[remerciements à CR pour la traduction.CB]
Rejet du brevet d'un ARV en Inde; le marché s'ouvre
http://www.ip-watch.org/weblog/2011/01/04/patent-on-aids-medicine-denied-in-india-seen-as-unlocking-market/?utm_source=post&utm_medium=email&utm_campaign=alerts
De Catherine Saez à 11:56 pm
Une décision du service des brevets en Inde de rejeter le brevet d'un ARV a
été applaudie par la société civile et les industriels du générique en Inde.
La décision ne fait pas suite à un article controversé de la loi visant à
empêcher les extensions des brevets mais elle est plutôt basée sur l'absence
d'innovation. Cependant, Abbott a tenu à se justifier devant Intellectual
Property Watch sur sa demande de brevet.
L'association ritonavir/lopinavir est fabriquée par Abbott, un grand labo
américain, qui a déposé plusieurs brevets en Inde. Le brevet rejeté porte
sur une "méthode de préparation d'une forme solide" selon la décision (the
decision [pdf]), une forme de ritonavir et lopinavir stable à la chaleur
selon certaines sources.
Le brevet avait été soumis en mars 2006 selon le Patent Cooperation Treaty
dirigé par l'organisation mondiale de la protection intellectuelle World
Intellectual Property Organization. Il avait été dénié en août 2008 par
Initiative for Medicines, Access, & Knowledge (I-MAK), une ONG américaine
qui travaille sur l'accès aux traitements. Trois labos indiens s'étaient
aussi opposés à ce brevet.
Le 30 Décembre, le service indien des brevets a décidé de ne pas accorder de
brevet à Abbott, alléguant que le sujet ne présentait pas d'innovation et
n'était pas une invention.
"Cette victoire politiquement innovante pour les malades est un précédent
important pour empêcher les labos de jouer avec les brevets, ouvrant ainsi
une nouvelle ère d'espoir pour les millions de malades du SIDA autour du
monde" a déclaré I-MAK ( a statement).
On pourrait sauver environ 130.000 vies en " ouvrant le marché de ce seul
médicament", a déclaré le groupe, qui ajoute qu'Abbott détient pas moins de
75 brevets rien que sur lopinavir/ritonavir aux U.S.A.
L'Article 3(d) de la loi sur les brevets en Inde ne permet pas les
modifications d'un produit existant, un procédé appelé le "rafraîchissement"
(en anglais:evergreening), utilisé fréquemment par les labos pour élargir
leur monopole du brevet. Plusieurs fois, cet article a été dénoncé par
l'industrie pour contrevenir aux obligations commerciales internationales de
l'Inde, et en particulier au regard des ADPIC.
Pour les opposants, la demande d'Abbott tombe sous cet article qui déclare
que "la simple découverte d'une nouvelle forme d'une substance connue qui ne
résulte pas en un renforcement de son efficacité ou la simple découverte
d'une nouvelle propriété ou d'une nouvelle utilisation d'une substance
connue, ou de la simple utilisation d'un procédé connu, d'une machine ou
d'un appareil dont le résultat ne se présente pas sous la forme d'un nouveau
produit ou n'emploie pas de réactif nouveau". Cependant la décision a rejeté
cette demande.
Selon Brook Baker de l'ONG américaine Health Global Access Project, il
semble que le service indien des brevets ne soit pas très rigoureux à
appliquer les normes de brevetabilité selon l'Article 3(d) et qu'en
conséquence il peut accorder des brevets à l'occasion pour une nouvelle
indication, des modifications chimiques, de nouvelles formulations, et de
nouvelles associations ... il semble plus important d'avoir des ressources
dédiées au service d'expertise en procédures d'opposition en Inde".
En décembre dernier, lors d'un séminaire économique de WIPO, dans une de ses
présentations, le Pr. Bhaven Sampat, de School of International and Public
Affairs à la Columbia University de New York, est arrivé à la même
conclusion (IPW, WIPO, 17 December 2010).
Abbott défend son innovation
D'après Dirk Van Eeden, directeur des relations publiques à Abbott, "la
nouvelle formulation de Kaletra [l'association concernée] a apporté aux
médecins et aux patients une amélioration réelle dans son utilisation son
dosage et son confort".
Il a déclaré à Intellectual Property Watch, "le comprimé stable à la
température résout les limitations propres à la version précédente d'Abbott,
qui demande d'être gardée au frais et d'être prise avec la nourriture. Ces
défis ont été résolus par le nouveau comprimé, et les avantages pour les
patients sont significatifs dans les pays en développement et à ressources
limitées".
Abbott est en train de revoir cette décision et prépare les prochaines
étapes, a-t-il ajouté.
Tahir Amin, directeur d'I-MAK a cependant déclaré que d'autres brevets
d'Abbott sur ce produit sont remis en cause en Inde.
Même si la décision du service indien des brevets apparaît comme une avancée
décisive, et qu'elle ouvre le marché indien des génériques, la possibilité
d'exporter vers des pays en développement dépendra de la législation sur les
brevets dans ces pays.
D'après Peter Maybarduk, un avocat en propriété intellectuelle de Public
Citizen, un groupe de plaidoyer américain, la décision est hautement
significative.
Si dans un pays donné, un composant du produit est couvert par un brevet,
l'une des solutions possibles est d'émettre une licence obligatoire. Cette
possibilité "est beaucoup plus simple" que de faire appel au paragraphe 6 de
l'OMC, une exception des ADPIC voulue pour permettre l'accès aux génériques
de médicaments dans des pays manquant des capacités de production pour
produire d'eux-mêmes, a déclaré Maybarduk.
S'il n'y a pas de brevet dans les pays exportateur, comme l'Inde, le pays
importateur peut émettre une licence obligatoire sans se référer au
paragraphe 6, qui impliquerait un procédé beaucoup plus lourd, a-t-l déclaré
à Intellectual Property Watch.
Par ailleurs, d'après news source Livemint, le gouvernement indien
envisagerait de plafonner les investissements étrangers directs dans les
labos pour empêcher les fabricants indiens d'être achetés par des
investisseurs étrangers. (N.DL.R.: Très bien, mais que se passera-t-il si le
fabricant indien décide de s'ouvrir à un capital étranger, cas de Ranbaxy
récemment?)