait qu'à 100 dollars.

Il est à noter que Gilead peine à obtenir un brevet d'invention dans
nombre de pays dans la mesure où le sofosbuvir est un médicament à
l'innovation contestable au niveau moléculaire. Il s'agit en effet
d'une modification mineure d'un ancien médicament ce qui au regard de
nombreuses lois nationales, y compris celles de l'OMC, ne constitue
pas réellement une invention à part entière. Ainsi, plusieurs demandes
d'annulation du brevet sont actuellement en cours dans différents pays
comme l'Inde et la Thaïlande. En Egypte, le bureau des brevets a
d'ores et déjà refusé le brevet sur le sofosbuvir à deux reprises pour
manque de nouveauté et d'inventivité.

Pourquoi la licence volontaire de Gilead menace l'accès aux
médicaments au Maroc ?

La licence volontaire annoncée par Gilead avec les sept producteurs de
génériques prétend améliorer l'accès aux traitements dans les pays en
développement en autorisant à produire et exporter ses médicaments
contre le VHC à 91 pays en développement. Mais en réalité, selon
Pauline Londeix spécialiste des questions de propriété intellectuelle
pour ITPC-MENA : << il s'agit d'une opération de communication qui
dissimule mal une volonté du laboratoire de contrôler les producteurs
de génériques et de matière première afin que ceux-ci soient dans
l'incapacité de fournir les pays exclus du territoire de la licence,
sous peine de poursuite juridiciaire. Ainsi, le monopole de Gilead
sera renforcé sur les marchés qui intéressent le plus la firme
américaine : les pays à hauts revenus, et à revenus intermédiaires
comme le Maroc. >>

Pour Othman Mellouk, chargé du plaidoyer à ITPC-MENA : << Avec cette
licence, Gilead neutralise toute possibilité de compétition par les
médicaments génériques pour les pays dont le marché est le plus
intéressant financièrement pour Gilead. La majorité des génériqueurs
capables de concurrencer Gilead ont signé cette licence ce qui
signifie qu'il leur sera formellement interdit de fournir en
sofosbuvir générique tous les pays exclus de la licence, même lorsque
il n'y a aucun brevet sur la molécule dans ce pays. C'est le cas du
Maroc actuellement qui reste un grand perdant de cet accord >>.

Selon les règles du droit national et international, seule la
détention d'un brevet d'invention (de vingt ans), peut justifier une
exclusivité de production ou de commercialisation au profit du
laboratoire détenteur de ce brevet. << Nous assistons à une dérive
majeure du système de propriété intellectuelle. Désormais le principe
de souveraineté des pays à décider de leurs lois nationales sur les
brevets, ainsi que les conventions internationales en vigueur, sont
méprisées et court-circuitées au profit des seuls intérêts d'un
laboratoire privé, qui peut, seul désormais, imposer ses règles même
lorsqu'il est question de maladies graves aux conséquences lourdes
pour nos pays. >>, a déclaré Pr. Hakima Himmich, présidente de l'ALCS.

L'ALCS le Collectif pour le Droit à la Santé Maroc et ITPC-MENA
appellent les autorités sanitaires marocaines à dénoncer cette licence
et à explorer toutes les possibilités pour rendre le sofosbuvir
générique disponible au Maroc, notamment le recours à la production
locale, ainsi que le recours aux voies légales contre les pratiques
anti-compétitives abusives du laboratoire Gilead.