[e-med] Quand la France prive l'Afrique de médecins

lundi 24 mars 2008
Quand la France prive l'Afrique de médecins
Abbie Trayler-Smith
http://www.ouest-france.fr/Quand-la-France-prive-l-Afrique-de-medecins-/re/a
ctuDet/actu_3631-601608------_actu.html
Ils sont des milliers à exercer dans l'Hexagone, alors que leurs pays
manquent de docteurs. L'ONG Oxfam France-Agir ici s'attaque à ce non-sens.

Fière des « french doctors » de Médecins sans frontières ou de Médecins du
Monde, la France oublie que les « african doctors » sont bien plus nombreux
aujourd'hui à venir soigner les Français ! À cause de la pénurie - bien
relative - qui frappe nos hôpitaux et nos campagnes et du désir de ces
médecins de mieux vivre, selon la double justification habituelle. En
réalité, le phénomène, observé dans les pays riches depuis vingt-cinq ans,
est organisé. En témoigne l'ONG Oxfam France - Agir ici, qui en a fait un
cheval de bataille (1).

Une saignée organisée

La France est le 3e pays au monde à attirer ainsi - en les sous-payant - des
médecins des pays pauvres, derrière les États-Unis et la Grande-Bretagne.
Selon l'OCDE, l'organisation des pays industrialisés, « 18 000 médecins
exerçant en France, soit 6 % des effectifs totaux, ont été formés hors de
l'Union européenne », indique Jean-Denis Crola, qui pilote l'action d'Oxfam
France - Agir ici. En vingt-cinq ans, la part des professionnels de santé
(médecins, infirmières, etc.) formés à l'étranger a été multipliée par six.
C'est ainsi que l'Île-de-France compte aujourd'hui plus de médecins béninois
que le Bénin...

Les pays d'Europe de l'Est sont aussi saignés. « L'année dernière, 450
médecins roumains, soit trois promotions annuelles d'une fac de médecine,
ont été recrutés pour s'installer en France ! », ajoute Jean-Denis Crola.
Des recruteurs, comme Medical Agency ou Arime (Association pour la recherche
et l'installation de médecins européens), démarchent à Bucarest, Varsovie,
Budapest...

Mais c'est bien sûr en Afrique, dont la moitié des médecins s'expatrient
dans les cinq ans qui suivent leurs études, que cet exode médical tue le
plus. Il explique en partie pourquoi, depuis quinze ans, au sud du Sahara,
l'espérance de vie a chuté de 50 ans à 46 ans. Si l'accès aux médicaments
contre le sida a bien progressé, sous la pression de l'opinion, on manque
cruellement de personnels pour les administrer...

Ces médecins qui s'exilent, les pays africains les ont pourtant formés. «
Ils font sur place leurs cinq premières années d'études, les plus coûteuses,
poursuit Jean-Denis Crola ; s'ils passent les trois dernières en France, ils
travaillent en même temps à l'hôpital. » L'Afrique forme donc des médecins
pour la France. Un pillage pour résorber une pénurie clairement programmée :
jusqu'en 2002, la France a limité à moins de 5 000 par an le nombre de
nouveaux médecins. Ce « numerus clausus » (lire ci-dessous) doit repasser
au-dessus de 8 000, l'an prochain, mais le mal va durer longtemps, amplifié
par la masse des départs en retraite.

Rembourser le pays d'origine

La principale proposition d'Oxfam France - Agir ici est donc de compenser le
coût supporté indûment par les pays africains. « L'Afrique perd ainsi
quelque 500 millions d'euros par an sans compter les coûts indirects : ces
cerveaux qui s'en vont pourraient développer leur pays ». La France doit
aussi augmenter le secteur santé de son aide au développement : elle est en
dessous de la moyenne (7 %, contre 11 % dans les autres pays riches). Pour
l'ONG, il n'est donc pas question, bien sûr, de fermer les frontières aux
médecins africains. Elle ne table guère, par ailleurs, sur les chartes ou
codes « éthiques » non contraignants, qui ont montré leur inefficacité en
Grande-Bretagne. Simplement, la France doit d'abord payer son dû puis aider
à la hauteur des autres.

Pour faire quoi ? « Il faut investir massivement dans les systèmes de santé
(en Afrique), dans le fonctionnement, les coûts salariaux ; la France refuse
aujourd'hui de le faire, elle préfère construire un hôpital que d'aider à le
faire fonctionner... » C'est pourtant la seule façon de retenir des médecins
aujourd'hui mal payés, mal équipés, soumis aux risques sanitaires : « À
cause du sida, l'Afrique va sans doute perdre 20 % de ses personnels
soignants au cours des prochaines années. »

Michel ROUGER.

(1) www.oxfamfrance.org (Action : « Immigration : qui choisit ? »).

Oui c'est un vrai problème pour les pays pauvres d'Afrique (ou d'ailleurs)
qui perdent ainsi leurs ressources humaines les plus vitales (au propre et
au figuré). L'autre vrai problème aussi est le suivant : que font nos pays
pour les maintenir ? Si nos médecins émigrent cela veut dire qu'ils
cherchent ailleurs ce qu'ils ne trouvent pas chez eux. Notamment l'emploi et
les conditions de vie décentes. Quand ils sont dans les hôpitaux du pays,
souvent il leur manque les moyens nécessaires à la pratique médicale pour
laquelle ils ont été formés. Un grand dilemme. On forme pour les besoins de
santé de la population des praticiens qui, faute d'emploi ou bien du fait
de l'indigence du système de soins local, s'en vont vers les horizons où
l'herbe est plus verte ! Les pays d'origine sont confrontés alors à une
double perte : perte de l'argent investi dans la formation des médecins - du
primaire à la fin du cycle universitaire, au moins - et perte enfin,
difficile à estimer, des praticiens qui dégarnissent la couverture médicale
du pays, dont l'impact est à chercher dans l'état de santé des habitants.
Pour les pays d'accueils c'est une aubaine ! D'autant que la pratique
médicale ne peut être ni automatisée, ni robotisée, - du moins pour le
moment ! - face au vieillissement de la population. L'émigration choisie
dit-on.
Brahim BRAHAMIA
brahamia@gmail.com

Associez différences de développements socio-économiques et considérations
géopolitiques pour les éléments explicatifs. Les réponses possibles en
découlent.
M.Aguercif
maguercif@invivo.edu