Patent pool, menaces sur les génériques : le double jeu de la France doit cesser
Communiqué de presse – Lundi 18 Juillet 2011
http://www.actupparis.org/spip.php?article4616
Alors que s'est ouverte dimanche 17 juillet, la conférence scientifique
de l’IAS sur le sida à Rome, Act Up-Paris s’inquiète fortement de
l’avenir de l’accès aux traitements et dénonce le double jeu mené par
l'Élysée et le Ministère des Affaires Etrangères (MAE) en matière de
défense des médicaments génériques. En effet, mardi dernier, le
laboratoire Gilead a annoncé avoir trouvé un accord avec la communauté
de brevets d’UNITAID («Medecines Patent Pool»). Dans un communiqué
destiné à la presse, le Ministère des affaires étrangères se réjouit de
cet accord, qui va pourtant laisser 5 millions de malades du sida
excluEs de l’accès aux médicaments. Dans le même temps, la Commission
Européenne, avec l'aval, voire le soutien actif de l'Élysée, de Bercy et
du MAE, négocie des accords commerciaux (Accords de libre-échange1,
accord ACTA2) qui vont bloquer la fabrication et l’exportation de
médicaments génériques à bas prix, sans lesquels l’accès universel aux
traitements n’est pas envisageable.
Un Patent Pool loin d’être satisfaisant, qui exclut de nombreux pays
Le Patent Pool d’UNITAID3va exclure de nombreux pays, dont la Chine, le
Brésil, la Russie et la plupart des pays d’Amérique du Sud, la Malaisie,
le Mexique, l’ensemble des pays d’Afrique du nord, les pays d’Europe de
l’est. La Thaïlande, le Botswana, l’Indonésie, entre autres, n’auront
pas accès aux molécules en cours de développement du laboratoire
Gilead4.5 millions de personnes vivant avec le VIH seront exclues du
Patent Pool. De plus, l'accord limite la production des médicaments aux
seuls génériqueurs indiens, bloquant une plus large concurrence qui
permet de faire baisser les prix, et restreignant la production locale.
Pour le moment, seul le laboratoire Gilead a annoncé avoir trouvé un
accord avec UNITAID. L'exclusion de tous ces pays constitue donc un
précédent qui rendra plus difficile l’élargissement du Patent Pool
d’UNITAID.
Un front anti-générique que l’annonce de Gilead peine à masquer
Le lancement du patent pool d'UNITAID s'inscrit dans uncontexte
extrêmement défavorable aux médicaments génériques à bas prix. En effet,
depuis des mois, la Commission Européenne négocie des accords
commerciaux avec différents pays en développement, dans le but de
renforcer avant tout les monopoles des industries européennes, ce qui
aura pour conséquence, de faire augmenter considérablement le prix des
produits de santé. Un accord de libre-échange avec l'Inde, la pharmacie
du monde, va bloquer sa capacité de production et d'exportation des
génériques. D'autres accords de libre-échange avec de nombreux pays
d'Asie et d'Afrique vont avoir des conséquences désastreuses sur la
production et l’exportation, restreignant par ailleurs la marge de
manœuvre pour les pays d’utiliser les flexibilités des accords de l’OMC
et d’émettre des licences obligatoires. L'accord ACTA, quant à lui,
entretient la confusion entre génériques et contrefaçons, autorisant par
exemple systématiquement la saisie aux frontières des copies de
médicaments, provoquant des ruptures de stocks.
«Comme nous le disons depuis des mois, tout comme des agences
internationales telles que le Fonds Mondial ou encore l’OMS, ces accords
vont s’attaquer durablement à la production et à l’exportation des
médicaments génériques,de façon à éliminer la concurrence pour les
firmes européennes, qui pourront continuer à largement jouir de leurs
monopoles. La « victoire » du patent pool est donc très relative. Pire,
l’ironie veut même que les médicaments fournis par UNITAID grâce à
l’accord trouvé avec Gilead pourront être saisis aux frontières et
détruits pour non-respect du droit des brevets.» a déclaré Pauline
Londeix, d’Act Up-Paris.
Si la France ne met pas tout de suite fin à cette hypocrisie, elle peut
immédiatement dire adieu aux objectifs pris à New York en juin de 15
millions de personnes sous traitement en 2015. Au lieu de faire preuve
de pragmatisme, en mettant le plus grand nombre possible de personnes
sous traitement aujourd’hui, elle prépare le futur pour que la pandémie
de sida soit à jamais hors de contrôle. Il suffirait en effet que les
pays augmentent leur contribution financière pendant 4 ans et
soutiennent les génériques, pour que la pandémie soit sous contrôle et
la courbe inversée. Des décideurSEs politiques qui mèneraient cette
politique rentreraient dans l’histoire. Au lieu de cela, ils et elles
laissent mourir des millions de personnes en silence en ne se
préoccupant que des profits de leur industrie.
Accords commerciaux: les conseillers de l’Elysée et du Quai d’Orsay
jouent la montre pour ne pas avoir à prendre position
Pourtant, lors d’une réunion avec les ONG et en réponse à un courrier
envoyé par Act Up-Paris5, Nicolas Sarkozy réaffirmait son soutien aux
médicaments génériques et demandait l’organisation d’une réunion
inter-ministérielle sur cette question. Des mois après, il n’en est
rien, et aucun ministère, de l'avenue de Ségur à Bercy, en passant par
le quai d'Orsay, n'agit pour sauver les génériques.
Malgré nos nombreuses relances, Christian Masset, Directeur général de
la Mondialisation, du Développement et des partenariats du MAE, Hervé
Ladsous, directeur de cabinet d'Alain Juppé, Olivier Colom à l’Elysée,
Mathieu Gressier, chef de cabinet et conseiller de Xavier Bertrand pour
les affaires internationales, se satisfont de la situation actuelle, et
soutiennent tacitement, ou activement, les accords de libre-échange et
l’accord sur la contrefaçon ACTA contre les malades.
Nicolas Sarkozy, Alain Juppé, Xavier Bertrand et François Baroin doivent
revenir à la raison et mettre un terme à leur hypocrisie et leur manque
de courage qui mettent en péril de nombreux efforts menés jusqu’ici pour
juguler la pandémie de VIH.
Act Up-Paris exige :
* qu’une réunion inter-ministérielle soit organisée dans les plus
brefs délais et que la France rappelle à l’ordre la commission
européenne.
* que Nicolas Sarkozy réaffirme publiquement, à l'occasion de la
conférence sur le sida à Rome, son soutien aux génériques, et
son oppositions aux dispositions des accords négociés par la
Commission européenne qui vont entraver les génériques.
Act Up-Paris appelle par ailleurs l’ensemble des pays exclus de l’accord
Gilead / Patent Pool à émettre des licences obligatoires sur les
médicaments du laboratoire, comme le prévoit le droit international.
Annexe : liste des pays exclus de l'accord avec Gilead
1- Pays exclus pour les médicaments de Gilead existants :
Asia: Malaysia, North Korea, China, Philippines
Latin America: Argentina, Brazil, Chile, Colombia, Paraguay, Peru,
Uruguay, Venezuela
Central America: Costa Rica, Mexico, Panama,Middle East: Iran, Iraq,
Lebanon, Jordan
Eastern Europe & Baltics: Albania, Azerbaijan, Belarus, Bulgaria,
Croatia, Czech Rep, Estonia, Hungary, Latvia, Lithuania, Montenegro,
Poland, Republic of Kosovo, Republic of Macedonia, Romania, Russia,
Serbia, Slovak Rep, Turkey, Ukraine
Africa: Algeria, Egypt, Morocco, Tunisia, Libya
Island Nations: Marshall Islands, Micronesia
2- Pays exclus pour les médicaments de Gilead en cours de
développement :
Asia: Malaysia, North Korea, China, Philippines, Kazakhstan, Sri Lanka,
Thailand, Turkmenistan, Indonesia
Latin America: Argentina, Brazil, Chile, Colombia, Paraguay, Peru,
Uruguay, Venezuela, Ecuador, El Salvador
Central America: Costa Rica, Mexico, Panama
Middle East: Iran, Iraq, Lebanon, Jordan
Eastern Europe & Baltics: Albania, Azerbaijan, Belarus, Bulgaria,
Croatia, Czech Rep, Estonia, Hungary, Latvia, Lithuania, Montenegro,
Poland, Republic of Kosovo, Republic of Macedonia, Romania, Russia,
Serbia, Slovak Rep, Turkey, Ukraine.
Africa: Algeria, Egypt, Morocco, Tunisia, Libya + Botswana + Namibia
Island Nations: Marshall Islands, Micronesia
1http://www.actupparis.org/spip.php?mot1193
2http://www.actupparis.org/spip.php?mot2675
3Ce mécanisme, lancé en 2009 par UNITAID, consiste à obtenir des firmes
pharmaceutiques des licences volontaires, qui lui permettront ensuite de
produire des génériques de molécules brevetés. L’idée est belle, mais
les pays intermédiaires ne pourront pas en bénéficier. Le sida ne
s’arrête pas aux frontières, et malheureusement ce n’est pas parce qu’un
pays est classé dans la liste des pays à revenus intermédiaires, que
l’ensemble de sa population a accès à des traitements hors de prix, car
étant sous le coup d’un monopole.
4 Voir ci-dessous en annexe la liste complète des pays exclus de
l'accord.
5 Cf. le courrier au lien suivant :
http://www.actupparis.org/spip.php?article4537