[e-med] La tuberculose pharmacorésistante atteint un niveau record

Communiqué de presse OMS

La tuberculose pharmacorésistante atteint un niveau record
http://www.who.int/mediacentre/news/releases/2010/drug_resistant_tb_20100318/fr/index.html

18 MARS 2010 | GENÈVE | WASHINGTON -- Dans certaines régions du monde, un
tuberculeux sur quatre développe une forme de la maladie contre laquelle les
traitements médicamenteux types sont désormais impuissants. C'est ce qui
ressort d'un rapport de l'Organisation mondiale de la Santé (OMS).

Ainsi, 28% de toutes les personnes récemment diagnostiquées comme étant
atteintes de tuberculose dans une région du nord-ouest de la Russie
présentaient une forme multirésistante de la maladie (tuberculose MR) en
2008. Il s'agit du pourcentage le plus élevé dont l'OMS ait jamais eu
connaissance. Avant cela, le niveau record de 22% avait été relevé en 2007
dans la ville de Bakou en Azerbaïdjan.

Dans le nouveau rapport que vient de publier l'OMS, intitulé Multidrug and
Extensively Drug-Resistant Tuberculosis: 2010 Global Report on Surveillance
and Response, l'OMS estime que 440 000 personnes étaient atteintes de
tuberculose MR dans le monde en 2008 et qu'un tiers d'entre elles en sont
mortes.

En termes purement quantitatifs, c'est l'Asie qui est la plus durement
touchée par l'épidémie. Près de 50% des cas de tuberculose MR dans le monde
concerneraient la Chine et l'Inde. En Afrique, l'estimation porte sur
environ 69 000 cas, dont la très grande majorité n'auraient pas été
diagnostiqués.

Signes encourageants

Les programmes de lutte contre la tuberculose se heurtent à de formidables
difficultés dans la réduction des cas de tuberculose MR. Des signes
encourageants apparaissent cependant, en ce sens que, même en présence d'une
épidémie sévère, les gouvernements et leurs partenaires parviennent à
juguler la tuberculose MR en renforçant leurs efforts de lutte contre la
maladie et en mettant en ouvre les recommandations de l'OMS.

En à peu près cinq ans, deux régions de la Fédération de Russie - Orel et
Tomsk - ont obtenu une régression remarquable de la tuberculose MR. Ces
régions rejoignent ainsi deux pays - l'Estonie et la Lettonie - qui ont
réussi à infléchir la progression marquée de la tuberculose MR et finalement
à la faire reculer. Les États-Unis d'Amérique et la Région administrative
spéciale de Hong Kong (Chine) ont obtenu des réussites durables dans leur
lutte contre la tuberculose MR.

Peu de patients diagnostiqués

Dans la plupart des autres pays, cependant, les choses n'ont que peu avancé.
À l'échelle mondiale, 60% des patients ayant bénéficié d'un traitement
seraient à présent guéris. Cependant, on estime que 7% seulement de tous les
patients atteints de tuberculose MR ont été diagnostiqués. Des mesures
s'imposeraient
d'urgence en termes d'améliorations à apporter au niveau des laboratoires,
d'accès
à un diagnostic rapide et à un traitement à l'aide de médicaments plus
efficaces et de schémas thérapeutiques moins longs que les deux années
actuelles.

L'OMS est engagée dans un projet en cinq ans visant à renforcer dans près de
30 pays les laboratoires spécialisés dans la tuberculose à l'aide de tests
rapides. Davantage de patients bénéficieront ainsi d'un traitement
indispensable. Elle collabore en outre étroitement avec le Fonds mondial de
lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme, et avec la communauté
internationale en vue de rendre l'accès au traitement plus facile.

À savoir

La tuberculose multirésistante (tuberculose MR) est causée par des bactéries
qui résistent au moins à l'isoniazide et à la rifampicine, qui sont les
médicaments les plus efficaces contre la tuberculose. La tuberculose MR
résulte soit d'une infection primaire à bacilles résistants soit d'un
développement survenu pendant le traitement du patient.
La tuberculose ultrarésistante (tuberculose UR) est une forme de la maladie
causée par des bactéries qui résistent à l'isoniazide et à la rifampicine
(soit la tuberculose MR), ainsi qu'à toute fluoroquinolone et tout
médicament antituberculeux injectable de seconde intention (amikacine,
kanamycine ou capréomycine).

Ces formes de tuberculose ne répondent pas au traitement type en six mois
faisant appel à des médicaments antituberculeux de première intention et
peuvent exiger un traitement de deux ans ou davantage à l'aide de
médicaments moins puissants, plus toxiques et beaucoup plus coûteux (entre
50 et 200 fois plus). Alors qu'un traitement à l'aide de médicaments
antituberculeux types coûte environ 20 dollars, les médicaments permettant
de traiter la tuberculose MR peuvent coûter jusqu'à 5000 dollars, et ceux
permettant de traiter la tuberculose UR beaucoup plus encore.

En 2008, le nombre de nouveaux cas de tuberculose était estimé à 9,4
millions, et l'on recensait 1,8 million de décès dus à la maladie. On estime
que 440 000 cas de tuberculose MR sont apparus durant la même année, et que
150 000 patients en sont morts. Il n'existe aucune estimation officielle du
nombre de cas de tuberculose UR, mais ce nombre pourrait être de l'ordre de
25 000 par an, entraînant dans presque tous les cas une issue fatale. Depuis
que la tuberculose UR a pour la première fois été définie en 2006, un total
de 58 pays ont signalé au moins un cas de tuberculose UR.

Financement de la la lutte contre la tuberculose ultirésistante

Dans 27 pays à forte charge de morbidité (c'est-à-dire dans lesquels on
estime qu'au moins 4000 nouveaux cas de tuberculose MR apparaissent chaque
année et/ou présentant au moins 10% de nouveaux cas de tuberculose MR
signalés), 1,3 million de cas de tuberculose MR ou UR devront être traités
entre 2010 et 2015, pour un coût de16 milliards de dollars pendant six ans,
accusant une hausse qui passera de1,3 milliard en 2010 à 4,4 milliards en
2015.

Le budget prévu pour 2010 est très en deçà de ces chiffres puisqu'il s'élève
à moins de0 ,5 milliard de dollars pour l'ensemble des 27 pays. Les fonds
réellement disponibles pour 2010 s'élevaient à 280 millions de dollars. Les
fonds nécessaires pour lutter contre la tuberculose MR en 2015 seront 16
fois supérieurs à ce qui est aujourd'hui disponible en 2010.

Renforcer les laboratoires

Il est urgent d'élargir et d'accélérer dans les pays l'accès à des
techniques nouvelles et rapides, permettant de diagnostiquer la tuberculose
MR en deux jours, au contraire des méthodes traditionnelles qui peuvent
prendre jusqu'à quatre mois. EXPAND TB est un projet en cinq ans ciblant 27
pays, qui a été lancé en 2008 et mis en ouvre par l'OMS, la Fondation pour
l'innovation
en matière de nouveaux diagnostics (FIND), le Service pharmaceutique mondial
(GDF) du Partenariat Halte à la tuberculose et l'Initiative mondiale pour
les laboratoires (GLI), avec l'appui financier d'UNITAID.

À ce jour, ce projet a permis de mener un large éventail d'activités dans 12
pays, parmi lesquels la mise à niveau de l'infrastructure et la formation du
personnel. Le transfert de technologie a débuté dans certains pays, grâce à
quoi davantage de patients peuvent être diagnostiqués avec précision et être
rapidement mis au bénéfice d'un traitement. Cet effort d'actualisation
devrait conduire en fin de compte à une surveillance régulière de la
résistance aux médicaments dans les pays concernés.

Six pays sous la loupe

Six pays dans le rapport font l'objet de sections spéciales. Le Bangladesh
(l'un des très rares pays en développement dans lesquels une surveillance
continue est effectuée auprès de sujets tuberculeux ayant déjà reçu un
traitement dans certaines régions) ; la Chine (où a été effectuée la
première enquête sur la pharmacorésistance à l'échelle du pays tout entier)
; l'Éthiopie (l'un des premiers pays à avoir introduit les tests
moléculaires rapides en laboratoire) ; le Népal et la Roumanie (traitements
fructueux de la tuberculose MR grâce aux programmes relevant de l'initiative
du Comité Feu Vert) ; l'Afrique du Sud (changements politiques destinés à
améliorer la prise en charge des cas et les soins aux patients atteints de
tuberculose UR).

La situation en Afrique

En Afrique, on observe un faible pourcentage de tuberculose MR parmi les
nouveaux cas de tuberculose, par comparaison avec des régions comme l'Europe
de l'Est et l'Asie centrale, du fait, en partie, de la capacité limitée des
laboratoires à mener des enquêtes sur la pharmacorésistance. Les dernières
estimations en date de l'OMS donnent 69 000 cas de tuberculose MR apparus en
2008 en Afrique. Des rapports antérieurs ont trouvé des taux élevés de
mortalité chez les personnes vivant avec le VIH et souffrant d'une forme de
tuberculose MR ou UR. Au KwaZulu Natal, en Afrique du Sud, une flambée de
tuberculose UR a tué 52 des 53 patients en l'espace de trois semaines, la
plupart d'entre eux étant séropositifs.

Facteurs de risques: VIH et tuberculose MR

Les études montrent que les patients tuberculeux co-infectés par le VIH dans
trois pays d'Europe de l'Est (Estonie, Lettonie et République de Moldova)
courent un risque plus grand de développer une forme multirésistante de la
tuberculose, par comparaison avec les tuberculeux n'ayant pas contracté le
VIH. Des études réalisées en Lituanie, en Ukraine et au Mozambique sont
arrivées aux mêmes conclusions.

Le rapport met en lumière plusieurs raisons pour lesquelles la tuberculose
pharmacorésistante peut être associée au VIH, notamment dans certains pays
d'Europe
de l'Est. Cependant, davantage de recherches seront nécessaires pour
déterminer si les zones d'épidémie de la tuberculose MR et du VIH se
recoupent dans le monde.

Signalement des cas de tuberculose MR dans le monde
Ce rapport contient des données sur la pharmacorésistance en provenance de
114 pays et des informations actualisées fournies par 35 d'entre eux. En
dépit de la prise de conscience croissante de l'ampleur et des tendances de
la tuberculose pharmacorésistante, des lacunes majeures subsistent dans les
zones géographiques couvertes. Depuis 1994, seulement 59% de tous les pays
dans le monde ont pu recueillir des données représentatives de grande
qualité sur la pharmacorésistance.

Il faut d'urgence obtenir des informations, particulièrement en provenance
des pays d'Afrique et autres pays présentant une charge élevée de morbidité
liée à la tuberculose MR, où de telles données n'ont jamais été consignées:
le Bangladesh, le Bélarus, le Kirghizistan, le Pakistan et le Nigéria. De
plus, les pays doivent élargir la portée de leurs enquêtes de manière à
couvrir l'intégralité de leur population, répéter ces enquêtes de façon à
mieux comprendre les tendances de la pharmacorésistance et adopter une
surveillance continue systématique.

Liens

Rapport mondial 2010 sur la tuberculose multirésistante
[pdf 852kb]
En anglais uniquement
http://whqlibdoc.who.int/publications/2010/9789241599191_eng.pdf
Plus d'informations sur la tuberculose pharmacorésistante
http://www.who.int/tb/challenges/mdr/fr/index.html

Pour plus d'informations:

Glenn Thomas - Chargé de Communication
Halte à la Tuberculose, OMS
Tél. portable: +41 79 509 0677
Courriel: thomasg@who.int