[e-med] ARTICLE PARU DANS LA TRIBUNE N° 317

De Nouakchott Mauritanie,
  Article paru dans le journal LA TRIBUNE N° 317 du 26/09/2006
   
                    OU EN EST LE SECTEUR PHARMACEUTIQUE ?
                        ET QU’EN EST IL DE LA PROFESSION ?
   
  Une question que certainement beaucoup de citoyens se posent sans jamais savoir de quoi il s’agit. Je vous dis tout de suite que ce que vous voyez chez nous,ce n’est pas de la pharmacie. C’est du commerce général tout simplement et pour plusieurs raisons.
  Ce secteur lié à la santé doit être géré par le Ministère de la santé qui est soit disante la tutelle.
  Mais la tutelle, depuis belle lurette a, non seulement aliéné la profession ,mais elle l’a vendue en introduisant de vicieuses dérogations qui sont devenues la règle dans des textes aussi douteux que ceux qui les ont forgés .
  On se pose d’ailleurs la question pourquoi le Ministère de la santé ne se débarrasse pas de la pharmacie au profit du Ministère du commerce. Non, il ne le fera pas. C’est un fond de commerce très rentable vu la plus value sur la vente des autorisations et le grand trafic d’influence que cela génère.
  Le Ministère de la santé, est décidé mordicus,au nom de la sacro sainte loi du commerce, de maintenir ce secteur dans le giron du commerce général.
   
  Ce n’est pas à l’honneur de la République que ce comportement doit être versé, c’est à mettre sur le compte de la mauvaise foi de ceux qui ont eu à gérer ce département.
   
   La pharmacie est une profession libérale. Partout à travers le monde, l’accès au statut de pharmacien est sanctionné par un diplôme d’Etat, à l’issue de cinq à six ans d’études supérieures, selon les pays. Un pharmacien est bien plus que ce qui hante les sombres boutiques à médicaments de chez nous. Un pharmacien est un acteur de la santé publique dont la responsabilité ne se limite pas à la seule vente de baumes et de comprimés. La règle cardinale de la législation pharmaceutique est l’indépendance de l’exercice de la profession. Le pharmacien est propriétaire de son officine et de ses médicaments. Il est responsable de leur détention, de leur conservation et de leur délivrance. Il répond devant la loi de toutes les conséquences qui peuvent survenir de ses actes professionnels.
  Qu’en est il aujourd’hui chez nous ? La situation des pharmaciens est devenue, d’année en année plus préoccupante, accompagnée du délabrement de la profession et du secteur de la santé dans son ensemble.
  Les pharmaciens y sont réduits au statut de vendeurs de médicaments, taillables et corvéables à merci, révocables à tout moment. La pharmacie s’y est transformée en une somme d’activités qui auraient déshonoré la profession si ceux qui la pratiquent avaient été des hommes de l’art : trafic illicite, falsification de produits, recel, recyclage de médicaments non utilisés, concurrence déloyale, rabattage de malades, corruption du corps médical, etc.
  L’activité pharmaceutique est devenue le lieu et le prétexte à toutes les malversations, un espace clos sur lequel règne des affairistes sans scrupules dont les seules préoccupations sont de dépouiller les patients,de se faire de l’argent et de rouler l’Etat.
   
  La libéralisation du secteur de la pharmacie, initiée en 1979, n’a été effective qu’en 1984. Mais les textes adoptés en ce sens n’ont été élaborés que pour permettre à des non professionnels d’accéder au secteur de la pharmacie et d’y investir massivement, sans garde fou aucun. Cette perversion de la réforme a abouti à des dérapages incontrôlés qui sont à l’origine de l’anarchie actuelle. Une situation qui est devenue incontrôlable et face à laquelle une tutelle sans volonté politique, sans stratégie et sans moyens ne joue parfaitement qu’un rôle de spectateur impuissant. Quelques traits suffisent à souligner la gravité des dérives :
   
  - pharmacies installées n’importe comment, collées les unes aux autres aux abords des hôpitaux et des centres de santé, ce que certaines législations réprouvent en exigeant une distance minimale ;
  - dépôts jadis prévus pour les localités sans possibilité d’accès aux médicaments, rivalisant, à Nouakchott, avec les pharmacies. Certains dépôts étant même mieux fournis que de grandes officines.
  - délivrance des médicaments faite par des ignorants. A telle enseigne que, parfois, c’est le vendeur qui demande au malade de chercher le médicament qui l’intéresse. ,
   
  Combien de malades, combien d’enfants ont subi un accident mortel ? Combien de personnes ont été admises en urgence pour une mauvaise délivrance de médicaments ?
   
  On estime que 10%, en moyenne, des médicaments produits dans le monde sont des contrefaçons, et que ce chiffre devrait être multiplié par cinq ou six dans les pays pauvres. La diffusion des faux médicaments est d’autant plus facile que les réglementations nationales ne sont pas dissuasives, que les systèmes de santé sont peu performants et que les populations vivent dans la précarité.
   
  La contrefaçon de médicaments n’est pas une banale contrefaçon de marchandises ordinaires. Elle présente un danger réel pour la santé de celui qui la consomme. C’est pour cette raison que certaines organisations, telle que la fédération internationale pharmaceutique (FIP), plaident pour la requalification de cette activité frauduleuse en crime, de manière à ce que qu’elle soit plus sévèrement sanctionnée.
   
  Les pays d’où proviennent les médicaments contrefaits ne sont pas épargnés par les effets de ces productions malsaines. Le Nigeria est un pays où le marché des médicaments est particulièrement peu fiable. La lutte contre le faux médicament malgré des progrès notoires, la situation reste préoccupante.
   En Asie, la Chine est également confrontée à la prolifération de faux médicaments. Le gouvernement a décidé de lutter contre ce phénomène, et a procédé, en 2004, à la fermeture de 1 300 installations illégales de fabrication de faux médicaments. Les Etats-Unis d’Amérique font partie des pays les plus touchés par ce phénomène. Cette situation s’explique notamment par le fait que la vente de médicaments en ligne (internet) y est autorisée. Certains pays où la réglementation sur les produits pharmaceutiques interdit ce type de vente et réservent aux officines spécialisées la commercialisation des médicaments, comme la France, les contrefaçons réussissent à franchir les barrières. Plus 300 000 pilules de viagra contrefaits en transit illégal ont ainsi été saisies, en 2003, par les services des douanes, à Roissy-Charles-Degaulle.
   
  Notre pays est loin d’être à l’abri. La contrefaçon est déjà bel bien installée chez nous. Il est de notoriété publique que les marchandises importées de la Chine sont, pour la plupart, de la contrefaçon. Compte tenu du volume de nos importations en provenance de ce pays, il serait inadmissible que l’on ferme les yeux sur la qualité des médicaments que les commerçants introduisent dans notre territoire. L’attention des autorités concernées a été déjà attirée sur ce sujet. Les mises en garde sont restées jusque là sans suite. Les trafiquants continuent donc à mener allègrement leur besogne ignoble, sans inquiétude aucune.
   
  Certains pays ont préconisé la création d’universités dans chaque pays pour endiguer le manque de pharmaciens. Notre pays va en sens inverse. Les pharmaciens sont là, mais ils sont mis sur la touche pour laisser la place à des boutiquiers qui prétendent mieux connaître la profession.
   Il est plus facile à un non professionnel de bénéficier de cinq ou six autorisations pour des officines qu’à un pharmacien diplômé d’en avoir une seule. Certains ont même vu leurs demandes systématiquement rejetées. Aujourd’hui, les grossistes ne se comptent plus. Et certains d’entre eux se sont payés le luxe d’avoir des pharmacies et même des dépôts. A la fois grossiste et détaillant (et quel détaillant ?) la situation se passe de tout commentaire. Dans de telles conditions, il n’est pas difficile de comprendre que des professionnels réduits à néant auraient très peu de chance de retrouver leur place si l’Etat n’intervient pas pour rétablir un équilibre dans une première phase.
   
  Les pharmaciens de Mauritanie, subissent une situation injuste. Dépossédés de leur profession, humiliés par des non professionnels et relégués au niveau le plus bas, on estime que le moment est propice pour que la profession retrouve le bon chemin, c'est-à-dire qu’elle revienne à qui de droit. Pour que le serment qu’ils ont prêté devant leurs aînés puisse encore avoir un sens (servir les patients) et pour que le blason d’une profession délaissée et meurtrie soit enfin redoré.
   
  On comprendra, que faire des études supérieures avec la certitude de pouvoir faire quelque chose pour son pays et pour soit même, se termine par être relégué au niveau du riche chamelier, cela vous laisse un goût amer de frustration.
   
  Ainsi dit, les pharmaciens de Mauritanie, sont à jamais décidés de recouvrer leur profession et ceci en dépit de la mauvaise volonté de la tutelle.
  A bon entendeur salut.
   
  UN LECTEUR ASSIDU DE LA TRIBUNE
   
  PS : Je vous rappelle le sujet intéressant à approfondir :
           LES FAUX DIPLOMES

Note du Modérateur (ML) : Merci à notre correspondant en Mauritanie pour cet article fort intéressant .

Bonjour,
nous remercions notre confrère Dr Cheikh Brahim de cet
article fort intereesant qui décrit la situation
réelle des Pharmaciens en Mauritanie, nous demandons
que toutes les personnes animées de bonne volonté et
d'autoriété internationale de nous aider dans cette
situation si délicate que nous Pharmaciens en
Mauritanie nous vivons actuellement

Dr DIOP Djibril