[un article sur la collecte de MNU qui nous avait échappé... toujours pas de
décision à ce sujet à ce jour.CB]
Pour l'Igas, rien à recycler dans le système Cyclamed
Le dispositif de collecte des vieux médicaments favoriserait fraudes et
trafics.
Par Eliane PATRIARCA
samedi 26 février 2005 (Liberation - 06:00)
http://www.liberation.fr/page.php?Article=278540&AG
l n'y a rien à sauver dans Cyclamed, le dispositif de collecte des vieux
médicaments. L'enquête de l'Inspection générale des affaires sociales
(Igas), diligentée par le ministère de la Santé le 13 septembre, à la suite
de plusieurs affaires de détournements de médicaments, est sans appel. Menée
par le docteur Françoise Lalande et par Etienne Grass, remise le 25 janvier
à Philippe Douste-Blazy, elle confirme la gravité des trafics et démontre
l'inanité de ce système de recyclage.
«L'existence d'un circuit de médicaments non utilisés (MNU) est en soi
générateur de trafics, résume Françoise Lalande, surprise par l'ampleur des
fraudes. Nous pensions que les stocks auraient été nettoyés avant notre
arrivée puisque notre mission avait été annoncée avec beaucoup de bruit.»
Mais non : aux 36 cas déjà répertoriés en cinq ans, se sont ajoutés, avec
l'enquête de l'Igas, 40 nouveaux dossiers de fraudes sur 95 officines
inspectées. L'anomalie la plus fréquente est le recyclage direct : les
pharmaciens remettent en rayons les MNU rapportés par les clients. «Certains
nous ont expliqué que ces boîtes étaient destinées au dépannage d'amis et de
parents», raconte Françoise Lalande. Mais l'analyse des stocks des officines
a permis de mettre en évidence un excédent de sorties par rapport aux
entrées. Preuve incontestable d'un trafic. L'un des pharmaciens avait ainsi
trouvé une solution pour remplir les piluliers de personnes âgées en maison
de retraite.
Blanchiment. Des pharmaciens ont aussi utilisé le canal des retours
grossistes pour «blanchir» des MNU : des médicaments récupérés dans une
officine peuvent être revendus à une autre. L'Igas cite plusieurs exemples
de malades ou d'infirmières découvrant que les seringues d'héparine
préremplie qu'ils allaient injecter avaient déjà été utilisées... «Il est
clair que le mal est plus étendu que l'a reconnu Cyclamed ; il ne s'agit pas
que d'une poignée de ripoux», dit Françoise Lalande.
Le concept même de Cyclamed pose problème, selon les enquêteurs. A
l'origine, ce système est la réponse de l'industrie pharmaceutique au décret
environnemental de 1992, prévoyant que tout fabricant de produits destinés
au public devait contribuer à l'élimination des déchets d'emballage de ses
produits, soit par ses moyens propres, soit en participant à un système
commun comme Eco-Emballages. «Cyclamed qui se nourrit du gaspillage de
médicaments propre à la France est bâti à l'envers. Il est financé par les
cotisations des laboratoires. Leur taux est fixé en fonction des dépenses
prévues. En bref, moins on recycle de cartons de médicaments, moins la
cotisation des labos est élevée !» note l'Igas.
Résultat : le bilan environnemental de Cyclamed depuis sa création en 1993
est décevant. Pour les emballages de médicaments, le taux de collecte en
2003 est de 11,6 %, six fois moins que l'objectif de 75 % fixé par le décret
et atteint par Eco-Emballages. «90 % des emballages de médicaments partent à
la poubelle avec les ordures ménagères, note François Lalande. L'industrie
pharmaceutique se défausse ainsi de sa responsabilité.» Cyclamed permet
ainsi au secteur pharmaceutique d'économiser 4,2 millions d'euros par an de
cotisations qu'elle devrait verser à Eco-Emballages si elle était entrée
dans ce système. Côté médicaments, Cyclamed recueille 5,7 % des ventes
annuelles. Quand on sait qu'en France près d'un médicament remboursé sur
deux n'est pas pris par le malade, cela représente un bilan très maigre.
Inadapté. Reste alors ce dont Cyclamed s'est toujours vanté : son intérêt
humanitaire. «Il est mis en cause par ceux-là même qui sont censés en tirer
avantage», répond Françoise Lalande. Les pays du sud comme l'OMS demandent
depuis plusieurs années de cesser ces dons qui perturbent les circuits
pharmaceutiques locaux et alimentent des trafics locaux. «Les MNU sont
inadaptés : on envoie des médicaments correspondant à nos pathologies
(psychotropes, traitement du vieillissement ou de la surcharge) alors que
les besoins sont ceux des pays en crise ou en développement.» Sur place, ces
médicaments sont inutilisables car inconnus des professionnels du pays, qui
souvent ne peuvent lire les notices en français ou en anglais. Pour aider
ces pays du sud, les dons en argent permettant d'acheter des génériques sont
la meilleure solution, estime Françoise Lalande.
En conclusion, l'Igas préconise donc d'interdire l'utilisation des MNU,et de
mettre fin à Cyclamed. Philippe Douste-Blazy n'a pas encore pris sa décision
mais au ministère de la Santé, on parle plutôt de «sécuriser le dispositif
Cyclamed». S'agirait-il de rassurer l'industrie pharmaceutique ?