Novartis intente un procès à l'Inde qui veut copier son anticancéreux.
Contre les génériques, les labos s'attaquent aux Etats
Par Christian LOSSON
QUOTIDIEN : jeudi 15 février 2007
http://www.liberation.fr/actualite/economie/235325.FR.php
La bataille pour les médicaments génériques se joue parfois dans les
prétoires. Nouvelle illustration, aujourd'hui, devant la haute court de
justice de Madras, en Inde, où s'ouvre en appel un procès crucial.
Novartis somme l'Etat indien de breveter une nouvelle formulation du Glivec
(anticancéreux), dont le premier brevet remonte à 1993. En 2006, la justice
indienne avait débouté le géant pharmaceutique suisse, estimant que
l'innovation n'était pas suffisante pour justifier un nouveau brevet.
Essentiel.
L'enjeu est clair pour les ONG comme pour les associations de malades :
défendre l'accès aux médicaments génériques, donc bon marché, aux pays du
Sud. Le générique indien coûte 2 700 dollars par an, le même Glivec de
marque revient dix fois plus cher en moyenne dans les pays riches. Et
Novartis en a vendu pour près de 3 milliards de dollars en 2005... «La
jurisprudence est attendue, et c'est une bombe potentielle, car derrière le
Glivec, il y a 12 000 médicaments en attente d'être copiés pour sauver des
vies», estime German Velasquez, qui défend inlassablement à l'Organisation
mondiale de la santé l'accès aux médicaments aux pays du Sud.
La même mécanique judiciaire est à l'oeuvre, aujourd'hui aussi, aux
Philippines, où l'américain Pfizer conteste à Manille la décision de lancer
un générique de son Novarsc (utilisé en cardiologie), dont le brevet expire
en juin. Mais le comble de la crise de nerfs de l'industrie pharma se passe
en Thaïlande, où le régime s'apprête à contourner le brevet de 14
médicaments (sida, cancer, coeur...) après avoir, le 2 février, lancé la
copie de l'antisida Kaletra (de l'américain Abbott) et de l'anticoagulant
Plavix (de l'américain Bristol Myers-Squibb)... «Du jamais vu», s'étranglent
les labos, qui menacent de quitter le pays.
La Fédération internationale de l'industrie du médicament, assure, elle, que
95 % des médicaments essentiels vendus dans le monde ne sont pas soumis à un
brevet. Mais qu'entend-on par essentiel ? «Pour nous, ce sont tous les
médicaments contre les maladies mortelles, et pas uniquement ceux liés aux
maladies transmissibles», dit Céline Charveriat, d'Oxfam.
Verrouiller.
Ce n'est pas l'avis des Etats-Unis qui tente d'obliger, selon Oxfam, la
«Bolivie à dépenser près de 1 milliard de dollars de plus chaque année d'ici
à 2020 pour l'achat de médicaments de marque plutôt que de produits
génériques»... Objectif : verrouiller les accords sur la propriété
intellectuelle pourtant censés être souples «en cas d'urgence sanitaire»,
depuis ceux conclus en 2001 (à Doha) et en 2003 (à Genève) à l'Organisation
mondiale du commerce qui fait la morte depuis.