E-MED : pharmacologie du placebo
L'Universit� de Rennes (France) a mis � disposition des lecteurs sur son
site web (www.med.univ.rennes1.fr/resped/cours/pharmaco/som.html) le texte
des cours dispens�s par plusieurs enseignants dont celui ci-dessous.
Carinne Bruneton
PHARMACOLOGIE DU PLACEBO
Dr. Patrick Lemoine
cours mis � jour le 22 mars 1998
I - DEFINITIONS
Le placebo est une substance inerte d�livr�e dans un contexte
th�rapeutique.
Le placebo est une substance g�n�ralement commercialis�e dont, soit
l'efficacit� n'est pas d�montr�e scientifiquement (hom�opathie, certaines
substances phytoth�rapiques acides amin�s, antiasth�niants etc ...), soit
l'indication ne correspond pas � l'indication officielle (vitamine C
efficace
dans le scorbut mais probablement pas dans la grippe).
L'effet placebo est l'�cart positif constat� entre le r�sultat
th�rapeutique
observ� et l'effet th�rapeutique pr�visible en fonction des donn�es
strictes
de la pharmacologie.
L'effet nocebo est l'�cart n�gatif constat� entre le r�sultat th�rapeutique
observ� et l'effet th�rapeutique pr�visible en fonction des donn�es
strictes
de la pharmacologie.
II - CHAMP D'ACTION
Le placebo est efficace chez l'animal domestique (conditionnement,
modification de la relation ma�tre-animal), le sujet sain (15 � 25 % des
sujets ressentent "un effet" dont la moiti� dans le sens d'une
am�lioration,
l'autre moiti� sans aggravation), l'enfant et m�me le nourrisson.
La plupart des maladies ont �t� �tudi�es du point de vue du placebo et de
ses
effets (plus ou moins marqu�s selon la nature de la maladie et de la
relation
m�decin-malade). Les plus fr�quemment cit�es sont : la douleur
(fonctionnelle,
algie canc�reuse, post-op�ratoire, migraine), l'insomnie mais aussi
l'anxi�t�,
la d�pression, le trouble panique, le syndrome pr�menstruel, le rhume de
foins, la toux, la tuberculose et m�me la croissance tumorale canc�reuse
...
Le placebo agit, bien entendu, sur les signes subjectifs, mais est
�galement
mesurable sur certains param�tres objectifs : acidit� gastrique, diam�tre
pupillaire, niveau de lipoprot�ines, de globules blancs (�osinophiles,
lymphocytes), �lectrolytes, cortico�des, glucose, cholest�rol�mie, tension
art�rielle ... Contrairement � une id�e r�pandue, ce n'est pas parce qu'un
signe est mesurable qu'il est inaccessible � une action d'ordre
psychologique.
Ce n'est pas non plus parce qu'un traitement est d'ordre psychologique
qu'il
n'est pas relay� par des m�canismes biologiques.
III - FACTEURS INFLUENCANT L'EFFET PLACEBO
L'objet placebo : cette notion recouvre les caract�ristiques
physico-chimiques
de ce qui est prescrit par un m�decin en tant que leurre de m�dicament. Un
grand nombre de param�tres font varier son efficacit� dans de grandes
proportions (nom, couleur, taille, forme, go�t, prix, nouveaut�, d�livrance
sur ordonnance ...)
Le m�decin : personnalit�, charisme, attention port�e, compassion,
croyances,
pr�sentation du placebo, rituel m�dical, notori�t�, titres, comp�tence,
dur�e
et prix de la consultation, dur�e de la liste d'attente etc ... sont les
principaux facteurs de placebo-induction. Il n'existe pas de profil type de
m�decin placebo-inducteur.
Le patient : conformisme, souffrance et attente sont les principaux
facteurs
de placebo-sensibilit�. Il n'existe pas de profil type de patient placebo-
r�pondeur. La r�ponse au placebo n'est pas li�e au quotient intellectuel
(QI)
ni aux facteurs psychopathologiques (n�vrose).
La maladie : plus la charge psychosomatique des sympt�mes est grande et
plus
l'attente g�n�r�e par la souffrance est forte, plus grandes seront les
chances
de placebo-r�ponse.
La qualit� de la relation m�decin-malade semble le facteur le plus propre �
majorer (ou minorer) l'effet placebo.
IV - EFFICACITE DU PLACEBO
L'efficacit� moyenne du placebo est difficile � �valuer globalement, tant
sont
nombreuses les variables. Pour la plupart des auteurs, elle se situerait en
moyenne autour de 30 %. Cette donn�e statistique n'a en fait gu�re de
signification puisqu'elle varie en fonction d'�norm�ment de facteurs et
notamment en fonction du sympt�me cible. De plus, 35 � 40 % des
prescriptions
en m�decine concernent en fait des placebos impurs. Pour Beecher qui a
regroup� 15 publications, l'effet placebo serait manifeste dans 35 % des
cas.
C'est dans la douleur non provoqu�e exp�rimentalement que les chiffres sont
le
mieux �tablis. Ces chiffres d�pendent de la conception que l'on a de
l'effet
du placebo :
- du point de vue du pharmacologue qui tend par vocation � retenir
essentiellement les donn�es issues d'�tudes bien contr�l�es et qui, autant
que
possible, cherche � isoler un seul param�tre, les chiffres seront
sensiblement
plus faibles car obtenus dans des situations artificielles o� le sujet de
l'exp�rience qui sait plus ou moins que c'est l'effet placebo qui est
recherch�, aura souvent tendance � le minimiser (pour ne pas perdre la
face).
Le double-aveugle qui est fait pour diff�rencier deux traitements
administr�s
dans des conditions identiques, ne permet pas d'�valuer l'effet placebo li�
aux conditions de la recherche. De plus, un double aveugle ne peut �tre
compar� qu'� un autre double aveugle et les r�sultats de la recherche
pharmacologique ne peuvent en aucun cas �tre extrapol�s � une pratique
clinique "normale".
- Du point de vue du clinicien qui prend en compte, de fa�on pragmatique,
tout
ce qui peut modifier l'action "normale" d'un m�dicament en dehors des
situations exp�rimentales, il est probable que l'effet placebo atteint
ais�ment, voire d�passe largement ces chiffres.
V - PHARMACOCINETIQUE DU PLACEBO
Voies d'administration : par ordre d�croissant d'efficacit�, le placebo
peut
�tre utilis� sous forme d'injection intra-veineuse, intramusculaire de
comprim�s, du suppositoires. Les gouttes seraient particuli�rement
int�ressantes car, en obligeant le malade � les compter minutieusement,
elles
augmentent sa participation et son attention au traitement.
Latence d'action : le placebo agit en g�n�ral plus rapidement que le
m�dicament actif. Cette donn�e est particuli�rement nette dans la douleur
ainsi que la d�pression o� les traitements classiques requi�rent en
principe
deux � trois semaines. Il n'est pas rare de voir certains sujets, et pas
forc�ment des moindrement d�prim�s, r�agir positivement en un ou deux
jours.
Pic d'activit� : le moment d'activit� maximale serait �galement plus
pr�coce.
Dans la douleur, l'effet du placebo d'aspirine serait � son apog�e au bout
d'une heure, celui de l'aspirine au bout de deux heures.
Dur�e d'action : le placebo serait actif en moyenne pendant deux semaines,
notamment dans la douleur ; ce chiffre peut toutefois varier �norm�ment.
La r�ponse au placebo, � long terme (40 semaines), fut �tudi�e au sein d'un
groupe de sujets dits "paniqueurs". Au bout de 40 semaines, 42 % des 60
patients sous placebo n'avaient plus d'attaques de panique et 38 % �taient
nettement am�lior�s. Parmi les placebo-r�pondeurs, 27 % pr�sentaient une
r�duction de 82 % de leur niveau g�n�ral d'angoisse. L'auteur a essay� de
diff�rencier cliniquement les sujets bons r�pondeurs au placebo de ceux qui
lui r�sistaient et n'a rien trouv� de particuli�rement marquant. Les bons
r�pondeurs s'am�lioraient en une semaine, continuaient � aller de mieux en
mieux tout au long des 40 semaines de traitement puis de sevrage
progressif.
Enfin, un mois apr�s la cessation des visites, ils continuaient � aller
bien.
Relation dose-effet : en cas de r�sultat insuffisant, il suffit parfois
d'augmenter le nombre de comprim�s de placebos pour en voir augmenter
l'effet.
Par exemple, un syndrome anxio-d�pressif sera mieux am�lior� par 4
comprim�s
que par 2. Certains exemples sont rest�s c�l�bres ; ainsi celui de cet
homme
trait� avec succ�s par un placebo pour son hypertension art�rielle, mais
qui
s'est vu oblig� de supprimer le comprim� du soir qui le rendait trop
tendu".
Une autre malade, hypertendue soign�e de la m�me fa�on, voit son poids
augmenter. La posologie est r�duite de moiti� et passe de 4 � 2 comprim�s.
Son
poids se stabilise. L'effet du placebo peut �tre cumulatif mais tend �
s'�puiser au bout d'un certain temps. Son effet peut potentialiser celui
des
m�dicaments actifs ou des autres m�thodes comme la psychoth�rapie. Il peut
s'av�rer parfois utile d'intercaler des placebos dans une s�quence
th�rapeutique, lorsque l'on veut r�duire la posologie d'un m�dicament
toxique
ou potentiellement addictif.
VI - EFFETS INDESIRABLES
. D�pendance : certains cas de toxicomanie au placebo ont �t� d�crits,
comparables � ceux de la morphine, avec des signes de manque, bien que
d'intensit� nettement plus l�g�re.
. Effets ind�sirables : les placebos am�nent des effets lat�raux, voire des
effets n�gatifs. Ce ph�nom�ne a �t� regroup� sous le nom d'effet nocebo.
Dans une �tude portant sur la claudication intermittente, 37 % des sujets
trait�s par placebo ont �prouv� des effets ind�sirables. Dans un grand
nombre
d'�tudes concernant les benzodiaz�pines, effectu�es en double aveugle
contre
placebo, les effets n�gatifs sont aussi fr�quents dans le groupe placebo
que
dans le groupe traitement actif.
A partir du regroupement de diff�rentes exp�rimentations (groupes
contr�les),
les effets nocebo ont pu �tre �num�r�s. Sont retrouv�s dans l'ordre de
fr�quence d�croissante : somnolence : 24,7 % ; fatigue : 17,2 % ; troubles
gastriques et intestinaux : 16 % ; difficult�s de concentration : 13,2 % ;
c�phal�es : 11,6 % ; bouff�es de chaleur : 11,4 % ; tremblements : 11 %. Il
s'agit ici d'un tableau g�n�ral et il est bien probable que les effets
d�pendent du type de placebo administr�, de la personnalit� du patient et
des
sympt�mes cibles : s'il s'agit d'un placebo d'antid�presseur, les effets
ind�sirables seront certainement diff�rents de ceux d'un placebo
d'antalgique
; du fait de l'effet attendu et de la contamination par le m�dicament de
r�f�rence ou d�j� re�u. Ainsi, un patient d�prim� sous placebo mais qui
s'attend � recevoir un antid�presseur, � partir du moment o� il l'a d�j�
re�u
ou conna�t quelqu'un qui a re�u un imipraminique, pr�sentera plus
volontiers,
une somnolence, une constipation et une bouche s�che.
Dans une �tude de la n�ph�nisine prescrite contre placebo, chez des
anxieux,
10 � 20 % des sujets ont �t� aggrav�s, qu'ils aient re�u la n�ph�nisine ou
le
placebo. 3 sujets sous placebo subirent un effet ind�sirable grave :
�ryth�me
maculo-papuleux diffus qui disparut � l'arr�t du traitement, intol�rance
vagale (naus�e, hypotension, sueurs) et un oed�me angio-neurotique.
Des cas encore plus s�rieux d'effets ind�sirables ont �t� signal�s : pertes
de
connaissance, naus�es, dermatose, urticaire, perte auditive ou visuelle,
diarrh�e, vomissements, hallucinations, crampes etc ... Un patient,
imm�diatement apr�s avoir pris un placebo, devint aveugle, vertigineux,
naus�eux et se sentit "engourdi autour de la bouche". Il est �videmment
difficile, � travers tous ces exemples, de ne pas �voquer certaines formes
de
manifestations hyst�riques...
BIBLIOGRAPHIE
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Placebo, un m�dicament qui cherche la v�rit�
M�dsi/Mc Graw Hill �dit., Paris, 1988, 148 pages.
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Editions Odile Jacob, Paris, 1996, 238 pages.
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Br J Clin Pharmacol 1995 ; 39 : 657-664.
4) ALLAIN H, MARTINET JP, LIEURY A
L'effet placebo : une aide � la d�cision th�rapeutique
Rev Neuropsychiatr Ouest 1990 ; 103 : 23-33.
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