La délégation des tâches pour donner un élan au système de santé
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Le VIH/SIDA est la première cause de mortalité chez les soignants du
Lesotho, du Malawi et du Botswana
ADDIS ABEBA, 16 janvier 2008 (PlusNews) -
Emebet Meshsha et Azalech Abdisa, âgées respectivement de 26 et 25 ans,
appartiennent à la catégorie des agents de santé sur laquelle lOrganisation
mondiale de la santé (OMS) mise afin de faire reculer lépidémie de sida en
Afrique.
Bien quelles naient toutes deux suivi quune année de formation en soins
sanitaires, elles sont une bénédiction pour les quelque 5 000 habitants
dUde, un village situé à 55 km au sud-est dAddis-Abeba, la capitale
éthiopienne.
Les deux jeunes femmes distribuent des médicaments de base contre le
paludisme et la diarrhée à la clinique locale. Elles proposent également de
la nourriture aux femmes enceintes et aux très jeunes mères.
« Nous avons tiré de gros bénéfices du programme nutritionnel destiné aux
enfants ainsi que des autres activités », a confié Annallesm Shamay, une
patiente de 46 ans.
En outre, dans le cadre dune initiative de lOMS, qui vise à recruter
quatre millions de travailleurs sanitaires dans les pays les plus lourdement
touchés par lépidémie de sida, Emebet Meshsha et Azalech Abdisa devront
bientôt distribuer des médicaments antirétroviraux (ARV) aux patients
séropositifs.
« Lépidémie de VIH/SIDA a ouvert les yeux de certains politiciens sur la
crise des effectifs », a dit Anders Nordstrom, directeur général adjoint de
lOMS, lors dune conférence portant sur linitiative qui sest achevée
jeudi dernier, à Addis-Abeba. « Dune certaine manière, il est très
regrettable que nous ayons dû être confrontés à une épidémie de ce type pour
prendre une telle initiative ».
Le coût de la campagne de délégation des tâches est estimé à au moins sept
milliards de dollars au cours des cinq prochaines années.
Toujours dans le cadre de cette initiative, 2,4 millions de médecins,
infirmières, sages-femmes supplémentaires seront recrutés dans les pays en
développement afin daider les Etats à atteindre lun des objectifs du
Millénaire pour le développement des Nations Unies - assurer laccès
universel aux soins et aux traitements ARV dici 2010.
La délégation des tâches, un progrès ?
Linitiative repose sur la « délégation des tâches ». Ainsi, certaines
tâches, jusque là accomplies par les médecins, tombent entre les mains des
infirmières, certains travaux autrefois exécutés par les infirmières sont
désormais à la charge des travailleurs sanitaires communautaires, et les
patients ou leur familles doivent assumer certaines responsabilités des
agents sanitaires.
Si elle est menée à bien, linitiative devrait donner un élan majeur aux
systèmes de soins des pays dAfrique sub-saharienne, où les agents de santé
font cruellement défaut. Par exemple, selon les données de lOMS, au Malawi,
on compte plus de 7 400 patients séropositifs par médecin, contre deux
praticiens pour chaque porteur du virus aux Etats-Unis et au Royaume-Uni.
« [Les services de santé] sont en proie à une crise majeure. Cependant, si
nous explorons tous les moyens, il y a des raisons despérer », a affirmé
Tedros Adhanom, ministre éthiopien de la Santé, à ses homologues africains
et aux donateurs occidentaux, présents à la conférence.
LEthiopie sert de modèle à linitiative. Face à lépidémie, le gouvernement
a réalisé quil navait pas le temps, ni même les ressources financières, de
former suffisamment de médecins et dinfirmières pour soccuper des patients
dans un pays qui compte quelque 80 millions dhabitants.
Ainsi, au lieu de former des médecins et des infirmières, lEthiopie a
offert des formations dagents de santé communautaires à 24 000 femmes,
comme Emebet Meshsha et Azalech Abdisa, dans le but de déployer deux agents
dans chacune des cliniques rurales du pays.
Les travailleurs sanitaires reçoivent 500 birrs (55 dollars) par mois, soit
un salaire correspondant à la moitié de celui dune infirmière et au quart
de celui dun médecin.
Selon lOMS, les résultats détudes médicales indiquent que les agents de
santé de moyen et bas niveau qui se spécialisent dans des domaines de
traitement précis, tels que le VIH/SIDA, peuvent être aussi efficaces que
des médecins dans laccomplissement de certaines tâches, coûtent moins cher
à embaucher et sont moins susceptibles démigrer.
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« Certains professionnels font preuve de réticence et croient quune tâche
traditionnellement accomplie par un médecin ne peut pas être déléguée à une
infirmière ou que le travail effectué par une infirmière ne peut être
exécuté par un non professionnel », a souligné Tedros Adhanom. « Mais nous
avons la preuve du contraire
nous nous tournons vers des agents de santé
qui ont des qualifications moyennes ou faibles ».
Embaucher les professionnels sans emploi
Mais certaines organisations de professionnels font preuve de scepticisme
face à cette initiative.
« Il existe des infirmières au chômage dans les pays développés et en
développement », a fait remarqué Judith Oulton, directrice générale du
Conseil international des infirmières (CII), basé à Genève, qui représente
plus de 12 millions dinfirmières dans le monde.
« Quand elles voient opérer une délégation des tâches vers dautres
catégories professionnelles, et quelles sont sans emploi, elles [les
infirmières] sont très mécontentes », a-t-elle fait savoir. « Une délégation
des tâches ne peut pas, ne doit pas, être effectuée sans embaucher les
professionnels sans emploi. »
Linitiative de lOMS sintéresse à deux autres domaines : le traitement
approprié des agents de santé séropositifs le VIH/SIDA est la première
cause de mortalité chez les soignants du Lesotho, du Malawi et du Botswana
et la formation dun nombre plus important de médecins et dinfirmières, qui
recevront des primes financières afin de rester dans leur pays dorigine
plutôt que démigrer au Royaume-Uni, en Europe ou en Amérique du Nord.
Cette semaine, lOMS a publié les lignes directrices relatives aux nouvelles
primes.
En outre, des mesures ont déjà été mises en place dans certains pays. Par
exemple, le Malawi a commencé à offrir un hébergement gratuit aux
professionnels de la santé.
LEthiopie, quant à elle, a ouvert 13 universités au cours des trois
dernières années et le nombre détudiants inscrits en médecine a quintuplé,
et atteint désormais le millier.
« Quand nous formons 100 médecins par an et que 50 quittent le pays, cest
très douloureux », a rappelé le ministre éthiopien de la Santé, M. Adhanom.
« Si nous en formons 1 000 par an et que 500 quittent lEthiopie, nous
devrions nous en sortir. »
Un de ces nouveaux médecins sera le bienvenu à Ude. Les deux jeunes agents
de santé ont fait la différence, mais elles ne sont toujours pas en mesure
dintervenir en cas de complications de laccouchement ou pour soigner des
maladies graves.
« [Ces agents] ont besoin dêtre davantage formés. Nous préférerions être
suivis par des médecins », a confié la patiente Mme Shamay.
jm/kn/he/cd/ail
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