[e-med] Pratiques marketing de l'industrie pharmaceutique en Inde

E-MED: Pratiques marketing de l'industrie pharmaceutique en Inde
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Voici la traduction d'un article paru dans The Indian Express, New Delhi,
sept 2 2001.(from the Wall Street Journal)

Cet article d�crit � la fois les politiques commerciales des compagnies
pharmaceutiques en Inde et le r�le que jouent les lobbies de pharmaciens
dans la cha�ne de distribution.=

Esp�rant que cet article apportera un �clairage sur la r�gulation des
pratiques pharmaceutiques et relancera le d�bat en la mati�re.

Pierre Chapelet
Centre de Sciences Humaines, New Delhi
www.csh-delhi.com
mailto:pierre.chapelet@csh-delhi.com

Mme Bruneton.

Je vous renvoie la traduction de l'article paru dans The Indian Express, New
Delhi, sept 2 2001.(from the Wall Street Journal). Vous trouverez � la fois
le texte brut � la suite de ce message ainsi qu'un document word en pi�ce
jointe.

Safety on the margins in pharma profits war The Indian Express, New Delhi,
September 2, 2001

From The Wall Street Journal

� Les strat�gies des firmes pharmaceutiques indiennes consistant � donner
des r�compenses pour gagner des espaces sur les �tag�res, ont permis de
multiplier les profits aux d�pends de la sant� �, disent Daniel Pearl et
Steve Stecklow.

Le propri�taire d�une pharmacie, Mr R. Ranawat, sourit en se rappelant
comment il a surpris sa femme un jour devant le nouveau t�l�viseur couleur,
cadeau de Glaxo-SmithKline PLC�s India Unit. Comment l�a t-il obtenu ? Il a
command� 600 unit�s de Fortum, un antibiotique, et 100 boites de Ceftum, un
m�dicament pour les voies urinaires et les infections respiratoires, soit 10
fois plus que ce qu�il stocke habituellement !

Les r�compenses � l�achat de grandes quantit�s de m�dicaments sous
prescription sont devenues une pratique courante en Inde, o� des milliers de
fabricants pharmaceutiques sont en comp�tition pour disposer d�un espace sur
les �tag�res des pharmacies et o� le demi million de pharmaciens dispose de
pouvoirs inhabituels�

Aux Etats-Unis et dans d�autres pays � d�velopp�s �, les plans marketing
visent habituellement les docteurs. En Inde, beaucoup de patients sont trop
pauvres ou trop occup�s pour voir un docteur et recourent souvent � l�avis
du seul pharmacien. Par cons�quent, des m�dicaments puissants sont
r�guli�rement vendus ill�galement sans prescription.
Le contour �trange du march� des m�dicaments indiens provient en partie de
ses succ�s en mati�re d�encouragement � la comp�tition, ce qui a fait
baisser les prix, a rendu les m�dicaments largement disponibles et a permis
� l�Inde de se poser comme mod�le pour d�autres pays en d�veloppement. Mais,
le � syst�me des encouragements � induit des dangers pour les utilisateurs
et soul�ve des questions �thiques pour le march� pharmaceutique et plus
particuli�rement pour les pharmaciens. Avec pr�s de 20 000 compagnies
pharmaceutiques se battant sur un march� peu r�gul� dont les ventes
annuelles sont estim�es � 2800 millions d�Euros (Rs. 140 000 millions de
roupies), ce mod�le � pouss� la notion de comp�tition vers des extr�mes tr�s
questionnables.

� Ici, c�est la guerre. Vous devez avoir le business maximum �, dit D.
Arora, directeur commercial pour Glennmark Pharmaceuticals Ltd. Le
pharmacien, ajoute t-il, � est une personne tr�s importante dans la cha�ne
de d�cision �.

Pour stimuler les ventes des m�dicaments sous prescription, les compagnies
pharmaceutiques font la cour aux pharmaciens indiens avec des cadeaux et
autres r�compenses. La plus populaire des r�compenses, le � plan bonus �,
offre une tablette gratuite pour disons 10 tablettes command�es par le
pharmacien. Une �tude r�alis�e par Interlink Healthcare Consultancy a montr�
qu�� l�exception d�une, les 25 premi�res compagnies pharmaceutiques en Inde
offrent ce type de transactions au moins une fois par mois.

Pour les compagnies pharmaceutiques, offrir des r�compenses sur les profits
aux pharmaciens sert plusieurs objectifs : introduire une nouvelle marque,
liquider un lot qui se vend mal, assurer un certain volume de ventes pour un
bilan financier, ou encore �carter une marque concurrente des �tag�res des
officines. Les r�compenses changent si souvent que leur suivi est une t�che
� part enti�re pour les distributeurs et grossistes. J.J. Kothari, directeur
de R.J. Distributors Pvt. Ltd. a m�me cr�� une fonction sp�ciale sur sa base
de donn�es informatique pour suivre les offres en cours !
Quelques-uns des m�dicaments sous prescription promus par les compagnies
pharmaceutiques sont des traitements l�gers pour la toux ou encore des
cr�mes pour la peau. Cependant, la plupart des plans les plus lucratifs
promeuvent des antibiotiques puissants, des anti-inflammatoires, des
s�datifs, des analg�siques, dont certains en solutions injectables !
Du reste, certaines des m�dications propos�es ont �t� retir�es dans d�autres
pays � cause des risques potentiels d�effets secondaires. Une des unit�s
indiennes de Aventis SA, Hoechst Marion Roussel Ltd., a ainsi encourag� la
vente de produits tels que le Baralgan-M (1 paquet gratuit pour 19 achet�s)
ou encore la Novalgin (1 gratuit pour 24 achet�s). Ces analg�siques
contiennent du m�tamizole (connu sous le nom de dipyrone ou analgin),
produit interdit aux Etats-Unis et dans d�autres pays, pouvant provoquer un
rare mais mortel probl�me sanguin.

Les experts en sant� disent que ces politiques commerciales d�encouragements
� l�achat ont stimul� les abus sur le march� indien, encourageant les
pharmaciens � vendre ill�galement des m�dicaments sous prescription non
appropri�s pour les patients. � C�est le pourboire du March� en d�pit du
cliniquement irrationnel � dit le Dr. Dennis Ross-Degnan, professeur associ�
� la Harvard Medical School, �cole sp�cialis�e dans les syst�mes de soins
des pays en d�veloppement. Pour b�n�ficier de ces � achats discount �, bas�s
sur des ventes en volumes, les pharmacies doivent � pousser le produit �
dit-il.

Les h�pitaux disent qu�ils ont un flux constant de patients qui souffrent de
probl�mes gastriques ou r�naux apr�s avoir pris des anti-inflammatoires
sous prescription sans la supervision d�un docteur.
Un de ces patient est V. Shah, 34 ans, business man � Mumbai. Quand il a eut
mal � la jambe, trois pharmacies diff�rentes � Mumbai lui ont vendu des
pilules de Dicloran alors qu�il n�avait pas de prescription. De plus, il ne
re�u aucune instruction quant � la posologie. Le Dicloran, un nom de
marquedu diflofenac sodium (m�dicament sous prescription pour l�arthrite)
est commercialis� par J.B. Chemicals & Pharmaceuticals Ltd. par le biais d�
un plan commercial du type 9 achet�s, 1 offert.
Apr�s avoir pris le produit 2 fois par jour pendant un mois, Shah a commenc�
� avoir des douleurs dans le bas du dos et est all� voir un docteur � l�
Hinduja Hospital. Le docteur diagnostiqua des dommages r�naux important
aggrav�s par la prise du m�dicament. J.B. Chemicals n�a jamais r�pondu aux
requ�tes r�p�t�es du docteur.

Les � plans bonus � inqui�tent les experts en sant� pour d�autres raisons.
En donnant des profits suppl�mentaires au pharmacien au lieu de baisser le
prix de vente au d�tail, les producteurs gardent des prix plus �lev�s. De
plus, pr�s de la moiti� de ces offres portent sur des antibiotiques, d�j�
largement sur utilis�s et mal utilis�s. � Les patients obtiennent des
antibiotiques pour n�importe quelle raison � dit S.K. Bhattacharya,
directeur du National Institute of Cholera and Enteric Diseases de Kolkata.

Les firmes locales et �trang�res en Inde d�fendent leurs politiques d�
encouragements, affirmant qu�elles ne sont pas destin�es � augmenter les
ventes sans prescription. Pour elles, le principal but est de persuader le
pharmacien de substituer leur marque � la marque du concurrent quand une
prescription est pr�sent�e, ou de � d�fendre les prescription de nos
produits � remarque K. Sundaram, directeur de Glaxo India. Il ajoute qu�une
prescription sur deux prescrivant un produit Glaxo ne conduit pas � la vente
d�un m�dicament Glaxo, les pharmaciens substituant un m�dicament concurrent.
Glaxo, le n�2 mondial apr�s Pfizer Inc., d�clare avoir eu recours aux offres
de t�l�viseurs couleur pour les pharmaciens achetant de gros volumes de
Ceftum et de Fortum � la fin de l�ann�e 1999 apr�s un important �pisode de
substitution de leurs produits par des marques concurrentes.

Les pharmaciens n�ont pas toujours �t� si puissants en Inde. Jusqu�aux
ann�es 70, les compagnies �trang�res comme le britannique Glaxo ou le
new-yorkais Pfizer dominaient le march� et la plupart des m�dicaments n�
avaient qu�un unique producteur. Quelques producteurs donnaient des marges
b�n�ficiaires inf�rieures � 4%, refusant m�me de rembourser les m�dicaments
p�rim�s invendus.
L��quilibre des forces changea en 1972, lorsque l�Inde introduisit une
nouvelle loi sur les patentes autorisant les compagnies � dupliquer n�
importe quel m�dicament �tranger, pourvu que soit alt�r�, m�me tr�s
l�g�rement, le proc�d� de fabrication. Des milliers de producteurs se
cr��rent, produisant plus de 60 000 marques de m�dicaments. Comme aux
Etats�Unis, les compagnies pharmaceutiques ont pendant longtemps courtis�
les docteurs indiens avec des r�compenses. Mais, avec le nombre de
compagnies indiennes prolif�rant et leurs visiteurs m�dicaux affluant par
troupeaux dans les cabinets m�dicaux, il �tait rare qu�ils aient le temps de
promouvoir correctement leurs produits. C�est pourquoi les fabricants se
tourn�rent vers les pharmaciens.

  Les propri�taires d�officines sont ligu�s en associations commerciales
(trade associations), qui ont lanc� des boycotts contre les compagnies
pharmaceutiques pour gagner plus de marges sur les profits. D. Mehta,
pr�sident du All India Organisation of Chemists and Druggists, qui
repr�sente quelques 500 000 pharmaciens, se vante de comment son association
a forc� les compagnies pharmaceutiques � signer des � notes d�agr�ments �
dans lesquelles elles acceptent d�augmenter les marges des pharmaciens.
Ils doivent se rendre � dit-il. L�association des pharmaciens est � comme
un gouvernement �.
  Mehta ne remet pas en cause que la plupart des membres de son association
distribuent des m�dicaments sous prescription sans ordonnance.
Il justifie que c�est un service public que de faire de cette mani�re. �Nous
ne pouvons pas autoriser qu�une personne meure sans m�dicaments��

  Pour ma�triser la comp�tition des multinationales, les compagnies indiennes
offrent souvent aux revendeurs des marges plus �lev�es sur les ventes.
Ranbaxy Laboratories Ltd., a r�cemment offert aux propri�taires des
officines huit ampoules de ciproflaxine injectable pour sept achet�es.
  Quelques compagnies sont devenues tr�s cr�atives. German Remedies Ltd a
r�cemment mis en place une campagne promotionnelle intitul�e � Mega
n�gociants : vendez et amusez-vous � (� Mega Merchants, Sell and Enjoy �) :
en �change de l�achat de trois bo�tes de Primolut-N, une hormone (de
Shering) prescrite lors de menstruations irr�guli�res, et de plusieurs
autres m�dicaments, un revendeur re�oit une boite gratuite d�
antibiotique(amoxycillin), et un ticket de tombola pour gagner 124 s�jours
en Allemagne, au N�pal et vers plusieurs autres destinations en Inde.
  Makarand Deshpande, responsable des ventes et du marketing chez German
Remedies Ltd., dit que cette campagne de 4 mois fut un � succ�s mod�r� �.
Elle stimula la vente de quelques m�dicaments mal vendus de 940000 � (Rs.
470 lakh), pour une d�pense de 9400 � (Rs. 4.7 lakh) en voyages.
  Les gyn�cologues disent que les femmes indiennes ach�tent fr�quemment du
Primolut-N sans prescription et l�utilisent pour retarder leurs
menstruations. Cette pratique peut augmenter les probl�mes lors de la
naissance si la prise du m�dicament se fait alors que la femme vient juste
de tomber enceinte.
  Tirant au sort les tickets gagnants de la campagne promotionnelle �Mega
n�gociants �, Metha, le pr�sident de l�association des pharmaciens, fan
inconditionnel de ce type de promotions demande : � Qui n�aime pas ces
plans? �

The Indian Express, New Delhi, le 2 septembre 2001.
Tir� d�un article du Wall Street Journal.

Traduit de l�anglais par Pierre Chapelet,
Chercheur en G�ographie de la Sant�,
Centre de Sciences Humaine, New Delhi.
mailto:pierre.chapelet@csh-delhi.com
http://www.csh-delhi.com

[Mod�rateur: tos nos remerciements pour cet article tr�s int�ressant. Des
r�actions ? CB]

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