La tuberculose résistante aux médicaments gagne du terrain
LE MONDE | 15.08.09 | 14h41 Mis à jour le 15.08.09 | 14h41
http://www.lemonde.fr/planete/article/2009/08/15/la-tuberculose-resistante-aux-medicaments-gagne-du-terrain_1228886_3244.html
Mauvaise nouvelle sur le front de la lutte contre la tuberculose, qui tue
chaque année environ 1,6 million de personnes dans le monde. Les souches
bactériennes responsables de cette maladie respiratoire se montrent de
plus en plus souvent capables de résister aux antibiotiques disponibles et
gagnent du terrain. Cette tendance est-elle plutôt due à un mauvais suivi
des traitements médicaux, qui permet à des mutants d'apparaître et de
prendre le pas sur les bacilles sensibles aux médicaments ? Ou bien à la
capacité naturelle de nouveaux "super-bacilles" à contaminer les humains ?
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Cette seconde hypothèse, redoutée par le monde médical, semble confirmée
par deux études récentes. La première, signée par une équipe australienne,
montre que le coût métabolique de cette résistance ne se répercute pas sur
la capacité du bacille de Koch à se transmettre d'un individu à l'autre.
L'espoir était que les souches non résistantes garderaient l'avantage dans
leur niche écologique, à savoir les deux tiers de l'humanité infectée de
façon latente, où elles sommeillent en attendant de passer à l'attaque
lors d'un fléchissement des défenses immunitaires. En cas de déclaration
de la maladie, les médicaments seraient alors efficaces.
Malheureusement, ce schéma semble battu en brèche. Mark Tanaka (université
de Nouvelle-Galles-du-Sud, Kensington, Australie) et ses collègues ont
élaboré des modèles mathématiques, à partir de données portant sur des
bactéries multirésistantes prélevées au Venezuela - qui depuis 1936
bénéficie d'un plan de lutte efficace contre la tuberculose -, à Cuba et
en Estonie, où les efforts prophylactiques ont été beaucoup plus
sporadiques.
Ces modèles montrent que la prévalence des souches résistantes qui ont
émergé à Cuba et en Estonie n'est plus due à une défaillance dans
l'administration des traitements médicaux, mais qu'elle est désormais
attribuable à la transmission entre individus. La situation est différente
au Venezuela, où les souches résistantes ont eu moins de temps pour
évoluer et acquérir, par mutation, de meilleures capacités de
transmission.
"Il s'agit d'un très bon article, inquiétant, dans la mesure où le modèle
mathématique est probablement optimiste ", commente Northan Hurtado, de
Médecins sans frontières (MSF). MSF vient de son côté de participer à une
enquête de terrain en Géorgie qui corrobore ces projections. Dans la
région d'Abkhazie, des souches multirésistantes ont été découvertes chez
des individus qui n'avaient encore suivi aucun traitement antituberculeux.
L'analyse génétique a montré qu'il s'agissait très fréquemment d'une
souche originaire de Chine. Ces observations prouvent que celle-ci est
hautement transmissible.
"C'est pourquoi il est urgent de disposer de nouvelles méthodes de
détection rapide des souches multirésistantes, afin d'identifier les
patients et de les traiter pour interrompre la transmission en cours dans
l'ancienne Union soviétique", préviennent les chercheurs. A plus long
terme, "l'ensemble du globe pourrait être concerné".
Tanaka et al, in "PNAS" du 10 août ;
Bonnet et al, in "Tuberculosis", juillet 2009
Hervé Morin