[e-med] La délégation des tâches pour donner un élan au système de santé...

La délégation des tâches pour donner un élan au système de santé
http://www.irinnews.org/fr/ReportFrench.aspx?ReportId=76267
   
Le VIH/SIDA est la première cause de mortalité chez les soignants du
Lesotho, du Malawi et du Botswana

ADDIS ABEBA, 16 janvier 2008 (PlusNews) -

Emebet Meshsha et Azalech Abdisa, âgées respectivement de 26 et 25 ans,
appartiennent à la catégorie des agents de santé sur laquelle l’Organisation
mondiale de la santé (OMS) mise afin de faire reculer l’épidémie de sida en
Afrique.

Bien qu’elles n’aient toutes deux suivi qu’une année de formation en soins
sanitaires, elles sont une bénédiction pour les quelque 5 000 habitants
d’Ude, un village situé à 55 km au sud-est d’Addis-Abeba, la capitale
éthiopienne.

Les deux jeunes femmes distribuent des médicaments de base contre le
paludisme et la diarrhée à la clinique locale. Elles proposent également de
la nourriture aux femmes enceintes et aux très jeunes mères.

« Nous avons tiré de gros bénéfices du programme nutritionnel destiné aux
enfants ainsi que des autres activités », a confié Annallesm Shamay, une
patiente de 46 ans.

En outre, dans le cadre d’une initiative de l’OMS, qui vise à recruter
quatre millions de travailleurs sanitaires dans les pays les plus lourdement
touchés par l’épidémie de sida, Emebet Meshsha et Azalech Abdisa devront
bientôt distribuer des médicaments antirétroviraux (ARV) aux patients
séropositifs.

« L’épidémie de VIH/SIDA a ouvert les yeux de certains politiciens sur la
crise des effectifs », a dit Anders Nordstrom, directeur général adjoint de
l’OMS, lors d’une conférence portant sur l’initiative qui s’est achevée
jeudi dernier, à Addis-Abeba. « D’une certaine manière, il est très
regrettable que nous ayons dû être confrontés à une épidémie de ce type pour
prendre une telle initiative ».

Le coût de la campagne de délégation des tâches est estimé à au moins sept
milliards de dollars au cours des cinq prochaines années.

Toujours dans le cadre de cette initiative, 2,4 millions de médecins,
infirmières, sages-femmes supplémentaires seront recrutés dans les pays en
développement afin d’aider les Etats à atteindre l’un des objectifs du
Millénaire pour le développement des Nations Unies - assurer l’accès
universel aux soins et aux traitements ARV d’ici 2010.

La délégation des tâches, un progrès ?

L’initiative repose sur la « délégation des tâches ». Ainsi, certaines
tâches, jusque là accomplies par les médecins, tombent entre les mains des
infirmières, certains travaux autrefois exécutés par les infirmières sont
désormais à la charge des travailleurs sanitaires communautaires, et les
patients ou leur familles doivent assumer certaines responsabilités des
agents sanitaires.

Si elle est menée à bien, l’initiative devrait donner un élan majeur aux
systèmes de soins des pays d’Afrique sub-saharienne, où les agents de santé
font cruellement défaut. Par exemple, selon les données de l’OMS, au Malawi,
on compte plus de 7 400 patients séropositifs par médecin, contre deux
praticiens pour chaque porteur du virus aux Etats-Unis et au Royaume-Uni.

« [Les services de santé] sont en proie à une crise majeure. Cependant, si
nous explorons tous les moyens, il y a des raisons d’espérer », a affirmé
Tedros Adhanom, ministre éthiopien de la Santé, à ses homologues africains
et aux donateurs occidentaux, présents à la conférence.

L’Ethiopie sert de modèle à l’initiative. Face à l’épidémie, le gouvernement
a réalisé qu’il n’avait pas le temps, ni même les ressources financières, de
former suffisamment de médecins et d’infirmières pour s’occuper des patients
dans un pays qui compte quelque 80 millions d’habitants.

Ainsi, au lieu de former des médecins et des infirmières, l’Ethiopie a
offert des formations d’agents de santé communautaires à 24 000 femmes,
comme Emebet Meshsha et Azalech Abdisa, dans le but de déployer deux agents
dans chacune des cliniques rurales du pays.

Les travailleurs sanitaires reçoivent 500 birrs (55 dollars) par mois, soit
un salaire correspondant à la moitié de celui d’une infirmière et au quart
de celui d’un médecin.

Selon l’OMS, les résultats d’études médicales indiquent que les agents de
santé de moyen et bas niveau qui se spécialisent dans des domaines de
traitement précis, tels que le VIH/SIDA, peuvent être aussi efficaces que
des médecins dans l’accomplissement de certaines tâches, coûtent moins cher
à embaucher et sont moins susceptibles d’émigrer.

'' <http://www.irinnews.org/images/design/PN/quotopenPN.jpg&gt; Quand nous
formons 100 médecins par an et que 50 quittent le pays, c’est très
douloureux ...'' <http://www.irinnews.org/images/design/PN/quotclosePN.jpg&gt;

« Certains professionnels font preuve de réticence et croient qu’une tâche
traditionnellement accomplie par un médecin ne peut pas être déléguée à une
infirmière ou que le travail effectué par une infirmière ne peut être
exécuté par un non professionnel », a souligné Tedros Adhanom. « Mais nous
avons la preuve du contraire … nous nous tournons vers des agents de santé
qui ont des qualifications moyennes ou faibles ».

Embaucher les professionnels sans emploi

Mais certaines organisations de professionnels font preuve de scepticisme
face à cette initiative.

« Il existe des infirmières au chômage dans les pays développés et en
développement », a fait remarqué Judith Oulton, directrice générale du
Conseil international des infirmières (CII), basé à Genève, qui représente
plus de 12 millions d’infirmières dans le monde.

« Quand elles voient opérer une délégation des tâches vers d’autres
catégories professionnelles, et qu’elles sont sans emploi, elles [les
infirmières] sont très mécontentes », a-t-elle fait savoir. « Une délégation
des tâches ne peut pas, ne doit pas, être effectuée sans embaucher les
professionnels sans emploi. »

L’initiative de l’OMS s’intéresse à deux autres domaines : le traitement
approprié des agents de santé séropositifs – le VIH/SIDA est la première
cause de mortalité chez les soignants du Lesotho, du Malawi et du Botswana –
et la formation d’un nombre plus important de médecins et d’infirmières, qui
recevront des primes financières afin de rester dans leur pays d’origine
plutôt que d’émigrer au Royaume-Uni, en Europe ou en Amérique du Nord.

Cette semaine, l’OMS a publié les lignes directrices relatives aux nouvelles
primes.

En outre, des mesures ont déjà été mises en place dans certains pays. Par
exemple, le Malawi a commencé à offrir un hébergement gratuit aux
professionnels de la santé.

L’Ethiopie, quant à elle, a ouvert 13 universités au cours des trois
dernières années et le nombre d’étudiants inscrits en médecine a quintuplé,
et atteint désormais le millier.

« Quand nous formons 100 médecins par an et que 50 quittent le pays, c’est
très douloureux », a rappelé le ministre éthiopien de la Santé, M. Adhanom.
« Si nous en formons 1 000 par an et que 500 quittent l’Ethiopie, nous
devrions nous en sortir. »

Un de ces nouveaux médecins sera le bienvenu à Ude. Les deux jeunes agents
de santé ont fait la différence, mais elles ne sont toujours pas en mesure
d’intervenir en cas de complications de l’accouchement ou pour soigner des
maladies graves.

« [Ces agents] ont besoin d’être davantage formés. Nous préférerions être
suivis par des médecins », a confié la patiente Mme Shamay.

jm/kn/he/cd/ail

Thèmes: (IRIN) Prise en charge/Traitement
<http://www.irinnews.org/africa-regionfr.aspx?Theme=CT&Service=FRE&gt; , (IRIN)
VIH/SIDA (PlusNews)
<http://www.irinnews.org/africa-regionfr.aspx?Theme=HIV&Service=FRE&gt;