[e-med] La douleur de l'enfant; le sida pédiatrique

Bonjour très Chers Collègues,

Ma courte expérience de 4 ans comme pharmacien ayant servi dans un centre hospitalier universitaire prenant en charge à ce moment là les enfants séropositifs dont les parents sont ou étaient suivis sur place reste jusqu'à présent les moments de plus douloureux de ma vie, avec un sentiment d'impuissance ou d'incapacité malgré tous les progrès réalisés dans le cadre du VIH.

Si l'enfant vient accompagné par sa maman, l'amour qu'on lit dans les yeux de la maman est tellement grand et énorme et c'est un regard qui demande à la science sa survie et de celle de son enfant malgré le doute et le désespoir qui plane sur elle.

Dans la majorité des cas ces enfants viennent avec un parent proche (grand mère, tante, etc) car parents sont décédés et rien qu'à regarder ces enfants la tristesse vous envahit car pour les ARV pédiatriques le gout de beaucoup de médicaments laissent à désirer d'après les patients mais aussi la quantité de sirop nécessaire pour couvrir un traitement de 1 mois peut aller jusqu'à 10 flacons s'il y a des combinaisons fixes comme dans beaucoup de PED. Ce qui crée souvent la stigmatisation de cet enfant qui ne grandit pas et a tué ses parents (comme souvent le pensent les superstitieux).

Ces facteurs et beaucoup d'autres expliquent que souvent ces enfants infectés sont laissés souvent en rade sans prise en charge médicale et beaucoup de parents infectés refusent de faire le dépistage de ces enfants compte tenu de tous les obstacles gravitant autour de l'enfant préférant abandonner leurs enfants à la mort certaine.

C'est pourquoi dans beaucoup de Pays africains bien qu'il y ait beaucoup d'enfants infectés peu d'entre eux sont pris en charge.

Je Profite de cette occasion pour lancer un appel pour ces enfants innocents et qui n'ont pas demandé à naitre pour que la prise en charge pédiatrique soit bostée à tous les niveaux et que nos programmes nationaux de Prévention de la transmission mère-enfant(PTME) marchent et nous aident à ne plus voir naitre des enfants infectés dans le monde.

Bonne réception et très bonne fin de semaine .

Dr Bintou DIA
Pharmacien DIVISION DE LUTTE CONTRE LE SIDA ET LES IST
Dakar/ Sénégal

Ce message aide à mesurer le grand manque d'information, en Afrique, sur cette maladie sexuelle. Si les enfants sont dits responsables de cette maladie, il faut alors tout reprendre dans la protection. On en est encore au stade où en France, l'IVG était considérée comme un crime.

Qui peut enseigner que l'acte sexuel peut être criminel et quel tribunal pourra recevoir la requête en Afrique ? Quelle jurisprudence à venir!!!!!!!!!!!!

A l'heure actuelle on ne peut que constater les effets de cette maladie sexuelle, demander des subsides pour la soigner et non expliquer la cause, ne serait-ce que le respect de l'autre en engageant sa propre responsabilité et la maîtrise de soi. Comment cela peut-il être enseigné, compris, et appliqué ?

Dr NIcole Ridolphi
email ridolphinicole@aol.com

Chère Dr Bintou

J'aimerais que votre témoignage sur le sida des enfants en Afrique, tellement indispensable, atteigne aussi les politiques des institutions internationales en charge des stratégies et des financements de la PTME.
Pour améliorer la performance des programmes, il faudrait commencer par regarder la situation droit dans les yeux et cesser de nous voiler la face: le chiffre de couverture des programmes PTME qui nous intéresse n'est pas celui largement communiqué de 45% des femmes testées dépistées séropositives bénéficient des services de PTME.

La réalité est qu'en 2010 dans nombre de pays d'Afrique francophone, plus de 25 ans après le début de la pandémie, 10% seulement du nombre estimé de femmes enceintes séropositives à l'échelle des pays, reçoivent la prévention et les traitements nécessaires; c'est à dire que 90% des femmes enceintes séropositives à l'échelle nationale ne reçoivent rien, et cela dans des pays où les femmes ont des taux de prévalence VIH, 2 fois ou plus élevés que ceux des hommes, sur le continent où se produisent 70% des nouvelles infections VIH du monde, sur le continent où 75% des jeunes séropositifs de 15 à 24 ans sont des filles!

Les femmes qui nous intéressent sont aussi celles qui ne viennent pas dans les centres de santé, ne viennent pas en consultation prénatale, ni accoucher dans les maternités; au Niger dans certains endroits, ce sont 8% des accouchements qui sont assistés par du personnel qualifié; on parle depuis 20 ans d'intégrer santé maternelle et VIH, qu'est ce qu'on attend pour le faire massivement? Comment peut-on manifester si peu d'intérêt politique envers un problème de santé publique aussi grave, dont vous nous décrivez les conséquences humaines et sociales terribles, et qui est massif; il ne suffit pas de dire la PTME est une priorité pour être politiquement correct; nous sommes las des discours face à tant de souffrance dans un océan d'indifférence

L'autre réalité que nous devons regarder droit dans les yeux est l'expansion de la prostitution des enfants, des filles entre 10 et 15 ans, et la banalisation des violences sexuelles tellement elles sont fréquentes: parlons carrément de viols, cessons d'utiliser les euphémismes qui n'aident personne! Des petites filles entre 2 ans et 15 ans sont violées; oui vous avez bien lu et vous le savez sans doute mieux que moi; les jeunes filles prostituées et violées n'ont aucun recours ni aucun suivi pour la plupart livrées à elles-mêmes dans les rues, droguées de force, orphelines de guerre ou de sida, et contaminées à leur tour; elles sont aussi enceintes bien sûr;

La prostitution des enfants est par endroits un phénomène nouveau ces dernières années et directement liée aux effets de la crise économique aussi, à l'accroissement des inégalités, les enfants ont faim et se prostituent, filles et garçons

Eradiquer la transmission mère enfant du VIH avant 2015, comme l'affirment l'Onusida et le Fonds Mondial et la campagne "Born HIV free" http://www.bornhivfree.org/f/#/fr/home
passe par prendre conscience de ces réalités, les mesurer, et surtout par y apporter des réponses concrètes financées au niveau national et par l'aide internationale; le chantier est immense, et concernant les enfants il n'est pas commencé, ni sur le plan médical, ni sur le plan social;

N'attendons pas 2015 pour constater que les efforts en cours sur la PTME ne suffisent pas

Je vous remercie d'avoir partagé votre expérience; votre témoignage est capital

Dr Dominique Kerouedan
d.kerouedan@skynet.be

Chers e-mediens,
Voici un sujet qui interpelle ... Mais en la matière, de nombreuses
stratégies existent. Il reste leur application et leur suivi. L'objectif de
l'ONUSIDA est claire: que d'ici 2015, 100% des mères séropositives au VIH
donnent naissance à des enfants exemptes du VIH. Avec les moyens
scientifiques actuels, cet objectif peut être atteint. Alors, donnons nous
les moyens pour cela...Et, cette douleur ne sera que de l'oubli.

Merci Bintou pour ce témoignage émouvant.
Même si les émotions ne doivent pas guider nos actions qui doivent garder leur caractère professionnel et leurs qualités objectives, il est bon et nécessaire de les ramener dans la perspective qui est la nôtre : nous intervenons sur des êtres humains qui souffrent et qui attendent le soulagement et l'espoir autant que la guérison.
Merci
Edouard Guévart
Appui au système de santé aux niveaux intermédiaire et périphérique
Province de Bandundu
République démocratique du Congo

Je comprends votre tristesse, mais si nous voulons être efficaces et utiles
il faut rester serein.

Le burn out est malheureusement plus rapide pour certaines maladies mais les
soignants en charge des cancers ou des malformations graves sont dans la
même situation.

La position des parents qui ne veulent pas dépister leurs enfants est une
réalité qui concerne toutes les maladies, c'est pourquoi les enfants ne sont
très souvent "baptisés" ou nommés qu'à 2 ans.

La stigmatisation des enfants "tueurs de leurs parents" existent dans toutes
les sociétés et de toutes façons il est difficile pour un tel enfant de ne
pas souffrir de ce fait ; même s'il n'y a pas de discrimination il ressent
cette culpabilité de façon plus ou moins inconsciente.

C'est pourquoi il faut tout faire pour améliorer la prévention primaire il
faut faire ne sorte que les parents ne s'infectent pas en particulier les
jeunes femmes.
Le traitement des enfants infectés est une nécessité mais c'est un échec de
la prévention primaire et secondaire (PTME) nous sommes soignants donc
travaillons d'abord à améliorer la prévention primaire (comportements de
prévention) et secondaire (améliorer les scores de PTME dans chacun de nos
pays).
Qu'avons-nous vraiment fait chacun dans ce domaine???

Nous sommes aussi citoyens nous pouvons aussi agir pour changer les lois qui
favorisent la transmission comme le statut des femmes ou l'âge du mariage
tec..

Dr JL Rey santé publique