E-MED: Quelles perspectives pour le secteur pharmaceutique au Maroc ?
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Quelles perspectives pour le secteur pharmaceutique au Maroc ?
Lib�ration (Casablanca)
22 Mai 2002
Publi� sur le web le 22 Mai 2002
Salim Nasr*
Apr�s des d�buts heureux, les pharmaciens sont en
difficult�
Dans le continent africain, le Maroc avec l'Afrique du Sud sont les deux
seuls pays � avoir une industrie pharmaceutique au point et d'un certain
niveau. En effet, l'industrie pharmaceutique est une activit� qui demande
d'importants investissements r�guliers et permanents (au Maroc entre 1995 et
2000, l'industrie pharmaceutique a investi 1,2 milliard de dirhams) et un
niveau de savoir-faire qui ne peut �tre assur� que par des pharmaciens de
haut niveau: taux d'encadrement sup�rieur � 20%; d'ailleurs, ce secteur est
compar� � l'industrie de l'armement et aux secteurs de technologies
d'avenir. Ce niveau atteint par notre industrie pharmaceutique a �t�
possible gr�ce aux pharmaciens marocains qui, depuis les ann�es 60, ont
investi dans lesecteur et convaincu des soci�t�s multinationales de
s'installer au Maroc. Notre industrie pharmaceutique assure 85% des besoins
nationaux et exporte vers l'Europe 10% de sa production, ce qui t�moigne en
faveur de la qualit� de nos m�dicaments en conformit� avec les normes
internationales.
En dehors de l'industrie pharmaceutique, le Maroc est dot� d'un r�seau de
distribution pharmaceutique extr�mement performant qui �gale ce qui existe
en Europe et m�me en Am�rique du Nord. Cette distribution est l'oeuvre �
100% de pharmaciens marocains qui se sont organis�s au sein de soci�t�s
r�gionales travaillant avec des m�thodes �volu�es permettant � toutes les
pharmacies du pays d'�tre livr�es 4 � 10 fois par jour, ce qui permet � la
population d'�tre servie dans les meilleures conditions 24 h/24h. Comme
troisi�me composante du secteur pharmaceutique, on trouve le pharmacien
d'officine.
Aujourd'hui, nous avons 6000 pharmacies. Le pharmacien a un r�le
pr�pond�rant. Partenaire de la sant�, il participe activement aux campagnes
de sensibilisation (toxicomanie; tabagisme ), de solidarit�; c'est un
v�ritable conseiller social pour la population (1 million de citoyens
visitent nos pharmacies chaque jour). Il pratique un v�ritable travail de
proximit�, il pourra jouer un r�le dans la r�ussite de l'assurance maladie
obligatoire en lui accordant le droit de substitution, et enfin, il pourra
�galement jouer un r�le dans le syst�me d'hospitalisation � domicile. Devant
la pression sur les centres hospitaliers, on pratiquera la chirurgie
ambulatoire dans laquelle le pharmacien prendra en charge le malade pendant
sa convalescence chez lui � la maison.
Probl�matique du dipl�me
Jusqu'au d�but des ann�es 90, tous les pharmaciens install�s au Maroc
avaient eu leur dipl�me � l'�tranger; depuis cette date et apr�s l'ouverture
de la facult� de m�decine et de pharmacie de Rabat, nos organismes
professionnels n'ont cess� de demander aux diff�rents gouvernements
d'instaurer la proc�dure d'�quivalence de tout dipl�me �tranger de pharmacie
par rapport au dipl�me national.
D'une part, c'est une question de souverainet�; d'autre part, le
gouvernement doit s'assurer des formations acquises par nos �tudiants en
pharmacie � l'�tranger et v�rifier si elles r�pondent aux exigences pour
exercer la pharmacie.
En 1994, le gouvernement de l'�poque avait instaur� l'�quivalence pour les
m�decins et cela n'avait pos� aucun probl�me; de m�me pour les v�t�rinaires,
architectes et m�me pour les pharmaciens qui postulaient pour des postes
dans le cadre de la fonction publique. Il faut signaler que certaines
formations ne r�pondent en aucun cas aux exigences pour l'exercice de la
pharmacie (quelques facult�s de certains pays de l'ex-bloc de l'Est); ceci
est d� au fait qu'apr�s la dislocation de l'ex-U.R.S.S, le syst�me �ducatif
a �t� le premier � �tremis � genou dans ces pays. Nous avons eu des
pharmaciens sans m�me avoir eu le bac, d'autres ayant obtenu le dipl�me en 2
� 4 ans d'�tudes, sans parler des dipl�mes falsifi�s connus aujourd'hui de
tous. D'ailleurs, des sources proches de notre minist�re des Affaires
�trang�res font �tat d'une enqu�te r�alis�e par ce d�partement qui conclut �
des pratiques par certains instituts et facult�s de pharmacie de normes qui
n'ont rien � voir avec la science et ses principes les plus simples.
Cette enqu�te met en exergue le c�t� purement commercial pratiqu� par ces
m�mes instituts et facult�s qui visent plus sp�cialement les �tudiants
marocains et particuli�rement dans la branche de la
pharmacie.
Il est clair que par les dipl�m�s de ces pays, il y a un pourcentage de
s�rieux et par cons�quent l'instauration de l'�quivalence, en dehors de la
souverainet�, peut prot�ger et cr�dibiliser les dipl�mes s�rieux de ces
pays.
Face � cette situation, le gouvernement en 1998 a pris l'initiative de
pr�senter un projet de loi modifiant l'article I du dahir de 1960 qui r�git
la profession pharmaceutique. Ce projet vise l'introduction du principe de
l'�quivalence, d'autant plus que cette disposition est appliqu�e dans tous
les pays comme la France, la Tunisie, l'Espagne, le Canada, les U.S.A
Exemple : En France, un pharmacien fran�ais, ayant eu son dipl�me �
l'�tranger et souhaitant exercer sa profession au pays, doit repasser
l'examen de premi�re ann�e, pr�senter un m�moire de th�se et �ventuellement
repasser d'autres mati�res.
D'ailleurs, notre profession au Maroc cherche � instaurer � l'instar des
pays d�velopp�s une formation continue obligatoire pour les pharmaciens qui
exercent d�j�, car nous appartenons � un secteur hautement scientifique,
avan�ant � une vitesse rapide et connaissant des mutations dans le cadre de
la mondialisation que nous vivons depuis quelques ann�es.
Le projet a �t� adopt� par le conseil de gouvernement, le conseil des
ministres et la Chambre des conseillers � l'unanimit� vu son caract�re
purement technique. Or depuis 1999, il est bloqu� � la Chambre du parlement
et il y a eu tout un d�bat d�passant de loin la dimension de ce projet : ce
qui appelle de ma part quelques observations :
- Ce projet a �t� adopt� par la Chambre des conseillers � l'unanimit� et la
question qui se pose est la suivante : est-ce que les groupes de la Chambre
des conseillers appartiennent aux m�mes partis politiques que les groupes de
la premi�re Chambre?
- Le projet en question est un projet du gouvernement qui dispose d'une
majorit� parlementaire; or dans le cas d'esp�ce, on assiste � une
controverse mal comprise.
- Vu son caract�re technique, le projet devait �tre adopt� par la 1�re
Chambre surtout apr�s les positions claires en sa faveur exprim�es par les
diff�rents �tats-majors des partis politiques repr�sent�s au parlement.
En conclusion: voter le projet de loi du gouvernement, c'est contribuer � la
bonne pratique de la profession pharmaceutique, qui n�cessite la conjonction
des efforts de toutes les potentialit�s de ce pays afin de promouvoir le
secteur sur la base d'une politique de formation de qualit� de l'�l�ment
humain, ce qui permettrait au secteur le maintien de son �lan de
d�veloppement, la r�alisation d'une valeur ajout�e pour notre �conomie
nationale et la coh�sion en symbiose avec les aspirations profondes de Sa
Majest� le Roi Mohammed VI qui n'a cess� de pr�ner une politique
clairvoyante de mise � niveau de notre pays afin que celui-ci puisse
affronter dans les meilleures conditions les d�fis de la mondialisation et
les contraintes de la modernit�.
Probl�mes v�cus par les pharmaciens :
Les pharmaciens sont d�sormais confront�s � des probl�mes aigus, notamment
�conomiques puisque depuis 1997, on enregistre une baisse de l'ordre de 11%
du chiffre d'affaires, en plus de l'effritement du monopole en raison de la
vente anarchique des m�dicaments de contrebande dans les souks des
villes-frontali�res. Probl�mes auxquels il faut ajouter la vente du
dispositif m�dical par n'importe qui et dans n'importe quelle condition
(implant cens� �tre st�rile vendu � l'air libre, idem pour les seringues ou
d'autres articles).
Ces facteurs cumul�s ont rendu 1500 pharmaciens en situation de faillite non
d�clar�e par crainte de perdre � vie leurs autorisations d'exercer la
profession. La prolif�ration du nombre des pharmacies dans les ann�es �
venir risque d'engendrer une perte de l'ordre de 30% du chiffre d'affaires
si le rythme actuel d'ouverture de nouvelles officines est maintenu jusqu'en
2005, sachant que plusieurs �tudes r�alis�es par la profession ont d�montr�
qu'un chiffre d'affaires en de�� de 1,5 million de dirhams signifie qu'il
n'y a pas de b�n�fice pour le pharmacien.
Perspectives d'avenir
Afin de d�passer positivement la crise qui s�vit actuellement au sein du
secteur, il faut que les autorit�s publiques statuent dans les plus brefs
d�lais sur les th�mes majeurs tels que l'�quivalence du dipl�me de
pharmacie, l'instauration de conditions pour l'ouverture de nouvelles
installations suivant l'�volution de la population et l'application d'une
politique claire et planifi�e en mati�re des prix.
Les pharmaciens sont �galement appel�s dans ce sens � assumer leurs
responsabilit�s en mati�re de formation continue, de sanctions des d�rives
et de respect des lois en vigueur. C'est pour r�aliser ces objectifs que la
profession n'a cess� de pr�ner la multiplication du nombre de conseils
r�gionaux pour leur permettre de jouer pleinement leur r�le de proximit� et
de discipline.
Dans une logique d'objectivit� et de reconnaissance, il faut saluer la
d�cision prise par le gouvernement de pr�senter le projet de loi sur l'AMO
au parlement, d�montrant ainsi sa volont� de promouvoir de nombreux secteurs
sociaux. L'application d'une telle r�forme permettra sans nul doute aux
citoyens d'acc�der plus ais�ment aux services de sant� et de dynamiser par
la m�me l'�conomie de sant� dans son ensemble.
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