Chers tous,
voici le document que le Secrétariat du Fonds Mondial de lutte contre le
sida, la tuberculose et le paludisme vient de publier en avril en réponse
aux faits récemment débattus dans la presse concernant le détournement de
financements des programmes
http://www.theglobalfund.org/documents/core/whitepapers/Core_ResultsWithInte
grityResponseToFraud_WhitePaper_en.pdf
Sont présentés entre autres sujets: (i) les montants en cause et les pays en
question, (ii) les réponses organisationnelles, pour l'essentiel de nature
managériale et administrative, (iii) le rôle et les recommandations du
Bureau de l'Inspecteur Général du Fonds Mondial (auprès du Conseil
d'administration) , qui produit des rapports d'autant plus intéressants à
mon avis, que les analyses des audits qu'il conduit ne portent pas
exclusivement sur les aspects financiers, mais bien sur tout un ensemble de
sujet relatifs aux capacités, à l'opportunité, aux stratégies, aux
partenariats, à la gouvernance, etc. notamment à l'échelle des pays, tout à
fait remarquables, et tous disponibles en toute transparence sur le site du
Fonds Mondial
Mais revenons au rapport dont le lien figure ci-dessus; bien sûr c'est
important tout cela et de mettre tout en place pour éviter les détournements
de fonds de leurs objectifs et de leurs bénéficiaires; ceci dit depuis
presque 10 ans que le Fonds mondial existe, et compte tenu du nombre de
subventions octroyées, on ne peut pas dire qu'il y ait eu tellement de
problèmes, et d'après nos informations, les bénéficiaires principaux en
cause ne sont pas seulement des "pays"
mais il me semble que les dispositifs de prévention ou en réponse au risque
de fraude ne peuvent être vraiment efficaces que si, en amont:
1. les systèmes de santé sont très intensément renforcés, notamment tout ce
qui concerne l'information sanitaire et le suivi évaluation (DU PAYS et non
des programmes), ces deux dimensions devant être abordées de manière
distincte et le sont le plus souvent de manière confuse et confondue;
2. les capacités des sous bénéficiaires des financements du Fonds Mondial
dans les pays, publics, privés, associatifs, partenariats public privés,
etc. soient en amont préparées à gérer stratégiquement, techniquement et
financièrement, des programmes; c'est un travail de longue haleine, dont
l'importance a été négligée par tous depuis 10 ans presque que le Fonds
existe; question soulevée pourtant systématiquement par toutes les
evaluations des CCMs et du FM; on n'y coupera pas, il va bien falloir s'y
intéresser de près; ce rapport à ce propos esquisse des propos mais ce n'est
pas suffisant
3. des interventions de prévention et de prise en charge, ou de limitation
d'impact de ces pandémies, soient identifiées selon leur efficience,
efficience mesurée non pas en fonction de leurs coûts ou de leurs prix ou de
réduction de budgets de fonctionnement seulement, mais bien selon leur
potentiel à obtenir une réduction des nouveaux cas d'infection, de réduction
effective d'incidence des infections
La crainte que j'ai à voir tous les efforts présentés par le Fonds Mondial à
répondre aux turbulences médiatisées à son encontre est d'amener tous les
acteurs (y compris les journalistes, les élus, etc.) à s' éloigner encore
plus d'une réflexion stratégique de pertinence et d'impact, au bénéfice
d'une vision financière de la santé globale; car pendant qu'on continue de
réfléchir à financements toujours plus mobilisés et mieux gérés, les
questions les plus importantes (à mon sens) sont relatives à quelles
stratégies et interventions finalement ces financements vont-ils
privilégier, et cette discussion là, depuis la création du Fonds Mondial, et
malgré plusieurs évaluations de très grande envergure, semblent rester au
second plan, cachées derrière la question (alibi) de l'appropriation
(ownership) et de la souveraineté des pays à prioriser les interventions
qu'ils soumettent au financement du FM; on présume toujours que la stratégie
est pertinente et qu'il ne manque plus que le financement.
La question fondamentale de l'usage des financements du Fonds Mondial
réside pourtant plutôt là: si 44 millions de dollars sont détournés de leurs
objectifs premiers, comment sont utilisés et à quoi sont/seront utilisés les
21 milliards de dollars engagés par le Fonds Mondial dans 150 pays au
travers de 600 subventions? la réponse est claire en termes de résultats
quantitatifs (nombre de patients sous ARV, DOTS et et moustiquaires
distribuées par exemple); la réponse est moins claire en termes d'impact et
à quel coût on obtient tel impact; or ce sont des sujets complexes mais de
très grand enjeu pour l'avenir des malades et du Fonds Mondial, dans un
contexte mondial incertain; la situation au niveau mondial est celle ci:
pour 2 personnes mises sous traitement 5 nouvelles infections VIH se
produisent; la population africaine va doubler d'ici à 2050 pour atteindre
près de 2 milliards d'habitants; une très grande majorité est constituée de
jeunes, en pleine activité sexuelle; 70 % des nouvelles infections VIH se
produisent en Afrique; on imagine les répercussions qui s'annoncent en
termes de la transmission mère enfant du virus...sommes-nous prêts? Nous
préparons-nous vraiment?
Le Fonds Mondial est une institution financière, reste une institution
financière, et s'exprime dans ce rapport en tant que telle, et c'est sa
place
La responsabilité stratégique est ailleurs: dans le pays, et dans
l'expertise nationale et internationale, à être stratégique et à obtenir un
impact,
Nous les acteurs, avons un rôle à tenir, pour que ces financements et ces
mesures de prévention des fraudes prennent tout leur sens et toute leur
dimension, surtout en préparation des perspectives qu'offre le continent
africain dans les années qui viennent;
De cela aussi nous devons parler et nous devons intéresser les journalistes
et les élus, les hommes politiques, etc. sur ces dimensions là; c'est cela
en fait que je voulais dire!
amitiés
Dominique Kerouedan
d.kerouedan@skynet.be
<http://www.theglobalfund.org/documents/core/whitepapers/Core_ResultsWithInt
egrityResponseToFraud_WhitePaper_en.pdf>