MALAWI: Trouver des solutions face à la pénurie de personnel de santé
LILONGWE, 6 octobre (IRIN) - Le manque chronique de travailleurs sanitaires
au Malawi paralyse le système de santé, mais en modifiant leur manière de
fonctionner et en faisant intervenir de nouveaux acteurs, des professionnels
ont réussi à atténuer l'impact de ces pénuries.
De nombreux médecins et infirmières ont quitté le Malawi pour travailler
dans des pays plus riches, en quête de 'pâturages plus verts'. Le
gouvernement a donc été contraint d'élaborer un plan, fondé sur l'idée du «
transfert des tâches ».
Selon ce plan, des tâches accomplies habituellement par des médecins sont
confiées à des infirmières. Des responsabilités assumées par des infirmières
sont assurées par des travailleurs de santé communautaire. Enfin, certaines
tâches effectuées auparavant par des travailleurs de santé communautaires
sont maintenant accomplies par les patients ou leur famille.
Le Malawi est l'un des premiers pays a avoir adopté le « transfert des
tâches », et la méthode semble porter fruit : en 2007, quelque 625 000 tests
de dépistage du VIH ont été effectués, dont 95 pour cent par des conseillers
non médicaux.
Au Malawi, des responsables de cliniques et des infirmières peuvent
également prescrire des traitements VIH et gérer des centres où les patients
suivent des traitements ARV. Fin 2007, près de 97 000 patients suivaient un
traitement ARV dans 118 centres.
Lorsque Veronica Chabinga a été admise à l'hôpital Bwaila, une clinique de
référence de Lilongwe, la capitale du Malawi, après avoir appris qu'elle
souffrait de tuberculose, sa principale préoccupation était de devoir rester
hospitalisée pendant une longue période.
« Mais j'ai été surprise. Après six semaines seulement, les médecins m'ont
autorisée à quitter l'hôpital, et ont déclaré que je pouvais suivre le reste
du traitement chez moi. Je suis un exemple vivant des personnes qui ont
soigné leur tuberculose en restant confinées à leur domicile », a témoigné
Mme Chabinga, une femme d'affaires mère de trois enfants. « Je pense que je
me suis rétablie rapidement, car j'ai été soignée dans un environnement
familier. »
Le professeur Felix Salaniponi, directeur du Programme national de contrôle
de la tuberculose, a dit à IRIN/PlusNews que le « transfert des tâches »
avait aidé le gouvernement à réduire le nombre de patients, qui
submergeaient autrefois les cliniques.
Une initiative qui porte ses fruits ?
« Le Malawi compte parmi les pays d'Afrique fortement affectés par la fuite
des cerveaux, mais grâce au 'transfert des tâches', la charge de travail se
retrouve progressivement allégée, car les communautés sont désormais
capables de prendre soin des personnes malades, dans leur zone respective »,
a expliqué Felix Salaniponi.
Afin de faire face à l'actuelle pénurie de personnels sanitaires, le
gouvernement forme également des assistants en suivi sanitaire (HSA en
anglais). Ces derniers sont chargés d'effectuer des tâches normalement
accomplies par des infirmières et médecins qualifiés.
Felix Salaniponi a reconnu que certains groupes, comme l'Association des
infirmières et des sages-femmes, s'opposaient à l'initiative, car ils
doutaient de la qualité des services offerts par les HSA.
« Mais nous leur avons dit qu'ils n'avaient pas à s'inquiéter, car des
superviseurs effectuent des contrôles afin de s'assurer que la qualité n'est
pas compromise », a-t-il poursuivi.
Selon les résultats d'une enquête menée par le gouvernement il y a trois ans
afin de déterminer si le « transfert des tâches » portait ses fruits au
Malawi, la plupart des patients préfèrent être soignés à leur domicile
plutôt que dans une clinique.
Adamson Muula, maître de conférence au Malawi College of Health Sciences, un
institut gouvernemental qui forme des responsables de clinique à Blantyre,
le centre commercial du pays, considère que l'initiative peut être
profitable dans certains domaines. Cependant, il souligne que les tâches
pouvant être transférées à des conseillers non spécialisés doivent être
identifiées avec soin.
« Le public et les responsables cherchent des solutions simples à des
problèmes complexes. Certaines personnes pensent que nettoyer une plaie ou
faire une piqûre sont des tâches simples -tellement simples qu'il n'est pas
utile de faire appel à une infirmière- mais le fait de mal faire une piqûre
ou de mal déplacer un patient peut être mortel », a-t-il rappelé.
D'après Adamson Muula, mettre la vie de Malawiens crédules entre les mains
de personnes n'ayant reçu que quelques semaines de formation peut se révéler
être une grave erreur.
« Selon moi, le 'transfert des tâches' accroît le nombre de travailleurs
sanitaires et non le nombre de professionnels de la santé », a-t-il déploré.
« Nous avons besoin de professionnels, pas seulement de travailleurs ».
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