[e-med] Pas de brevet pour le sofosbuvir en Egypte, mais l'offre de Gilead reste très chère

(Remerciement à CR pour la traduction de cet article disponible en anglais
ici :
http://www.twnside.org.sg/title2/intellectual_property/info.service/2014/ip
140408.htm .CB)

*Pas de brevet pour le sofosbuvir en Egypte, mais l'offre de Gilead reste
très chère*

Heba Wanis, Le Caire, le 8 avril. Un premier examen de la soumission du
brevet de sofosbuvir, un traitement majeur de l'hépatite C, par le service
égyptien des brevets, laisse entendre au'il ne peut être retenu.

L'examen montre que "l'invention" ne répond pas aux critères de nouveauté
ou
d'inventivité permettant d'obtenir un brevet. La décision finale est encore
à venir, cependant il est clair que sobosfuvir ne sera pas breveté en
Egypte. En parallèle, le ministère de la santé égyptien a passé un accord
avec Gilead Sciences Inc., le labo multinational américain, autorisant un
prix de 300$ pour un flacon d'un mois de traitement de sobosfuvir pour son
programme national de lutte contre l'hépatite C.

Gilead a soumis une demande de brevet pour sobosfuvir en Egypte, un
anti-virus oral. Selon des sources du service des brevets en Egypte,
sobosfuvir n'est pas nouveau et ne mérite pas la protection accordée aux
brevets. Gilead en a été informé, mais n'a pas encore répondu à cette
communication.

En Inde, sobosfuvir fait face à une opposition avant d'être autorisé.
L'affaire a été engagée par Initiative for Medicines Access and Knowledge
(I-MAK) contre Gilead, devant le Breau des brevets de Kolkoata
(anciennement
Calcutta NDLR). Pour s'y opposer on parle d'absence de nouveauté,
d'inventivité, d'une présentation nouvelle d'un produit connu et d'une
nouvelle indication de ce produit. Selon des sources du brueau égyptien des
brevets, il n'est pas nécessaire de s'engager dans un cas semblable,
l'examen suffisant par lui-même pour en décider et rejeter la demande.

En parallèle, Gilead en a profité pour négocier agressivement avec le
ministère de la santé égyptien pour faire autoriser sobosfuvir (sous le nom
de Solvadi) et pour le vendre aux autorités pour leur programme anti virus
de l'hépatite C. Le prix retenu est de 300$ pour un flacon d'un mois de
traitement, équivalent à 2.000 livres égyptiennes, soit le revenu mensuel
d'une famille de la classe moyenne en Egypte.(1) Pour le Dr. Adel Adawy,
Ministre égyptien de la santé, c'est un "succès".

La durée du traitement par sobosfuvir est de 3 ou 6 mois, la décision sera
prise après des études cliniques sur le génotype 4, celui prévalent en
Egypte. Le coût total du traitement sera alors soit 900$ soit 1.200$.

*Situation de HCV en Egypte*

Il semble que Gilead pousse au maximum pour vendre son produit en Egypte
car
ce pays est le premier où son produit est enregistré. L'Egypte connaît le
plus haut niveau de prévalence de HCV au monde, avec 14,7% de la
population,
(2) le taux pouvant être encore plus élevé dans ceratines zones : le delta
du Nil et la haute en Egypte connaissent des taux de 28% et 26% chacun..(3)
Huit à dix millions d'Egyptiens sont porteurs d'anticorps du HVC, de 5 à 7
millions d'entre eux sont atteints d'infections chroniques par le HCV. Le
taux d'incidence est estimé entre 2 et 6 pour 1.000 par an.(4) Avec de tels
taux, l'Egypte est une garantie pour Gilead de voir son produit décoller.

*Coût du traitement et financement public*

D'après un rapport récent de Médecins du Monde, le prix retenus coûtera au
gouvernement égyptien 5 fois son budget de dépenses en santé de 2011 si
tous
les patients se voyaient traités par sobosfuvir. (5) IL est bon de noter
que
jusqu'en 2011, le National Control Strategy n'a réussi à traiter que 1,67%
des patients atteints de la maladie chronique. De plus, le budget annuel
alloué à la lutte contre HCV ne couvre que 40% du coût total du programme.
(6)

Le Dr. Wahid Doss, Chef du Comité national de la lutte contre HCV a
expliqué
que l'institut du foie (Liver Institute) fournira le traitement qui sera
payé par d'autres sources comme la Sécurité Sciale et les syndicats. Il est
possible qu'une participation des patients soit envisagée.(7)

La nature socioéconomique de HCV en Egypte et le coût individuel très élevé
des traitements soulignentd'évidence la difficuté d'accéder au traitement.
Le programme gouvernemental reste encore sous-financé de loin et on se
demande comment le gouvernement, représenté par le Ministère de la santé et
le Comité de lutte contre HCV, pourra réunir les fonds nécessaires à
l'achat de sobosfuvir.

On ne connait pas les détails de l'accord avec Gilead. Cependant, certains
détails sont connus grâce à des fonctionnaires du Ministère de la santé qui
ont participé à la réunion de l'OMS sur le partenariat contre l'hépatite
qui
s'est tenue à Genève les 27 et 28 mars 2014 ( World Health Organization
Global Partners Meeting on Hepatitis). Sur le marché privé, le prix de
sobosfuvir sera 5 fois celui retenu par le gouvernement soit 4.500 $ US,
pour un traitement de 12 semaines, l'accord sera révisé chque année avant
d'être renouvelé.

D'après Gilead, pour traiter le génotype 4 (GT-4) de HCV, celui prévalent
en
Egypte, on associe à sobosfuvir de l'interféron pégylé et de la ribavirine.
(8) Le Dr. Doss a cependant mentionnéque Gilead propose une seconde
possibilité qui consiste enun traitement par sobosfuvir seul pendant 6 mois
(cette option offre un élargissement du marché pour Gilead).(9) Cette
proposition ne sera retenue qu'après avoir conduits des études cliniques
sur
le GT-4 en Egypte. Selon Gilead, les résultats de ces études ne sont pas
finalisés et ne sont pas encore publiés. (10)

Pour l'instant, on ne sait pas si le coût des traitements associés a été
compris dans la négociation.

La stratégie de négociation des prix en Egypte s'est toujours faite sur la
base d'un prix bas pour les programmes publics en échange d'un prix élevé
sur le marché privé. Compte tenu du haut niveau des dépenses en soins de la
santé en Egypte, il en résultera qu'une large proportion de la population
ne
sera pas couverte par les programmes nationaux, les patients auront à payer
de leur poche.

*Une stratégie d'enregistrement restrictive de la part de Gilead et les
licences volontaires*

Gilead a présenté son Programme d'Expansion du Traitement de HCV, qui
couvre l'enregistrement et la licence de sobosfuvir à une réunion qui s'est
tenu à Bangkok en février dernier (First HCV World Community Advisory Board
CAB), réunion à laquelle ont participé 22 pays.

l'Egypte a été le premier pays ciblé pour l'enregistrement de sobosfuvir.
Parmi les critères retenus, on note la prévalence du HCV, la connaissance
de
la maladie, les étapes de l'enregistrement et leur calebdrier. A la suite
de l'Egypte, on trouve les pays suivants: Brésil, Mexique, Argentine,
Nigeria, République dominicaine et Haiti, Inde, Pakistan, Thailande, etc.

Les licences volontaires sont prévues dans la stratégie d'expansion de
Gilead. Des pays sont retenus s'ils ont "la capacité en génériques, quand
les ressources, les financements et les infrastructures en santé sont
limités". Un elongue liste de pays suit dont : Inde, Kenya, Pakistan,
Soudan, Soudan Sud, Tanzanie, Zambie, Zimbabwe, entre autres.

Selon Gilead, les licences volontaires seront autorisées dans des pays aux
revenus bas et moyens avec une très haute prévalence de HCV et pas de
financements. On s'étonne de ne pas voir l'Egypte dans cette liste, malgré
ses acpacités de production, son niveau de revenu bas ou moyen et la plus
haute prévalence du HCV au monde.

*Pourquoi la production locale est importante en Egypte?*

En Egypte, l'industrie a souhaité pouvoir produire localement le
sobosfuvir,
des contacts ont même été établis avec des génériqueurs pour fournir le
principe actif. Cependant le Minsitère de la santé hésite à soutenir ces
initiatives, selon des labos locaux, et des repréepsentants de la Chambre
Egyptienne de l'Industrie Pharmaceutique. On s'en est aperçcu plus tard
quand on a remarque l'absence de ce sujet du programme des négociations
avec
Gilead.

Non seulement une production locale fournit les patients, et le
gouvernement, avec des produits moins chers, mais elle crée la concurrence
qui oblige les entreprises innovantes à revoir leurs prix. On connaît un
précédent en Egypte dans le cas de HCV, quand Minapharm s'est mise à
produire une version biosimlaire de l'interféron pégylé de Roche, ce qui a
résulté en une baisse du prix.

Gilead est en train de négocier une licence volontaire en Inde, qui sera
alors l'un des premiers pays à produire une version moinschère de
sobosfuvir. Cependant l'Inde ne pourra certainement pas fournir des pays
non
retenus dans la licence volontaire, l'Egypte en étant l'un d'entre eux.
(11)

(* Heba Wanis est chercheur à Access to Medicines with the Egyptian
Initiative for Personal Rights.)