Sida: faire payer les antirétroviraux menace la réussite du traitement
ABUJA, 6 déc (AFP)
Faire payer, même partiellement, l'accès aux antirétroviraux (ARV) pour les
malades du sida, comme c'est le cas au Nigeria, menace la réussite du
traitement, selon une étude réalisée par Médecins sans frontières (MSF) et
rendue publique mardi à Abuja.
"Forcer les gens à payer et risquer par conséquent des interruptions de
traitement peut rendre ces traitements moins efficaces", a expliqué le
docteur Jens Wenkel, qui travaille pour MSF au Nigeria, à l'occasion de la
14e Conférence internationale sur le sida et les maladies sexuellement
transmissibles (Cisma).
"Si nous voulons que les gens puissent vivre grâce au traitement, nous
devons nous assurer qu'ils aient un accès gratuit aux soins", a-t-il ajouté.
Selon l'étude réalisée à Lagos par l'ONG, 44% des patients qui doivent payer
pour l'accès aux ARV ont connu des interruptions de traitement ou ont pris
des dosages insuffisants en raison du manque de ressources financières.
Le programme de distribution d'ARV par le gouvernement nigérian prévoit une
participation financière des patients qui s'élève à 1.000 nairas par mois.
Mais selon MSF, ce chiffre est en réalité trompeur car il ne concerne que
les ARV alors que les patients doivent aussi prendre à leur charge tous les
tests indispensables au suivi de l'évolution du virus, ce qui aboutit à un
coût moyen de 44 USD par mois.
L'étude a été réalisée entre août et novembre 2005 sur 122 personnes qui
étaient contraintes de payer pour leurs traitements et qui ont depuis
rejoint le programme de traitement gratuit de MSF à Lagos.
Le Nigeria est le troisième pays au monde en termes de nombres de personnes
infectées par le VIH-sida, avec 3,3 millions de personnes.
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Sida: antirétroviraux, démarrage lent mais prometteur
ABUJA, 6 déc (AFP)
par Jérôme CARTILLIER
Un demi-million d'Africains touchés par le sida bénéficient aujourd'hui d'un
traitement antirétroviraux (ARV), un chiffre dérisoire face à l'ampleur de
la pandémie sur le continent, mais qui est aussi, pour nombre d'experts,
porteur de promesses d'une ère nouvelle.
En 2003, l'Organisation mondiale de la Santé (OMS) et le programme des
Nations unies sur le VIH-sida (Onusida) lançaient l'inititive baptisée "3
par 5", formule-choc pour un objectif ambitieux: fournir des ARV à trois
millions de personnes dans les pays en développement d'ici fin 2005.
A fin juin 2005, le chiffre total s'élevait à environ un million de
personnes, loin de l'objectif initial.
Pour l'Afrique, qui regroupe deux tiers des personnes vivant avec le
VIH/sida, le retard est flagrant. Et le constat de l'Onusida est sans appel:
sur le continent le plus pauvre de la planète, "au mieux, une personne sur
dix" en attente de traitement antirétroviral en bénéficiait mi-2005.
"Cela fait longtemps que nous disons que nous n'atteindrons pas les
objectifs du 3 par 5. Mais dans le même temps, nous sommes très heureux de
ce qui s'est passé avec cette initiative", explique à l'AFP Jim Kim,
responsable du sida au sein de l'OMS, en marge de la Conférence sur le
VIH-sida en Afrique (CISMA).
"Grâce au 3 par 5, nous avons appris un élément essentiel que le monde des
affaires connaît depuis longtemps; l'importance de fixer des objectifs
concrets et un calendrier", ajoute-t-il.
Même si l'urgence sur le terrain les place dans une perspective différente,
les organisations non-gouvernementales jugent également que l'initiative a
ses mérites.
"Je pense que cela a donné une impulsion, nous avions besoin d'un objectif
quantitatif", souligne Eric Goemaere, responsable de Médecins sans
Frontières en Afrique du Sud, tout en soulignant que le faible nombre de
personnes bénéficiant d'un traitement en Afrique, "reste, d'un point de vue
moral, un scandale".
"Je n'ai jamais vu un programme médical aussi sophistiqué que celui des ARV
démarrer aussi rapidement. Je crois qu'il n'existe aucun précédent dans
l'histoire", ajoute-t-il.
Nombre d'experts soulignent en outre que la relative lenteur au démarrage
des programmes de distribution dans de nombreux pays africains, liée en
particulier aux besoins de formation du personnel médical, était
inéluctable. Mais assurent que le mouvement devrait désormais s'accélérer de
manière significative.
"C'est normal que cela démarre lentement, il y a beaucoup de barrières à
surmonter. On voit le même phénomène partout dans tous les pays: la
distribution d'ARV suit une courbe exponentielle", explique Donald de Korte,
responsable des programmes d'accès aux ARV pour l'Afrique du groupe
pharmaceutique américain Merck.
"Il me paraît raisonnable de penser que les prochains 500.000 seront
atteints d'ici fin 2006", ajoute-t-il.
M. Goemaere, qui a mené plusieurs projets dans des townships sud-africains,
évoque de son côté un effet "boule de neige", lorsque le personnel médical
d'une part et les patients d'autre part gagnent en connaissance et en
confiance vis-à-vis du traitement.
Pour l'OMS, l'initiative "3 par 5" a surtout permis de tordre le cou à des
idées préconçues sur l'accès au traitement, particulièrement en Afrique.
"Les experts disaient +Si vous n'avez pas d'eau potable, comment pouvez-vous
distribuer des ARV ? Nous avons brisé ce paradigme. Les gens ne peuvent plus
dire désormais + Attendons que les systèmes de santé soit parfaits pour
traiter les gens", explique M. Kim.
En 2005, 3,2 millions d'Africains ont contracté le VIH-sida et 2,4 millions
sont morts de la pandémie.