[e-med] L'éducation thérapeutique des patients bientôt abandonnée aux firmes ? (France)

Medecines in Europe Forum
Communiqué de presse

L'éducation thérapeutique des patients bientôt abandonnée aux firmes ?
Les parlementaires peuvent encore dire non

Au printemps 2007, le ministre de la Santé Xavier Bertrand avait dû retirer
un projet de légalisation des programmes dits d'"aide à l'observance" (alias
accompagnement) des firmes pharmaceutiques, tant ce projet avait suscité
d’oppositions.
Ces programmes sont avant tout guidés par des considérations économiques
(a). Consciente de cette stratégie commerciale des firmes, l’Inspection
générale des affaires sociales (IGAS) s’était prononcée sans ambiguïté
contre la confusion des rôles1. La Cour des comptes a considéré « qu'il
appartient en priorité aux pouvoirs publics de répondre au besoin, bien
réel, d'accompagnement des patients, et que celui-ci ne doit pas être
abandonné aux firmes pharmaceutiques »2.
La ministre de la Santé elle-même, Roselyne Bachelot, avait aussi affirmé en
2008 souhaiter interdire tous contacts directs entre firmes et patients3.

Pourtant, l'article 22 du projet de loi "Hôpital, patients, santé,
territoire", adopté le 5 juin 2009 au Sénat (après avoir fait l’objet de
plusieurs amendements du gouvernement), vide de leur sens les interdictions
de contacts entre firmes et patients voulues par l’Assemblée nationale. Il
permet en effet que les « entreprises se livrant à l'exploitation d'un
médicament, des personnes responsables de la mise sur le marché d’un
dispositif médical ou d’un dispositif médical de diagnostic in vitro ou des
entreprises proposant des prestations en lien avec la santé (…) peuvent
prendre part aux actions ou programmes mentionnés aux articles L. 1161-2 et
L. 1161-3, notamment pour leur financement, dès lors que des professionnels
de santé et des associations mentionnées à l’article L. 1114-1 élaborent et
mettent en oeuvre ces programmes ou actions. »4

Les conflits d’intérêts manifestes des firmes pharmaceutiques sont ainsi
susceptibles de s’exercer par ricochet sur leurs prestataires, les
professionnels de santé qu’elles rémunèreront et les associations de
patients qu'elles financent.

Cette "éducation thérapeutique" risque alors fort de se réduire à de la
publicité déguisée auprès du public, y compris pour des médicaments de
prescription, publicité d'ailleurs interdite en Europe. Dans l’intérêt de la
santé publique, l’éducation thérapeutique ne doit en aucun cas servir de
cheval de Troie aux firmes pharmaceutiques pour la mise en oeuvre de leurs
actions promotionnelles.

C’est pourquoi Le Collectif Europe et Médicament demande aux membres de la
Commission mixte paritaire, qui se réunit le 16 juin 2009, de rééquilibrer
l’article 22 en en supprimant la partie litigieuse (reproduite ci-dessus en
gras), en conformité par exemple avec les articles L.5122-1 et L.5122-6 du
Code de la santé publique relatifs à la publicité.
D'une façon ou d'une autre “l’éducation thérapeutique” ainsi conçue sera, in
fine, financée par la collectivité (remboursement de plus de médicaments,
fixation de prix plus élevés pour les nouveaux médicaments).

C'est pourquoi le Collectif Europe et Médicament demande la création
immédiate d’un fonds public pour financer une éducation thérapeutique
indépendante, adaptée aux besoins des patients et usagers, et non soumise à
l’agenda commercial des firmes (recommandation 19 du rapport Saout). Ce
fonds pourra aussi être alimenté par les firmes pharmaceutiques et
agroalimentaires dans le cadre de la lutte contre l’obésité et l’alcoolisme
grâce à des taxes sur les dépenses promotionnelles par exemple.

Le Collectif Europe et Médicament

Contacts : Pierre Chirac (pierrechirac@aol.com ; Prescrire) ; Antoine Vial
(europedumedicament@free.fr ; Coordination du Collectif)
a- Au lieu de partir des besoins des patients et usagers, ces programmes
concernent très souvent des médicaments à balance bénéfices-risques
défavorable, ou insuffisamment évalués, ou pour lesquels il existe des
médicaments qui leurs sont préférables (plus pratiques, mieux tolérés, moins
coûteux). Analyse disponible en accès libre ici :
http://www.prescrire.org/editoriaux/observanceNonJustif.pdf.