[e-med] "Programmes d'aide à l'observance" des firmes pharmaceutiques : non merci !

La Revue Prescrire
Article en une

"Programmes d'aide à l'observance" des firmes pharmaceutiques : non merci !
http://www.prescrire.org/aLaUne/dossierNMObservance.php

Un conflit d'intérêts trop lourd de conséquences : comment imaginer qu'une
firme, juge et partie, soit en mesure d'expliquer à un patient qu'il devrait
mieux arrêter son traitement, ou en changer pour prendre un traitement d'une
firme concurrente ?
Pour en savoir plus

Fidéliser le client est le rêve de quiconque fait profession de vendre. Les
grandes firmes pharmaceutiques en rêvent aussi, dans leur puissant mouvement
de banalisation de la consommation pharmaceutique et de marchandisation des
médicaments. Car elles savent qu'il est bien moins coûteux de fidéliser un
client que d'en trouver un nouveau : six fois moins coûteux, selon certaines
études. Et elles estiment qu'elles perdent chaque année 30 milliards de
dollars de ventes (sur 600 milliards de ventes mondiales), parce que des
patients interrompent leur traitement.

Depuis quelques années, les firmes pharmaceutiques ont investi dans la
fidélisation de leurs "clients", les patients, sous prétexte de les aider à
bien suivre leurs traitements chroniques. L'"observance" des traitements, le
fait que le patient suive les recommandations des professionnels de santé
qui l'ont conseillé (médecin et pharmacien), a ses bons et ses mauvais
côtés. Il est dommage parfois que le patient interrompe son traitement trop
tôt. Parfois, le patient a bien raison de l'interrompre en raison d'effets
indésirables trop importants, par exemple, ou parce que le traitement est
inefficace. En tout état de cause, la poursuite ou non du traitement,
médicamenteux ou non, est une affaire délicate, à discuter entre patient et
professionnels de santé.

L'intrusion des firmes pharmaceutiques dans l'"accompagnement" des patients
à bien suivre leur traitement a commencé aux États-Unis d'Amérique, où la
marchandisation des médicaments est plus avancée qu'en Europe. Là-bas le
prix des médicaments est libre, les firmes peuvent faire de la promotion
auprès du public pour des médicaments de prescription, et les "programmes
d'aide à l'observance", forme sophistiquée de cette publicité, se
multiplient.
Ces programmes arrivent en France, par la petite porte.

Les députés français doivent bientôt se prononcer sur un projet de loi
"d'adaptation au droit communautaire dans le domaine du médicament". Son
article 29-10 prévoit d'autoriser le gouvernement à légaliser les "actions
d'accompagnement des patients soumis à des traitements médicamenteux,
conduites par les établissements pharmaceutiques" par voie d'ordonnance, et
donc sans possibilité pour le Parlement d'en débattre. Et alors même que ces
programmes s'apparentent à de la publicité grand public pour médicaments de
prescription, publicité qui est précisément interdite en Europe par le droit
communautaire !.
Ce projet d'ordonnance prévoit que les firmes pourront mettre en place des
"dispositifs individualisés (relance téléphonique, numéro vert, éducation
personnalisée pour les patients, envoi d'infirmiers à domicile, etc.)".
Ainsi la boucle serait bien bouclée dans un monde organisé par les firmes
pharmaceutiques : forte implication dans la "formation" initiale et continue
des professionnels et dans l'"information" des patients, influences
déterminantes dans le processus d'autorisation de mise sur le marché des
médicaments, et, pour clore le dispositif, contrôle au lit du malade qu'il a
bien pris toutes ses gélules, et qu'il atteint bien son quota de
consommation.

Il est temps de mettre un terme à cette dérive dangereuse. L'un des
principaux constats d'un rapport sénatorial récent sur le médicament était
l'omniprésence des conflits d'intérêts et la confusion des genres qui sévit
dans le monde médico-pharmaceutique. Avec ces "programmes d'aide à
l'observance", la confusion des genres serait totale ; car comment imaginer
qu'une firme, juge et partie, soit en mesure d'expliquer à un patient qu'il
devrait mieux arrêter son traitement, ou en changer pour prendre un
traitement d'une firme concurrente ?

Les patients que nous sommes tous ont besoin que les parlementaires
débattent sur le fond du sujet ; et commencent par refuser d'en être
dessaisis par voie d'ordonnance.

©La revue Prescrire 15 novembre 2006

Pour en savoir plus

"Alerte citoyenne"
Rev Prescrire 2006 ; 26 (271) : 241.
(pdf, 42 Ko)
Accès libre
http://www.prescrire.org/editoriaux/EDI26374.pdfUne information santé
pertinente pour des citoyens responsables

Déclaration du 3 octobre 2006
(pdf, 333 Ko)
Accès libre
http://www.prescrire.org/docus/declarationInfoPatientFR0610.pdf

"Programmes d'aide à l'observance" des firmes pharmaceutiques : l'imposture
Rev Prescrire 2006 ; 26 (271) : 300.
(pdf, 63 Ko)
Accès libre
http://www.prescrire.org/editoriaux/EDI26569.pdf

"Programmes d'aide à l'observance" des firmes pharmaceutiques : non merci !
Rev Prescrire 2006 ; 26 (277) : 779.
(pdf, 41 Ko)
Accès libre
http://www.prescrire.org/editoriaux/EDI26958.pdf

Appel à signalement

Les "programmes d'aide à l'observance" des firmes pharmaceutiques, en
réalité des programmes de fidélisation des patients-clients, existent déjà
dans certains pays et, malgré l'interdiction de toute publicité directe
auprès du public pour les médicaments de prescription, ils se développent
insidieusement en France par l'intermédiaire de professionnels de santé ou
d'associations de patients.

Si vous avez connaissance de tels programmes ou de programmes qui s'en
rapprochent, et qui vous paraissent particulièrement critiquables (par leurs
aspects sanitaires ou commerciaux), merci de nous en faire part, et de nous
communiquer tout document disponible. Certains lecteurs ont commencé à le
faire. Vos contributions permettront à la Rédaction de revenir sur ce sujet
préoccupant.

Adressez votre correspondance à : La revue Prescrire "Influences - Cheval de
Troie de l'observance", 83 bd Voltaire 75558 Paris cedex 11.
La revue Prescrire 15 novembre 2006