[e-med] Le gouvernement sénégalais débloque des fonds pour lutter contre le commerce des médicaments illicites

[on peut aussi lire un article de 6 pages dans "Le Moniteur des Pharmacies
et des Laboratoires" n°2593 du 3 septembre 2005 intitulé " Sénégal, les
médicament est à la rue".(non dispo sur le web pour l'instant.CB]

Le gouvernement débloque des fonds pour lutter contre le commerce des
médicaments illicites
http://fr.allafrica.com/stories/200509070728.html

UN Integrated Regional Information Networks
7 Septembre 2005
Publié sur le web le 7 Septembre 2005
Dakar

- Tous les jours, Saliou déambule dans les quartiers de Dakar, la capitale
sénégalaise, une valisette de produits pharmaceutiques à la main.
Le jeune homme n'a aucune connaissance dans le domaine de la pharmacie et
n'a pas la formation requise pour prescrire des médicaments. En revanche, il
a une assez longue expérience de ce commerce informel pour savoir si un
client sera capable d'acheter des médicaments par tablettes ou à l'unité.

D'après une étude récente menée au Sénégal, le Leem, qui regroupe les
entreprises du secteur pharmaceutique en France, estime qu'un patient sur
cinq a recours à ce marché illicite pour se procurer des médicaments.

Et le problème n'est pas spécifique au Sénégal. L'Organisation mondiale de
la Santé (OMS) reconnaît que le commerce mondial des médicaments contrefaits
et de qualité inférieure rapporte annuellement près de 32 milliards de
dollars.

Mais le gouvernement sénégalais est désormais décidé à prendre à bras le
corps le problème du marché illicite des médicaments.
Le gouvernement du président Abdoulaye Wade prévoit de dégager une enveloppe
de 25 millions de francs CFA (48 000 dollars) dans le budget 2006 pour «
promouvoir les médicaments génériques et renforcer les inspections pour
contrôler le marché illicite des médicaments ».

Selon certains experts du secteur de la santé, c'est la première fois que le
gouvernement parle de l'existence d'un marché illicite de médicaments dans
un document officiel. S'ils se réjouissent de la démarche des autorités, ils
se montrent en revanche plus inquiets quant à son efficacité.

« Je pense qu'il y a un début de changement », a indiqué Mamadou Badiane, le
chef de la Direction des pharmacies et laboratoires.

Des camions en provenance du Nigeria et de la Gambie ont été interceptés en
juillet et leur cargaison de médicaments vendus sans autorisation a été
détruite par le ministère du commerce. Et alors qu'un débat télévisé sur le
problème du commerce illicite des médicaments était impensable il y a deux
ans, Mr Badiane se rappelle que ce débat a eu lieu en décembre 2004 et que
les experts ont dit ce qu'ils avaient à dire.

« Mais 25 millions, c'est pas suffisant, c'est même ridicule », s'est
exclamé M. Badiane. « Car il faut compter que dans ce chiffre il y a le
salaire des employés et nous sommes 15 ».

Keur Serigne Bin, une montage de médicaments
A Keur Serigne Bi (La maison du Marabout, en Wolof), derrière le grand
marché de Sandaga, les vendeurs de médicaments illicites ont pignon sur rue.
Selon les experts du secteur de la santé, c'est un endroit qui représente
une montagne de médicament.

"C'est l'endroit où les personnes pauvres se procurent des médicaments", a
expliqué un vendeur, sous le couvert de l'anonymat.
Ici, une boîte d'antihistamines coûte 4 000 CFA (8 dollars), contre 5 700
CFA (11 dollars) dans une pharmacie officielle. Antibiotiques,
anti-dépresseurs et antirétroviraux y sont également vendus à des prix plus
abordables. Certains médicaments ont été volés par des petits employés et
d'autres ont été pillés par des pharmaciens dans les stocks de la centrale
d'approvisionnement.

Et alors que les prix bas pratiqués attirent les Sénégalais à faible revenu,
de nombreuses personnes ne sont pas conscientes des risques qu'elles
prennent.
« Or les risques sont multiples, surtout pour le consommateurs », explique
Babacar Thiam, médecin à Yoff, un quartier de la capitale. « Les médicaments
ne passent pas par un contrôle pharmacologique. Ils sont conservés dans des
endroits non appropriés et même si la date de péremption est bonne, c'est la
mauvaise conservation du produit qui altère son principe actif ».

Bakary Sambou, médecin à la représentation de l'OMS au Sénégal partage cet
avis.
« Parfois les vendeurs du marché illicite de médicaments vous racontent des
sottises. Et les gens les croient », raconte-t-il. « Un jour j'ai même vu
quelqu'un utiliser des antituberculeux majeur pour traiter une simple
bronchite ».

Le Sénégal est un pays majoritairement musulman où les confréries islamiques
ont un poids politique et économique important

Mais si tout le monde connaît l'existence de Keur Serigne Bi, pourquoi ne
ferme-t-on pas ce marché ?
« Les autorités ont peur », répond Constance Faye Badji, directrice de
l'Office National des pharmaciens du Sénégal. « La confrérie religieuse des
Mourides joue un rôle majeur dans ce commerce et elle est une composante
puissante de l'électorat qu'il ne faut pas brusquer ».
« Nous attendons de voir ce qu'ils vont faire avec ces 25 millions de francs
CFA », a déclaré Mme Faye Badji. « C'est facile de dire il y a un budget,
mais concrètement, si c'est du tape à l'oeil, on réagira en fonction de
ça ».

Un marché de l'emploi
Dans un pays où 26 pour cent de la population vivent avec moins d'un dollar
par jour, ce ne sont pas que les consommateurs pauvres qui pérennisent les
activités du marché noir. Ce marché assure aussi des revenus aux marchands
ambulants de médicaments illicites.

Pour certains experts, ce marché représente un chiffre d'affaires de 6 à 8
milliards de francs CFA (entre 11,4 et 15,2 millions de dollars).
« Toute tentative d'interdiction bête et méchante du marché illégal ne
marchera jamais », selon Pierre Nabeth, chef de l'unité épidémiologique à
l'institut Pasteur de Dakar, qui finalise une enquête sur ce sujet.

« Les gens meurent de faim et le marché fait vivre beaucoup de personnes et
ça arrange tout le monde », a-t-il confié à IRIN. « Mieux réglementer, c'est
peut-être la voie à explorer ».

Dans l'enquête menée auprès de 168 vendeurs ambulants de médicaments, Nabeth
a constaté que la plupart des sondés avouent ne pas savoir lire, deux tiers
disent ne jamais lire la notice des médicaments et 70 pour cent sont
favorables à une règlementation du marché.
« Ils réclament eux-mêmes une formation, car ils sont conscients de leurs
lacunes », expliquent le chercheur.

Certaines actions ont aussi été menées pour informer le public. En 2003, des
campagnes de sensibilisation ont été organisées autour du slogan « les
médicaments de la rue tuent ». Depuis lors, une campagne de sensibilisation
du public est organisée chaque année au mois de mai et tout laisse à penser
que le message est bien perçu.

Ainsi, pour le pêcheur Mame Thiam, « il n'est pas question d'avaler ces
médicaments ». « Ces pharmaciens ambulants ne savent même pas écrire leur
nom et vous voulez que je leur achète des médicaments ? Et si je meurs,
contre qui portera-t-on plainte » ?