[e-med] Quand les dons de lait maternisé tue au lieu de sauver

INDONÉSIE: Quand le lait maternisé tue au lieu de sauver
http://www.irinnews.org/fr/ReportFrench.aspx?ReportId=77709

JAKARTA, 10 avril 2008 (IRIN) - Des nourrissons souffrent de diarrhées
graves et en meurent parfois après avoir été nourris au lait maternisé
distribué en situation de crise, selon un collectif d’organisations
humanitaires internationales et d’organismes publics, qui appelle à
promouvoir l’allaitement au sein.

« L’utilisation incorrecte, en situation de crise, des substituts du lait
maternel, souvent reçus sous forme de dons non sollicités, met en danger la
vie des nourrissons et des jeunes enfants », pouvait-on lire dans un
communiqué publié à l’issue d’une conférence qui s’est tenue en mars, à Bali
(Indonésie).

Le collectif comprend le Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF),
Save the Children (Royaume-Uni), le Mercy Corps, Care, l’Organisation
mondiale de la santé (OMS), le Programme alimentaire mondial (PAM),
l’Organisation internationale pour les migrations (OIM), HOPE, Médecins sans
frontières et les autorités sanitaires d’Afghanistan, du Bangladesh, du
Cambodge, de l’Indonésie, de la Thaïlande et du Sri Lanka.

Il invite toutes les agences des Nations Unies, les organisations
humanitaires et les gouvernements à faire en sorte que le lait maternisé ne
soit pas systématiquement distribué aux femmes pendant les situations de
crise, et encourage ces dernières à privilégier l’allaitement au sein.

« Bien des fois, ces dons partent d’une bonne intention. Les gens
s’imaginent que pendant les situations de crise, certaines mères qui
allaitent n’ont pas de lait », a expliqué à IRIN Kirsty McIvor, porte-parole
de l’UNICEF en Indonésie. Le stress peut provoquer cet arrêt momentané de la
montée de lait, mais il revient par la suite.

Le recours au lait maternisé dans les situations de crise est même plus
dangereux qu’en temps normal, a-elle affirmé, parce que les rescapés n’ont
souvent pas accès à l’eau potable ou n’ont pas le matériel nécessaire pour
faire bouillir l’eau correctement. L’utilisation d’une eau souillée dans le
mélange du lait maternisé peut s’avérer mortelle, provoquer des diarrhées
débilitantes, principale cause de mortalité chez les enfants de moins de
cinq ans.

Photo: Marianne Kearney/IRIN
William, dix-huit mois, et sa mère à Jakarta. Seuls 14 pour cent des bébés
indonésiens sont exclusivement nourris au sein
Des risques pour la santé

D’après une étude réalisée conjointement par l’UNICEF, le Fonds des Nations
Unies pour la population (UNFPA) et l’université de Gadja Mada, en
Indonésie, à la suite du tremblement de terre de 2006 à Yogyakarta, dans la
province du centre de Java, le nombre de cas de diarrhée chez les enfants de
moins de deux ans a été multiplié par six car de nombreux enfants ont été
nourris au lait maternisé pendant cette période.

L’autre préoccupation du collectif est qu’après avoir reçu du lait maternisé
pour nourrir leurs bébés pendant une situation de crise, les mères
continuent de l’utiliser même en temps normal. Dans la région de Yogyakarta,
frappée par le séisme, environ 70 pour cent des ménages ayant des enfants
avaient reçu du lait maternisé et d’après l’étude, la consommation du lait
maternisé y était deux fois supérieure à celle des autres régions, épargnées
par le tremblement de terre.

Dans la province du centre de Java, les statistiques les plus récentes
montrent que moins de cinq pour cent des enfants âgés de cinq mois sont
encore nourris exclusivement au sein et que cette pratique tend à baisser.
Ces chiffres sont bien inférieurs aux 14 pour cent représentant le
pourcentage national de nourrissons de quatre à cinq mois nourris
exclusivement au sein.

Aceh inondé de lait maternisé

Aceh, la province la plus touchée par le tsunami de l’Océan indien de 2004,
a été inondé de lait maternisé dans les semaines qui ont suivi la
catastrophe, selon Robin Lim, sage-femme à Bumi Sehat, une organisation
non-gouvernementale (ONG) locale.

Selon elle, des travailleurs humanitaires font fréquemment état de cas de
bébés malnutris qui ne parviennent pas à prendre du poids ou encore de cas
de décès d’enfants, dont le lait maternisé avait été mélangé à de l’eau
non-potable. En outre, a-t-elle indiqué, le lait maternisé est généralement
distribué sans aucune instruction sur la stérilisation des biberons, le
dosage de la poudre par rapport au volume d’eau et la nécessité de faire
bouillir l’eau.

L’allaitement maternel, la meilleure solution

Officiellement, le ministère indonésien de la Santé, en collaboration avec
l’UNICEF et l’OMS, recommande l’allaitement maternel au sein, mais seuls 14
pour cent des bébés indonésiens sont exclusivement nourris au sein et
uniquement pendant les cinq premiers mois.

Selon les explications fournies à IRIN par l’UNICEF, le problème est en
partie dû à la publicité agressive faite autour du lait maternalisé et au
fait que certains fabricants font circuler des informations erronées selon
lesquelles le lait maternisé serait meilleur que le lait maternel pour le
développement du cerveau de l’enfant. En réaction, le ministère indonésien
met actuellement en place une réglementation pour contrôler la publicité sur
les substituts du lait maternel.

Le directeur général de la santé publique a ordonné aux districts sanitaires
de ne distribuer les dons de lait maternisé pendant les situations de crise
qu’aux personnes qui n’ont pas d’autre choix : les orphelins, les enfants ne
pouvant être nourris par leurs mères, souffrant de stress ou de blessures,
ou les enfants qui étaient déjà nourris au lait maternisé avant la
catastrophe.

Le ministère de la Santé a également indiqué qu’avec l’aide de l’UNICEF, il
formerait des conseillers pour promouvoir l’allaitement au sein dans les
zones sinistrées.

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