Vente illicite de médicaments : les pharmaciens veulent arrêter l'hémorragie
Le Journal de l'Economie (Dakar)
30 Mai 2005
Publié sur le web le 1 Juin 2005
A. Mbaye, Dakar
Le Syndicat des Pharmaciens Privés du Sénégal (SPPS) affiliées à la CNES a
fait face à la presse pour dérouler son plan de campagne contre les
médicaments contrefaits et leur vente illicite. Une vaste campagne qui entre
dans le cadre de la semaine de sensibilisation sur le marché illicite et la
contrefaçon des médicaments qui constitue un danger..
La clandestinité rapporte. Le marché parallèle du médicament fait en effet
un chiffre d'affaires de 7 milliards. Les vendeurs de " Keur Serigne Bi " se
frottent les mains au vu et au su de tout le monde. Même si " Keur Serigne
Bi " existe depuis 1959, l'Etat continue de fermer les yeux. Le contrôle ne
se fait pas de façon normale. Même si ce n'est pas une spécifié sénégalaise
: 25% des médicaments en Afrique sont faux. Les autorités tardent à réagir
face à cette injustice causée aux pharmaciens. Moussa Sène Président de la
Section B de l'Ordre des Pharmaciens est catégorique, " Ce sont les
autorités qui ont écrit les textes qui régissent la vente de médicament au
Sénégal, ce sont elles qui doivent les appliquer. Le médicament doit être
dans une filière contrôlée et contrôlable pour préserver la santé des
populations ". Rien ne justifie selon les pharmaciens réunis au sein du
Syndicat des Pharmaciens Privés du Sénégal (SPPS) affiliés à la CNES cet
état de fait, car le monopole du médicament revient au pharmacien.
Les pharmaciens voient dans le médicament un produit à protéger et à
manipuler avec précaution. Tout le contraire de ceux qui sont mus par le
gain, et qui n'y voient que l'aspect économique, une source de rentabilité
rapide sans se soucier des dégâts, " une activité qui n'est ni plus ni moins
qu'un acte criminel " déplore Madame Constance Faye Badji Présidente du
SPPS. Selon Mme Badji, le syndicat a choisi cette année le thème de la "
Qualité et la sécurité du médicament " pour attirer l'attention des
autorités sur les médicaments contrefaits, mais également sur l'insécurité
qui menace les populations du fait de l'administration de médicaments mal
conservés, manipulés par des personnes inexpertes ; n'ayant aucune idée des
conditions de conservation et de délivrance que doivent respecter les
médicaments qui ne sont pour elles que de simples marchandises à écouler.
Le secteur de la pharmacie sur le plan national en prend un sacré coup.
Riche de 725 officines légalement constituées, ainsi que 800 autres
structures publiques, le tout pour un secteur sécurisé qui compte 1500
postes et points de vente qui sont légalement autorisés à détenir les
médicaments. Ce qui dessine un schéma géographique d'implantation de
pharmacie dans le pays qui prévoit une officine pour 10.000 habitants. Mais
il se pose un réel problème de sous-emploi à en croire le Dr Sène qui fait
une comparaison entre le nombre d'étudiants pharmaciens sortis de
l'université qui est de 50 chaque année et l'énorme besoin sur le marché.
Cela démontre le sous-emploi dans le secteur de la pharmacie. L'inégale
répartition de ces pharmacies sur l'étendue du territoire fait que dans une
localité comme Touba, localité par excellence de la vente illicite de
médicament, qui dépasse 1 million 500.000 habitants les pharmaciens hésitent
à aller s'y installer.
Récemment 4 pharmacies ont baissé pavillon pour quitter Touba et aller
s'installer ailleurs. A noter que Touba fait partie des zones à risque à
l'instar de Kaolack et Diaobé. Face à cette récurrente équation, les
pharmaciens interpellent l'Etat à prendre ses responsabilités car " les
textes qui régissent la vente de médicaments prennent de l'âge parce que
datant de 1954. Leur réactualisation doit être faite par rapport au niveau
de la sanction d'aujourd'hui. Les populations ont tendance à se tourner de
plus en plus vers les médicaments de la rue du fait de leur accessibilité et
de leur coût relativement bas. Mais cet argument ne prospère pas chez les
pharmaciens qui dégagent en touche " la cherté des médicaments comme
argument de ceux qui achètent les médicaments ".
Non seulement le Sénégal a les prix les plus bas de la sous-région, mais
aussi une politique sociale est en cours pour faire en sorte qu'un produit
comme le paracétamol très usité, soit accessible à toutes les bourses, de 60
francs à 1000 francs de même que l'amoxicilline qu'on peut avoir entre 400
et 2000 francs. A noter que les pharmaciens ont même diminué leur marge sur
une liste de médicaments essentiels. Certains médicaments sont même vendus à
leur prix de cession. C'est le cas de l'insuline vendue pendant des années à
des prix dérisoires. A en croire Mme Sokhna Ndiaye Présidente de la
Commission Finance du SPPS, " Les pharmaciens ont accepté de faire des
concessions en permettant la vente des génériques dans les pharmacies.
De l'avis de Cheikh Tidiane Diaw, non seulement l'Afrique a une position
défavorable et insignifiante sur le marché des médicaments, mais aussi
l'Afrique ne représente que 2% du chiffre d'affaires du médicament. De cette
faible part de l'Afrique, le Maghreb et l'Afrique du Sud se partagent les
80%. Cette faiblesse sera accentuée selon ce dernier par le fait que les
laboratoires ne veulent plus venir en Afrique parce que sa représentativité
sur le marché mondial est insuffisante. D'autres, par contre, fustigent la
perméabilité des frontières, ce qui fait du Sénégal un véritable dépotoir de
médicaments.
Qu'en est-il des allégations selon lesquelles les médicaments vendus à Keur
Serigne Bi proviennent d'un réseau piloté par des pharmaciens qui
enfreignent la loi ? Si un tel cas de figure se présente, l'Ordre des
pharmaciens a la possibilité de sanctionner. Parce que doté d'une chambre
disciplinaire qui est une section présidée par un magistrat désigné par la
cour d'appel. Si la faute du confrère est avérée, ce dernier est sanctionné
par ces confrères. La sanction va de l'avertissement à l'exclusion en
passant par le blâme ainsi que des interdictions temporaires d'exercer
allant de 3 ans à 2 ans.
L'Etat est donc mis devant ses responsabilités pour mettre fin à ce flou
pharmaceutique. Car comme le dit Mor Talla Kane directeur exécutif de la
CNES, " quand on pas la possibilité de soigner sa population on ne doit pas
la rendre malade "