Les liens directs entre les laboratoires et les patients suscitent des
interrogations
LE MONDE | 08.11.07 | 14h33 Mis à jour le 08.11.07 | 14h33
Déjà mécontente d'un rapport de l'Inspection générale des affaires sociales
(IGAS) sur l'information des médecins et la visite médicale (Le Monde du 3
novembre), l'industrie pharmaceutique est à nouveau sur la sellette. Un
second rapport de l'IGAS met en cause "les programmes d'accompagnement des
patients associés à un traitement médicamenteux, financés par les
entreprises pharmaceutiques".
http://www.lemonde.fr/web/article/0,1-0@2-3234,36-976032@51-968475,0.html
Ainsi, les brochures informant sur l'hypertension ou toute autre maladie, la
formation à l'auto-injection de médicament,ou les programmes qui incitent au
respect de la prescription créent un lien entre le laboratoire et le
patient, et sont, à ce titre, remis en cause par les inspecteurs de l'action
sociale.
Le document, dont Le Monde a eu connaissance, a été remis en août à Mme
Bachelot, ministre de la santé, et n'a toujours pas été publié. Il préconise
de n'autoriser que "par dérogation" ce type d'activité.
C'est Xavier Bertrand,alors ministre de la santé, qui avait demandé ce
rapport le 12 mars 2007. A cette époque, le gouvernement avait dû retirer
d'un projet de loi destiné à adapter le droit communautaire dans le domaine
du médicament un article l'autorisant à régir par ordonnance les "
programmes d'accompagnement des patients" financés par les firmes
pharmaceutiques.
Récemment, l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé
(Afssaps) indiquait que depuis 2001, quinze programmes d'accompagnement
avaient été analysés (Le Monde du 26 septembre). Huit avaient reçu un avis
favorable - "la plupart du temps sous réserve d'aménagements" - et sept un
avis défavorable. Au second semestre 2006, l'Afssaps a examiné six nouvelles
demandes.
"MANQUE À GAGNER"
Le modèle économique de ces programmes n'est pas, selon l'IGAS, comparable à
celui de la publicité directe. "Le laboratoire ne peut pas compter attirer
de nouveaux clients/patients", comme il le ferait avec des spots télévisés.
En revanche, il peut espérer "une hausse du nombre de boîtes vendues par
mois et par patient", ou bien "un effet de fidélisation au produit".
Ainsi, la lutte contre la " non-observance" de la prescription est
aujourd'hui un enjeu économique majeur. Un patient sur deux, "voire 90 % des
personnes atteintes d'affections chroniques" cessent à un moment donné de
consommer le produit qui écarte la maladie. Certains patients prennent leurs
médicaments de manière non conforme. Les laboratoires américains estiment "à
quelque 30 milliards de dollars par an leur manque à gagner lié aux
mésusages", rappelle l'IGAS.
Du fait de l'enchevêtrement des textes réglementaires successifs, le rapport
souligne l'ambiguïté juridique de la communication directe avec le patient.
Rappelant le rôle essentiel du médecin et "les risques de l'accès direct au
patient et la place excessive des laboratoires dans le système de santé",
l'IGAS recommande d'inscrire dans la loi "le principe de l'interdiction de
tout contact direct ou indirect entre laboratoires pharmaceutique et
public".
Il préconise de n'autoriser que sur dérogation "certains programmes
d'apprentissage" intervenant "après prescription médicale du médicament et
lorsqu'un bénéfice collectif ou individuel particulier et important peut en
être escompté". La balle est dans le camp de la ministre de la santé.
Paul Benkimoun
Article paru dans l'édition du 09.11.07.