[e-med] Hépatite C : Gilead autorise une version générique d u Solvadi... dans les pays pauvres

Hépatite C : Gilead autorise une version générique du Solvadi... dans les
pays pauvres
16/09/2014
http://www.lequotidiendumedecin.fr/actualite/medicament/hepatite-c-gilead-autorise-une-version-generique-du-solvadi-dans-les-pays-pauvr?ku=x5DAxvBx-xxvx-C77y-B57C-9wwyy6BzB99B

Le groupe américain de biotechnologies Gilead Sciences a autorisé lundi
pour 91 pays en développement une version générique de son traitement
contre l’hépatite C, très efficace mais si onéreux que seule une infime
minorité de patients y a actuellement accès.

Le Sovaldi de Gilead est vendu aux États-Unis 1 000 dollars par pilule, ce
qui porte le coût total du traitement de douze semaines - efficace dans
plus de neuf cas sur dix - à 84 000 dollars (65 000 euros). « Cette
annonce change la donne », a estimé Greg Alton, vice-président exécutif de
Gilead, auprès de l’AFP à New Delhi. « Le grand changement, c’est que nous
mettons ce traitement à disposition de millions de gens dans le monde »,
a-t-il ajouté.

Le génériqueur Mylan a annoncé dans un communiqué qu’il avait obtenu de
Gilead les droits non exclusifs de fabrication et de distribution du
principe actif de ce traitement, le sofosbuvir. Sept fabricants de
génériques - tous basés en Inde - bénéficient d’une autorisation similaire
(Cadila Healthcare, Cipla, Hetero Labas, Ranbaxy, Sequent Scientific et
Strides Arcolab).

Ces fabricants ont indiqué qu’il était trop tôt pour savoir à quel prix
ils commercialiseraient le traitement. Gilead estime que le Sovaldi sera
accessible en Inde pour 300 dollars par mois, un niveau de prix qui
servira de « référence » pour les autres pays.

L’autorisation est valable pour 91 pays en développement où vivent plus de
100 millions de personnes contaminées par le virus de l’hépatite C (soit
54 % des personnes touchées dans le monde). Les modalités financières de
l’accord n’ont pas été rendues publiques.

En France, les associations veulent aussi une baisse des prix

En France, les associations estiment que la décision de Gilead ne résout
pas le problème de millions de patients de pays aux revenus plus élevés
qui n’auront pas accès au traitement. « Nous saluons la volonté des
fabricants de génériques de renforcer la production de ces nouveaux
antiviraux à action directe », a déclaré Rohit Malpani, de Médecins Sans
Frontières. Mais cet accord « prive des millions de malades de l’hépatite
C de tarifs abordables, ce qui n’est pas acceptable », a-t-il ajouté.

La commercialisation du sofosbuvir a été autorisée en décembre 2013 par
les autorités sanitaires américaines et en janvier 2014 par leurs
homologues européennes. En juillet, quatorze pays européens, dont la
France, se sont alliés pour négocier une baisse de prix du traitement de
Gilead. La ministre française de la Santé Marisol Touraine avait annoncé
que les négociations se feraient pays par pays mais que les 14 pays
échangeraient leurs informations pour obtenir une baisse de prix de ce
traitement qui, sinon, coûterait des « milliards » d’euros à la sécurité
sociale.

Un collectif associatif* estime que « pour pouvoir traiter les 128 000
personnes qui ont un besoin urgent en France, il faudrait débourser
l’équivalent de l’intégralité du budget 2014 de l’Assistance
Publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP) soit 7 milliards d’euros ». Il demande
aux autorités de « soumettre le Sovaldi au régime de la licence d’office,
qui permettrait d’en produire une version générique à un moindre coût ».
Ce dispositif prévu dans le cadre des flexibilités de l’accord
international sur les droits de propriété intellectuelle qui touchent au
commerce (ADPIC) est également possible dans le code de la propriété
intellectuelle français.

Dr Lydia Archimède (avec AFP)

* Actions Traitements, Act Up Paris, Act Up Sud-Ouest, Aides, Arcat, ASUD
CHV, CISS, Comede, Médecins du Monde, Dessine-moi un Mouton, Nova Dona,
SIS association, Sol En Si, SOS Hépatites Fédération, TRT-5

Et dans les pays avec un PIB plus élevé, la discussion commence avec les autorités de santé sur la question d'une licence obligatoire.

Pascal Revault

Directeur opérationnel du Comede

www.comede.org

La liste des pays qui vont bénéficier de ces mesures se trouvent ici :
http://www.gilead.com/~/media/Files/pdfs/other/HCVGenericAgreementFactSheet.pdf

La réponse de MSF à l'annonce de Gilead (traduction rapide) :
http://www.msfaccess.org/common-tags/gilead

«Les conditions de licence de Gilead sont loin de garantir l'accessibilité
financière généralisée de ces nouveaux médicaments dans les pays à revenu
intermédiaire, oùse trouvent plus de 70 pour cent des personnes atteintes
de l'hépatite C aujourd'hui.

L'offre d'Gilead exclut de nombreux pays à revenu intermédiaire
considérées par l'industrie pour être rentables sur les marchés émergents,
alors que les personnes vivant avec l'hépatite C chronique dans ces pays
proviennent souvent de communautés pauvres et marginalisées avec peu de
capacité de payer pour les médicaments onéreux.

Nous nous félicitons de l'intérêt des fabricants de médicaments génériques
pour augmenter la production de nouveaux antiviraux à action directe et de
la décision de Gilead à la diffusion de l'accord; Toutefois, une licence
volontaire très restrictive qui bloque des millions de personnes atteintes
de l'hépatite C à l'accès à des traitement abordables ne sont pas
acceptables. MSF espère que les gouvernements exclus prendront toutes les
mesures pertinentes disponibles en vertu des règles du commerce
international et des lois nationales sur les brevets pour sécuriser les
versions génériques à faible coût de ces médicaments ».

---- Rohit Malpani, directeur de la politique et de l'analyse, Médecins
Sans Frontières, la campagne d'accès

Pour information :

Communiqué – le 16 Septembre 2014

Hépatite C : les associations exigent une licence d’office pour le sofosbuvir (Solvadi) en France

L’arrivée de nouveaux traitements contre l’hépatite C permet d’espérer l’éradication du virus chez la quasi-totalité des malades. Mais les tarifs exigés actuellement par les laboratoires ne le permettront pas car ils conduiront les autorités françaises à mettre en place une véritable stratégie de rationnement qui créera une inégalité d’accès aux soins intenable dans la durée.

Le cas du sofosbuvir, première de ces molécules prometteuses, commercialisée par le laboratoire Gilead sous le nom de Sovaldi, est emblématique de cette situation. Le prix initialement exigé est de 56 000 € le traitement (12 semaines) pour un coût maximal de production estimé à 80 Euros. Pour pouvoir traiter les 128 000 personnes qui ont un besoin urgent en France, il faudrait débourser l’équivalent de l’intégralité du budget 2014 de l’Assistance Publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP) soit 7 milliards d’euros[1]. Sans compter que cette molécule doit, dans de nombreux cas, être prise pendant 6 mois et associée à un autre médicament, entrainant un coût total de 147 000 euros par personne, selon les exigences actuelles des laboratoires.

Si les dernières négociations engagées ce mois-ci pour la fixation du prix entre Gilead et le Comité économique des produits de santé (CEPS) aboutissent dans le sens voulu par le laboratoire, les répercussions seront lourdes pour l’ensemble des pathologies et des molécules innovantes à venir. Se pose de fait la question de la mécanique de fixation des prix des médicaments, tant sur le plan de la transparence que sur celui des arguments avancés pour justifier des prix aussi exorbitants.

Dans le contexte social et économique actuel et en particulier son retentissement sur la santé des populations, nos associations et collectifs ont demandé aux autorités de soumettre le Sovaldi au régime de la licence d’office, qui permettrait d’en produire une version générique à un moindre coût.

Ce mécanisme, rendu possible dans le cadre des flexibilités de l’accord international sur les droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce (ADPIC) est également prévu dans le code de la propriété intellectuelle français. Certains pays européens ont déjà eu recours aux licences d’office pour de nombreux médicaments permettant de faire chuter considérablement les prix et contribuer ainsi à la lutte contre les inégalités de santé.

Il est de la responsabilité de l'Etat de permettre l'accès à la santé, sur la base des moyens que la loi prévoit pour le faire. C'est précisément le cas de l'octroi d'une licence d'office pour lesofosbuvir.

Contacts :
Michel Bonjour, Président de SOS Hépatites Fédération - 06 84 29 00 95
Emmanuelle Hau/Aurélie Defretin, Médecins du Monde - 01 44 92 14 31 /13 81 – 06 09 17 35 59
Yann Mazens, TRT-5 - 06 46 10 09 51

Signataires : Actions Traitements, Act Up Paris, Act Up Sud-Ouest, Aides, Arcat, ASUD CHV, CISS, Comede, Médecins du Monde, Dessine-moi un Mouton, Nova Dona, SIS association, Sol En Si, SOS Hépatites Fédération, TRT-5

[1]Londeix P. Forette C., Nouveaux traitements hépatite C : stratégies pour atteindre l’accès universel, mars 2014

Céline GRILLON
Coordinatrice plaidoyer international
Act Up-Paris

[+33] 1 49 29 44 88
[+33] 6 50 01 39 10
international@actupparis.org
skype : celinegrillon
twitter : @Act_Up_Nord_Sud
www.actupparis.org

L'arrivée des nouveaux traitements pose le problème du prix bien sûr, mais également le problème de la répartition de l'argent public. La France paye 50 milliards par an d'intérêt de dette sans qu'aucune association ne proteste contre ces bénéfices tout à fait scandaleux en faveur des banques privées.
Nous sommes nombreux à accepter de payer pour un produit qui sauve des vies et épargne des souffrances et qui est une vraie innovation (sinon ce produit ou son équivalent existerait depuis longtemps).
Alors Gilead en profite sûrement et à ce titre il est condamnable mais il offre un vrai progrès pour le soin et la lutte contre l'hépatite. Le progrès médical est respectable et je suis d'accord pour qu'une partie importante de mes cotisations ou de mes impôts soient réorientés vers l'achat du produit, plutôt que gaspillés à payer des intérêts qui n'apportent rien en retour.
Le prix est un petit problème, c'est l'hépatite le vrai problème. N'oublions pas nos priorités, nous avons les moyens de payer, mais nous avons pris l'habitude de payer pour des choses qui ne valent rien.

Jean louis Roche

Le prix n'est pas un petit problème dans la mesure où il conditionne l'accès au traitement, même dans les pays qui disposent d'une sécurité sociale et dont les budgets de santé sont conséquents. En France par exemple, la Haute Autorité de Santé ne recommande le sofosbuvir que pour les stades sévères de fibrose ou atteintes de cirrhose, justement en raison du coût prohibitif. Les patients atteints du VHC sont donc invités à attendre que leur santé se dégrade pour bénéficier du seul traitement à ce jour capable d'éradiquer le virus... Il n'y a aucun doute sur l'avancée thérapeutique que représente ce produit mais l'on sait très bien que le prix demandé par Gilead n'a rien à voir ni avec le coût de production du médicament, ni avec les coûts de son développement, le rachat de Pharmaset par Gilead n'étant ni plus ni moins qu'une opération financière de spéculation sur les produits médicaux. Justifier ces dérives par le fait que l'argent public est par ailleurs massivement dépensé dans les intérêts de la dette ne fait que déplacer le problème, et ne règle en rien celui des malades de l'hépatite C qui, faute d'argent, ne bénéficierons pas de l'avancée thérapeutique que représente le sofosbuvir..

Céline GRILLON
Coordinatrice plaidoyer international
Act Up-Paris

[+33] 1 49 29 44 88
[+33] 6 50 01 39 10
international@actupparis.org
skype : celinegrillon
twitter : @Act_Up_Nord_Sud
www.actupparis.org

Bonjour,

Je suis d'accord avec vous sur le fait qu'il est scandaleux que les
intérêts des banques privées et leur implication sur la dette passent
avant l'intérêt de tous en France. Cependant, il me semble que cela ne
justifie en rien les abus du secteur pharmaceutique. Au contraire, les
faveurs dont bénéficient les banques et l'industrie pharmaceutique
privée contre l'intérêt public ont beaucoup en commun.

Comme indiqué par Céline Grillon, le prix final du sofosbuvir n'a rien
à voir avec les coûts de recherche et développement réalisés.
Gilead n'a pas développé lui-même le sofosbuvir mais a investi 11
milliards de dollars pour racheter Pharmaset. L'action de Gilead a
fortement augmenté en moins d'un an, ce qui a recouvert la totalité du
rachat de Pharmaset (alors qu'aucun comprimé de sovaldi n'avait été
encore vendu) .

Le coût de production du sofosbuvir pour 12 semaines de traitements a
été estimé par des pharmacologues autour de 100euros. Le sofosbuvir
est une molécule très proche du tenofovir, qui existe depuis longtemps
dans le traitement de l'hépatite B et du VIH/sida, et qui n'est plus
protégée par des brevets dans de nombreux pays, et qui est largement
produit sous forme générique.

Aux Etats-Unis, Gilead commercialise le sofosbuvir pour US$84 000, que
les assurances ou que Medicaid ne prennent pas toujours en charge.
Concrètement, de très nombreuses personnes n'ont pas accès aux soins à
cause du prix du traitement, et ce quelque soit leur stade de fibrose.

Une telle différence entre un coût de production et le prix de vente,
fait de l'industrie pharmaceutique le secteur qui réalise actuellement
les marges les plus fortes (un comprimé de sovaldi coûte $3 à produire
et est vendu $1000), loin devant l'industrie automobile ou l'industrie
du luxe.

Quand vous dites "Le prix est un petit problème, c'est l'hépatite le
vrai problème.", permettez moi de trouver cela particulièrement naïf,
notamment pour tous les pays où le prix est loin d'être un "petit
problème". S'il n'y avait pas eu les génériques contre le sida, des
millions de personnes n'auraient pas eu accès aux traitements
antirétroviraux (d'ailleurs c'est toujours le cas aujourd'hui pour les
secondes et troisièmes lignes)...

L'organisation I-MAK vient de réaliser des estimations sur ce que
certains pays à revenus intermédiaires devront payer en plus (par
rapport à une version générique) pour l'achat du sofosbuvir s'ils sont
contraints de payer le prix (minimum) fixé par Gilead dans les PRI.
Par exemple, pour le Brésil, on parle de 17 milliards de dépenses en
plus... Je ne suis pas certaine qu'il s'agisse d'un "petit"
problème...

Donc le prix est loin d'être un petit problème, dans la mesure où les
budgets nationaux ne pourront simplement pas, y compris en
doublant/triplant ou multipliant par dix leurs dépenses en santé,
absorber de telles dépenses...

En France, contrairement à ce que vous sous-entendez, il n'est pas
évident que notre système de santé puisse supporter de tels dépenses,
notamment lorsque l'on voit que l'achat du Sovaldi seul pour les
personnes se situant entre un stade fibrose avancé (F2 à F4)
équivaudrait au budget de l'AP-HP (7 milliards d'euros). Il ne faut
pas oublier non plus le fait que l'hépatite C ne se soigne pas en
monothérapie, et que donc il faut ajouter de nombreux autres coûts,
notamment celui des autres molécules, des examens de suivi, et...
puisqu'on réserve l'accès au sofosbuvir aux personnes à un stade de
fibrose avancé, de frais de prise en charge des complications liées à
ces maladies...

Enfin, on peut craindre que le prix qui sera fixé en France pour le
Sovaldi, conditionnera le prix, à l'avenir, des prochains traitements
qui seront mis sur le marché, contre l'hépatite C et dans le
traitement d'autres maladies.

Pour conclure, je pense qu'il est dangereux de faire un tel chèque en
blanc à l'industrie pharmaceutique sans suffisamment en mesurer toutes
les conséquences, à la fois pour notre système de santé en France, et
pour l'accès aux traitements à travers le monde, notamment pour
l'ensemble des pays où la question des prix n'est pas un "petit
problème" !

Pauline Londeix

C'est désolant que quelqu'un puisse justifier ce prix exorbitant imposé par GILEAD et qui n'a aucun lien avec le coût de la recherche ou le prix de revient industriel. Ce prix ne sert qu'à rémunérer les actionnaires et à empêcher les malades à bénéficier de ce traitement
Sachez qu'en Tunisie (qui ne bénéficie pas du prix modéré!!!???) le coût du traitement correspond à TRENTE ANNEES DE SMIG!!! Essayez de convaincre un Tunisien porteur de l'hépatite C avec ce raisonnement relatif à la dette et je ne sais quel autre argument.
Je n'ai pas l'habitude de ces réactions violentes mais que quelqu'un ose justifier cette situation m'a révolté

Pr Amor TOUMI

Bonjour,

Je répond aux messages que mon précédent mail n'a pas manqué de soulever. Je me suis peut être mal exprimé dans mon petit commentaire sur le prix du Sofosbuvir.
Gilead a surement exagéré le prix de son médicament, mais mon propos portait surtout sur les choix de société que nous soutenons.

Aujourd'hui si quelqu'un vient proposer un produit qui guéri mais qui est très cher, il faut discuter. Par contre, lorsque les états acceptent de payer des intérêts gigantesques en échange d'un peu d'argent frais, là il n'y a plus à discuter il faut protester et changer le système.

Lorsque je dis que l'argent est un petit problème, je veux dire que quand nos gouvernements veulent bombarder la Libye, la Syrie ou l'Afghanistan, il n'y a pas de problème d'argent. On est riche, très riche, on peut payer et personne ne discute de cela. Qui vient contester les marges énormes sur le prix des missiles sol-air ? D'ailleurs ce genre de dépense est à discrétion. Pourtant cet argent vient des mêmes poches que pour la sécu et il sert des intérêts bien peu nobles.

Je serais tellement heureux si l'éducation, la justice et la santé étaient les secteurs qui margent le plus. Mais pas du tout, ce qui marge le plus ce n'est pas l'industrie du médicament, mais celle de l'armement ou de la spéculation financière. Les financiers qui nous gouvernent ne veulent pas dépenser pour la santé.

Les génériques ont sauvés de nombreuses personnes démunies et c'est très bien. Il faut continuer, mais il ne faut pas cesser de lutter pour que la santé devienne la priorité des gouvernements. Ne commettons pas l'erreur de leur envoyer le message suivant :
« Continuez à gaspiller l'argent pour le service de la dette ou l'armement, nous de notre coté, nous avons trouvé le moyen de dépenser très peu pour soigner. »

Lorsque vous dites que de très nombreuses personnes n'ont pas accès aux médicaments à cause du prix, ce n'est pas exact. Ils n'ont pas accès parce que la répartition des dépenses publiques est mal faite. Les USA peuvent mener des guerres tout autour du globe mais sont incapables de soigner leur population. Est ce vraiment l'industrie pharmaceutique qui doit faire l'effort à leur place? Même si la cupidité les anime tous, l'industrie pharmaceutique a tout de même quelque chose de positif à vendre.

La guerre d'Irak a couté 125 millions de dollars par jour pendant au moins 5 ans et a provoqué plus d'un million de morts. Dans ces conditions je me vois mal blâmer GILEAD parce qu'il est trop cher pour sauver plusieurs millions de vies dans le monde.

Bien sûr il faut discuter pour que le prix baisse car c'est vraiment très cher. Je ne lutte pas pour que des actionnaires s'en mettent plein les poches, mais je ne veux pas non plus décourager un laboratoire qui innove.

Bien entendu ces remarques concernent les pays riches. Dans les PED c'est plutôt du coté du Fonds Mondial qu'il faut se tourner. Et il me semble que GILEAD ne pratique pas les mêmes prix pour ces pays. Après tout il n'est pas injuste que les pays Riches contribuent à la gratuité des traitements dans les PED. Tout le monde doit faire un effort.

Bien amicalement,

Jean Louis Roche

Bonjour,

Je me permet de vous envoyer ci dessous un texte sur le sujet que je viens de publier sur Mediapart (http://blogs.mediapart.fr/blog/gkrikorian/290914/revoir-leconomie-du-medicament-avant-quelle-nous-conduise-au-rationnement).

Cordialement,

Gaelle Krikorian

Revoir l'économie du médicament avant qu'elle nous conduise au rationnement

29 septembre 2014 | Par gkrikorian

            Depuis plusieurs mois le prix du sofosbuvir, un médicament contre l'hépatite C commercialisé sous le nom de Sovaldi® par le laboratoire pharmaceutique Gilead, fait couler beaucoup d'encre. En France mais aussi ailleurs dans le monde. La firme en demande de 45 000 à 60 000€, selon les pays, pour le traitement d'un patient pendant 12 semaines. Médecins, directeurs d'institutions sanitaires, responsables politiques, organisations de patients ont multipliés les déclarations : tous s'entendent pour trouver ce prix beaucoup trop élevé. Et d'abord trop élevé pour être soutenable par les systèmes de santé.

            Ce médicament peut guérir les porteurs de l'hépatite C. Mais ceux-ci sont nombreux : en France, on compte actuellement environ 370 000 personnes vivant avec le virus. Une réflexion a donc été engagée par certains experts. Il s'agit notamment de rapporter l'efficacité du traitement au prix qu'il coute afin d'en tirer une règle médico-économique d'aide à la décision thérapeutique. L'objectif devient plus de savoir dans quels cas on a intérêt, à prix fixe et dans un contexte de ressources limitées, à donner accès (en écartant par la même les cas où l'on se permettra de ne plus le faire) sans plus se demander si l'on doit, d'un point de vue éthique ou moral, permettre l'accès. Tandis que les déterminants économiques se trouvent naturalisés, des questions essentielles à débattre comme le principe de l'universalité sont ainsi discrètement évacué sans débat.

            L'intérêt du patient s'efface derrière celui de la société dans son ensemble qui se trouve désormais dans l'incapacité de payer pour tous au prix fixé. Mais pourquoi semble-t-il plus facile de commencer à trier les malades que de remettre en question l'intangibilité prétendu du prix et d'exposer les raisons économiques et les choix de politiques qui, s'ils ne le justifient pas, peuvent expliquer qu'on en soit arrivés là ? Je me garde la question du pourquoi pour un prochain texte, mais souhaite me pencher ici sur les conditions de l'existence de prix si extravagants.

            L'évaluation de l'efficacité des médicaments, comme de leur toxicité (les effets secondaires), et de leur prise en compte lors de l'appréciation du prix est un aspect clé. Cependant, s'il est nécessaire de discuter des propriétés spécifiques d'un médicament et le service médical rendu par rapport aux produits déjà existants pour appréhender sa mise sur le marché et les conditions de celle-ci (et donc notamment son prix), la controverse sur le sofosbuvir nous invite à nous interroger plus largement sur l'économie générale des médicaments.

            Le sofosbuvir n'est pas un cas isolé. Depuis 10 ans, le prix des nouveaux médicaments a augmenté de façon vertigineuse : des trithérapies antirétrovirales contre le sida à 7 000 euros par patient et par an, nous sommes passés à des combinaisons contre l'hépatite C ou certains anticancéreux à plus de 100 000 euros par patient et par an. Le sofosbuvir est à la une, mais on pourrait citer les anticancéreux sorafenib (le Nexavar® de Bayer) ou trastuzumab emtansin (le Kadcyla® de Roche). Si beaucoup de médicaments inutiles sont mis sur le marché et vendus très chers, lorsque les traitements peuvent guérir les patients ou leur permettent de rester en vie plus longtemps les prix n'en sont que plus exorbitants.

            Paradoxalement, peut-être faut-il chercher la raison de cette tendance des prix dans la constante régression de la courbe de l'innovation qui l'a accompagné : chaque année plusieurs centaines de produits nouveaux sont mis sur le marché, mais les innovations réelles se comptent sur les doigts de la main. Une évolution en compense ainsi une autre, et l'industrie continue de réaliser des marges nettes de profit incroyables, qui la placent parmi les secteurs les plus lucratifs, sans avoir à repenser son modèle. Moins d'innovations médicales, mais des prix de plus en plus élevés. Un deal perdant-perdant pour la société.

            C'est que la logique des firmes n'est pas celle de la santé publique. L'un de ses représentants, responsable chez Novartis, en avait d'ailleurs fait la démonstration, il y a quelques années en parlant de l'Inde, qui compte 1,23 milliards d'habitants, comme d'un marché de 50 millions de consommateurs. La stratégie commerciale de la firme se construit à partir d'une population-marché, considérée parce que solvable, en fonction de laquelle sont établis les prix des médicaments aux fins d'assurer des profits suffisamment importants – voire les plus importants possibles. L'organisation du rationnement qui en résulte est laissée à la charge des pouvoirs publics.

            Le cas du sofosbuvir est donc symptomatique d'un dysfonctionnement plus général. Comprendre la situation nécessite d'abord de remonter aux sources du problème. Le fait de donner des monopoles à des firmes par l'intermédiaire de brevets est aujourd'hui considéré comme le mode le plus efficient pour assurer la recherche et l'innovation. La justification est simple : l'exclusivité accordée doit permettre d'encourager l'innovation puisqu'elle offre un cadre de monopole idéal pour assurer le remboursement des investissements dans la recherche et dégager des profits. Pourtant, dans un nombre croissant de situations, cette stratégie finit par poser plus de problèmes qu'elle n'en résout : recherche orientée en fonction de la solvabilité des marchés et non des besoins sanitaires, réelles innovations en nombre toujours décroissant, profusion de médicaments similaires les uns aux autres ("me too"), et enfin difficultés grandissantes d'accessibilité pour les patients ou de soutenabilité des remboursements pour les systèmes de santé. Pour dire les choses plus simplement s'il n'y a pas de perspective de profit, il n'y aura pas de recherche, et si l'accès ne rapporte pas, il n'y aura pas d'accès. La logique de l'industrie n'est pas une logique de santé publique.

            Le médicament est protégé par un ou plusieurs brevets (parfois plusieurs dizaines pour un seul médicament). Chacun de ces brevets offre une protection de 20 ans, c'est-à-dire un monopole pendant toute cette durée sur le marché du pays qui a accordé le brevet. Les détenteurs de brevets sont en position de force pour exiger des prix élevés : dans la mesure où ils sont la seule source possible, aucun effet de concurrence ne peut faire baisser les prix qu’ils demandent. Comme le notait l'économiste James Love, le fonctionnement du système de financement de la recherche au travers de la protection des brevets peut être schématisée de la façon suivante : sachant qu'environ 10 à 15%, au maximum, du prix des médicaments est investi par les industriels dans la recherche, pour verser 15€ dans la recherche, il faut dépenser au moins 100€. Ce modèle, de plus en plus difficile à soutenir économiquement comme moralement, revient à faire payer des médicaments très chers à l'Etat et aux malades pour financer une recherche dont les priorités sont fixées par l'industrie.

            Or, en dépit du fait qu'ils aient été écartés depuis que le brevet est présenté comme la façon unique pour permettre l'innovation, l'histoire récente (ou un peu moins) nous rappelle qu'il existe d'autres mécanismes possibles pour encourager la recherche. Des mécanismes qui ne conduisent pas nécessairement à l'instauration de droits exclusifs et de monopoles, comme le financement direct de la recherche par les pouvoirs publics, des partenariats équilibrés entre public et privé qui ne se traduisent pas par une privatisation de la connaissance, la création de prix à l'innovation ciblant des besoins précis sans octroi de droits exclusifs sur les technologies mises au point, et bien d'autres.

            Le brevet conduit à une privatisation temporaire de savoirs. Mais lorsque la recherche est en grande partie financée par de l'argent public, des dispositions en matière de brevets ne devraient-elles pas assurer que le public ne perde pas tout accès à l'invention ? On a vu bien souvent des firmes privées obtenir d'institutions publiques ou d'universités des licences pour exploiter et commercialiser de façon exclusive des inventions. Ne faudrait-il pas réfléchir à nouveau à l'équilibre du rapport entre intérêt général et intérêt privé ?

            Au sein même du système des brevets l'équilibre doit être maintenu. Les textes de lois et les règlements internationaux sur les brevets prévoient des marges de manœuvre pour contrer les écueils que peuvent créer les monopoles ou éviter la privatisation abusive de la connaissance. Or la France, comme d'autres Etats, fait régulièrement le choix de ne pas utiliser ces possibilités légales.

            Pour commencer, il ne suffit pas qu'une demande de brevet soit introduite auprès d'un Etat pour que celui-ci l'accorde. Un brevet sanctionne la présentation d'une invention, c'est-à-dire la description d'une technique ou d'une technologie qui ne soit pas déjà connue par les experts du champ concerné, et qui soit réellement inventé (et non pas simplement découvert, comme pourrait l'être l'effet d'une plante, par exemple). Une application stricte des critères de brevetabilité peut ainsi éviter la création de situations de monopole là où elles ne seraient pas légitimes. A ce titre, il est intéressant de noter qu'un des deux brevets revendiqués par la firme Gilead sur le sofosbuvir, actuellement toujours en cours d'examen par l'office des brevets, est considéré comme certains experts comme non recevable pour défaut d'inventivité.

            Lorsqu'un brevet a été indûment accordé – ce qui se produit plus souvent qu'on le souhaiterait – une procédure d'opposition peut permettre de le faire annuler (si le brevet de répond pas aux critères d'inventivité, notamment). Il y a d'ailleurs des raisons de penser que le second brevet demandé par Gilead sur le sofosbuvir, qui lui a déjà été accordé en Europe, pourrait être annulable. Une procédure est en cours dans d'autres parties du monde.

            Enfin, des outils juridiques permettent de lever la protection donnée par des brevets, si, aux yeux de l'Etat, une situation l'exige. La loi française, dans son article L613-16, permet même spécifiquement à l'Etat de suspendre la protection d'un brevet en cas de "prix anormalement élevés" (il s'agit d'une forme de licencedite obligatoire (ici appelée licence d'office), par opposition aux licences volontairement accordés par les détenteurs de brevets).

            L'Etat ne devrait-il pas s'emparer de ses outils légaux lorsqu'il est confronté à des situations claires d'abus de la part de l'industrie ?

            Le questionnement ouvert ici peut également se poursuivre dans d'autres domaines de l'économie du médicament. Un nombre très conséquent de cas récents en France et en Europe ont mis en évidence un défaut d'évaluation des médicaments : un intérêt thérapeutique nettement surestimé, des effets secondaires trop souvent sous-estimés ou dissimulés. Plusieurs directions s'offrent à des politiques nouvelles. L'accès public aux données anonymisées issues des essais, afin de permettre le développement d'une contre expertise indispensable face aux discours des industriels sur les produits qu'ils commercialisent, est l'un de ces chantiers. Un autre aspect concerne l'identification des médicaments qui ne présentent pas de réels avancées thérapeutiques ("me too") par les services de l'Etat et la mise à disposition du public de ces informations. Ou encore la réévaluation périodique des médicaments sur le marché, et tout particulièrement des médicaments remboursés, ou l'introduction systématique de critères d'évaluation fondés sur la qualité de vie.

            En matière de négociation et de fixation des prix, la loi sur la santé qui sera discutée au Parlement à partir du début de l'année 2015 pourrait se pencher sur la transparence vis-à-vis des procédures, des critères de définition des prix, mais aussi des accords conclus avec les industriels. D'une façon générale, trop de scandales continuent de révéler l'absence de transparence et l'existence d'influences indues au sein des relations entre représentants d'institutions publiques ou élus et industrie pharmaceutique, au sein des partenariats public-privé, ou encore entre les professionnels de santé et les représentants de firmes. Des déclarations d'intérêts devraient notamment être systématiquement rendues public en ligne par les représentants d'institutions publiques engagés dans des négociations avec l'industrie, à la prise de fonction, puis une fois par an. De même des règles et codes de conduite devraient être établis pour réguler l'accès à certains postes ou certaines fonctions lorsque qu'un conflit d'intérêt est manifeste – notamment dans les cas de "revolving door", c'est-à-dire lorsqu'une personne fait des va-et-vient entre secteur public et secteur privé, dans les cas de cumul de fonctions ou de missions, etc.

            Enfin, ne serait-il pas souhaitable que les représentants des malades soient intégrés aux instances de négociation et de délibération ? Ou, dans un tout autre registre, on peut s'étonner qu'il n'existe pas un prix maximum pour les médicaments en Europe, alors que cela est le cas de l'itinérance (roaming) pour les téléphones, ou un cadre de négociation, voire d'achat groupé, au niveau européen.