[e-med] Les ONG s'opposent à Novartis à propos de nouveaux génériques

Les ONG s'opposent à Novartis à propos de nouveaux génériques
CATHERINE PETITNICOLAS.
Publié le 26 janvier 2007
Actualisé le 26 janvier 2007 : 07h55
http://www.lefigaro.fr/sciences/20070126.FIG000000226_les_ong_s_opposent_a_novartis_a_propos_de_nouveaux_generiques.html

Le laboratoire Novartis part en guerre contre la loi indienne sur les
brevets.

DANS un procès hautement symbolique qui s'ouvre lundi à Madras, devant la
Haute Cour de justice, Novartis attaque en appel la nouvelle loi indienne
sur les brevets, adoptée début 2005, à propos du Glivec. Ce nouvel
anticancéreux destiné à des formes très rares de cancer (leucémie myéloïde
chronique et de certaines tumeurs stromales digestives) est commercialisé
sous forme générique par les Indiens.

Au-delà de ce procès, le docteur Jean-Hervé Bradol, président de Médecins
sans frontières (MSF), se dit très préoccupé par cette affaire qui risque de
priver les pays pauvres de médicaments génériques essentiels, destinés
notamment au traitement du sida. La version générique du Glivec est
disponible à moins de 200 dollars par patient et par mois, contre 2 600
dollars dans les pays où Novartis a obtenu un brevet.

L'Inde «pharmacie des pays pauvres»

C'est toute la question du droit au brevet et de la production de génériques
en Inde, premier fabricant au monde de médicaments de qualité, bon marché et
vitaux pour les pays pauvres qui est ainsi posée. À titre d'exemple, plus de
la moitié des antirétroviraux destinés aux malades des pays du Sud (où 1,6
million de personnes sont aujourd'hui traitées) sont produits en Inde, la
principale « pharmacie des pays pauvres ». Si Novartis l'emporte, les ONG
redoutent des conséquences désastreuses.

À la veille de cette audience devant la Haute Cour de justice, MSF « ne
désespère pas de convaincre la direction de Novartis d'abandonner son
procès ». Une pétition (1) en ce sens a déjà recueilli près de 200 000
signatures en un seul mois, soutenue également par l'ONG Oxfam, Health
Action International, etc. Elle devrait être présentée en mars à l'assemblée
des actionnaires de Novartis. À titre de comparaison, la pétition pour le
procès de Pretoria en Afrique du Sud il y a six ans en avait recueilli 300
000. Ce procès choc qui devait opposer au gouvernement sud-africain 39
compagnies pharmaceutiques désireuses de faire annuler la loi sud-africaine
destinée à diminuer le prix des antirétroviraux n'avait finalement pas eu
lieu. Car sous la pression internationale en faveur des malades, les firmes
avaient été contraintes de retirer leur plainte.

« Ce que Novartis attaque cette fois, c'est la nouvelle loi indienne sur les
brevets adoptée début 2005 pour la mettre en conformité avec les règles de
l'OMC sur la propriété intellectuelle », explique MSF. « Cette loi qui
renforce considérablement l'emprise des brevets contient tout de même un
garde-fou essentiel, une clause prévoyant que ne sont brevetables que les
médicaments réellement nouveaux et innovants », précise le pharmacien Pierre
Chirac (Campagne d'accès aux médicaments essentiels). Cette clause s'oppose
au phénomène d'evergreening des brevets, qui entraînerait une protection
sans fin, par l'accumulation de modifications mineures sur une molécule
existante.

« Si l'article de loi réservant les brevets aux seules réelles inno­vations
disparaît, d'autres firmes pharmaceutiques pourront s'en­gouffrer dans la
brèche », soutient Annick Hamel, responsable de la campagne d'accès aux
médicaments essentiels de MSF.

Rappelons que depuis l'apparition de génériques fabriqués par quelques
grandes firmes indiennes, le coût annuel d'une trithérapie pour les malades
des pays du Sud a considérablement chuté : 132 dollars par patient et par an
contre 10 000 dollars il y a six ans. Mais un certain nombre de personnes
développent des résistances à ces traitements et doivent être traitées avec
des antirétroviraux de seconde ligne qui peuvent coûter de 1 700 à 5 000
dollars par patient et par an selon MSF. Des coûts prohibitifs pour les ONG.

Si la firme suisse gagne ce procès, le risque, c'est de « tarir notre
principale source de médicaments notamment contre le sida », redoute
Sophie-Marie Scoufflaire, responsable des achats de médicaments pour MSF.
Une autre issue plausible du procès, c'est que les juges se déclarent
incompétents sur ce dossier ultrasensible. Il faudra alors qu'un État porte
plainte contre la loi indienne devant l'OMC.

(1) www.mdf.fr/petition