[e-med] Affaire Novartis : l'Inde préserve les médicaments génériques

(Le texte du jugement est ici :
http://judis.nic.in/supremecourt/imgs1.aspx?filename=40212
Deux articles :
* Affaire Novartis : l'Inde préserve les médicaments génériques
* Brevets : Novartis perd son bras de fer contre la justice indienne
CB)

Affaire Novartis : l'Inde préserve les médicaments génériques
Le Monde.fr | 01.04.2013 à 16h03 € Mis à jour le 01.04.2013 à 17h26
Par Julien Bouissou
http://www.lemonde.fr/planete/article/2013/04/01/affaire-novartis-l-inde-pr
eserve-les-medicaments-generiques_3151530_3244.html

New Delhi, correspondance.
C'est un nouveau coup dur pour l'industrie pharmaceutique en Inde, et une
nouvelle étape vers un accès plus large des populations défavorisées aux
médicaments génériques. En rejetant, lundi 1er avril, la demande de brevet
déposée par le laboratoire pharmaceutique suisse Novartis sur le Glivec,
un traitement contre la leucémie, la Cour suprême de New Delhi a confirmé
et mis en application pour la première fois une clause de la loi indienne
qui exclut de protéger par des brevets les médicaments qui n'apportent que
des améliorations mineures à des molécules découvertes avant 1995. L'Inde
devient ainsi le premier pays au monde à rejeter un brevet sur le Glivec,
qui est en vigueur dans près de 40 pays dans le monde comme en Chine ou à
Taiwan.

Ce jugement va faciliter la fabrication de génériques en Inde, où sont
élaborés près de la moitié des médicaments contre le sida utilisés dans
les pays en voie de développement. "Il va sauver des vies en offrant des
traitements à bas coût aux patients qui en ont besoin", a déclaré Kiran
Hukku, la responsable de l'association d'aide aux malades du cancer
"DÉCOURAGER L'INNOVATION FUTURE EN INDE"

Selon Leena Menghaney
<http://www.lemonde.fr/liste/sujet/afficher/9eaf_leena-menghaney.html&gt;,
responsable en Inde de la "Campagne d'accès aux médicaments essentiels" de
Médecins sans frontières (MSF), le Glivec est vendu 4 000 dollars (quelque
3 100 euros) par patient et par mois, alors que la version générique est
disponible à moins de 73 dollars. Le géant pharmaceutique suisse a
toutefois précisé dans un communiqué que le médicament était accessible
gratuitement pour 9 patients Indiens sur 10 et qu'il allait continuer à le
distribuer dans le pays. Il a regretté une décision qui allait "décourager
l'innovation future en Inde".

En janvier 2005, l'Inde a mis en conformité sa législation avec les règles
de propriété intellectuelle de l'OMC. Dans le souci de préserver les
impératifs de santé publique, le gouvernement a toutefois inscrit la
"clause 3(d)" prévoyant que seuls les médicaments réellement nouveaux et
innovants avec un impact thérapeutique soient protégés par des brevets.

Dans le cas du Glivec, la Cour suprême indienne a admis que le traitement
présentait des améliorations qui bénéficiaient aux patients, mais sans
reconnaître une quelconque innovation thérapeutique.
"Nous pensons fermement que l'innovation devrait être reconnue par des
brevets pour encourager l'investissement dans l'innovation médicale", a
insisté Novartis dans son communiqué. La décision de la Cour suprême
indienne va-t-elle freiner les investissements dans la recherche ? "Les
investissements vont plutôt se concentrer sur la création de nouvelles
molécules, et pas sur leur amélioration, ce qui bénéficiera aux patients",
répond Anand Grover
<http://www.lemonde.fr/liste/sujet/afficher/ff0e_anand-grover.html&gt;,
l'avocat de l'association d'aide aux malades du cancer.

Enfin, pour un grand groupe pharmaceutique comme Novartis, l'Inde ne se
résume pas qu'aux génériques. Le géant suisse effectue dans le pays de
nombreux tests cliniques alors que la législation en la matière est
quasiment inexistante, notamment l'obligation qui est faite aux médecins
d'informer les patients des risques qu'ils encourent en testant de
nouveaux traitements.

Si les associations d'aide aux patients ont remporté une première victoire
dans la lutte pour l'accès aux médicaments génériques, la bataille n'est
pas pour autant terminée. D'après Médecins sans frontières, l'accord de
libre échange qui est en ce moment négocié entre l'Inde et l'Union
européenne prévoit des clauses qui pourraient durcir la loi indienne sur
la propriété intellectuelle.

"LICENCE OBLIGATOIRE" POUR LES MÉDICAMENTS TROP CHERS

Enfin, comme l'a précisé la Cour suprême dans son jugement, le rejet du
brevet sur le Glivec "ne signifie pas que la section 3(d) exclut de la
protection par un brevet toutes les inventions incrémentales de substances
pharmaceutiques et chimiques". Depuis 2005, tous les médicaments innovants
sont protégés, en Inde, par des brevets.

Si toutefois le laboratoire pharmaceutique ne garantit pas son accès à la
population à un prix raisonnable, une "licence obligatoire" peut être
délivrée pour la commercialisation de sa version générique.

Le 4 mars, le Conseil d'appel indien en propriété intellectuelle (IPAB) a
ainsi maintenu l'autorisation de fabriquer, dans le pays, le générique
d'un médicament anticancéreux mis au point par Bayer. En 2012, l'Inde
avait eu recours pour la première fois à une "licence obligatoire"
concernant ce médicament, le Sorafenib Tosylate, vendu par Bayer à 4 000
euros pour un traitement d'un mois. un tarif rédhibitoire pour la
quasi-totalité de la population indienne. Sa version générique ne coûte
que 125 euros.

Lire (édition abonnés) : Médicaments génériques : l'Inde donne tort à
Bayer
<http://www.lemonde.fr/planete/article/2013/03/06/medicaments-generiques-l-
inde-donne-tort-a-bayer_1843557_3244.html>

Les juges indiens ont reproché à Bayer de n'avoir pas exporté son
médicament en Inde en 2008, puis de n'en avoir acheminé qu'une très faible
quantité en 2009 et 2010. L'IPAB a donc autorisé Natco Pharma à fabriquer
des génériques, à condition de reverser 7 % de royalties à Bayer, au lieu
des 6 % prévus initialement.

Dans un marché indien occupé à 90 % par des médicaments génériques, les
associations comme MSF entendent désormais livrer d'autres batailles pour
diminuer le prix des traitements protégés par des brevets en Inde. Grâce à
ses 8 000 laboratoires, l'Inde exporte la moitié de sa production vers les
pays en développement.

Julien Bouissou