La finance au secours de la vaccination
[ 12/03/08 ]
Gavi Alliance a pour objectif principal de sauver les enfants des pays
pauvres de la mort prématurée. Une réussite due à une mobilisation
internationale.
http://www.lesechos.fr/info/metiers/4699085.htm
L'argent, c'est le nerf de la guerre. » L'axiome attribué à l'historien
romain Quinte Curce se vérifie une fois de plus. La jeune histoire de Gavi
Alliance en témoigne. Créé en 2000 lors du Forum économique mondial de
Davos, ce partenariat public-privé n'a qu'une obsession : éviter la mort
prématurée de millions d'enfants dans les pays pauvres, faute de
vaccination. En un peu plus de sept ans d'activité, les résultats sont
patents. Grâce aux capitaux collectés, Gavi Alliance a évité le décès de 2,9
millions d'enfants dans les quelque 70 pays où elle intervient. Près de 37
millions d'entre eux ont été inoculés contre la diphtérie, le tétanos et la
coqueluche (DTC). Et plus de 175 millions ont été vaccinés contre l'hépatite
B, la méningite, la pneumonie, ou la fièvre jaune. Aujourd'hui, la mortalité
infantile est inférieure à 10 millions de décès annuels. « Lorsque nous
avons démarré notre activité, la couverture vaccinale de base (DTC) en
Afrique sub-saharienne se situait aux environs de 40 %. Ce chiffre atteint
aujourd'hui plus de 70 %, voire plus de 80 % dans certains pays », confirme
Julian Lob-Levyt, secrétaire exécutif de Gavi Alliance. Si les statistiques
sont élogieuses, elles le doivent d'abord à la formidable mobilisation
internationale.
De généreux donateurs
Dès la création de Gavi Alliance, la fondation de Bill et Mélinda Gates a
initié le mouvement par une donation de 750 millions de dollars. Les
gouvernements des pays développés n'ont pas tardé à suivre. Tant et si bien
qu'aujourd'hui 12 pays, auxquels se rajoutent la Commission européenne, la
Banque mondiale et des institutions privées ont permis de collecter, fin
2007, un peu plus de 1,2 milliard de dollars.
L'activité de Gavi Alliance n'aurait pas connu une telle envolée sans un
nouvel effort international initié à Gleneagles (Ecosse) en juillet 2005,
lors du sommet des chefs d'Etat et de gouvernement du G8. Sous l'impulsion
de la Grande-Bretagne, hôte de cette réunion, un nouvel outil de financement
pour l'aide au développement a été créé. Dénommée « facilité internationale
de financement pour la vaccination » ou IFFIm, elle a accéléré la
disponibilité des capitaux destinés aux programmes de santé et de
vaccination. La mécanique est simple. L'IFFIm émet un emprunt obligataire
sur le marché des capitaux internationaux, dont le remboursement est assuré
par les Etats participant à l'opération. Avantage de la formule :
l'obtention immédiate de nouveaux fonds pour Gavi Alliance. La première
émission à laquelle ont participé sept Etats, en novembre 2006, a ainsi
permis de récolter 1 milliard de dollars. Un an après, environ 900 millions
de dollars avaient déjà été dépensés. Début mars, un nouvel emprunt de 1,3
milliard de rands sud-africains (223 millions de dollars) a été lancé sur le
marché japonais. Avec succès. « L'IFFIm nous a permis de doubler les
ressources financières que GAVI Alliance consacre à ses programmes de
vaccination et de renforcement des services de santé », confirme Julian
Lobt-Levyt. Avec cette facilité, le montant des capitaux engagés
annuellement a plus que doublé pour passer de 200 millions de dollars en
2005, à 450 millions prévus cette année. Grâce à l'IFFIm, 4 milliards de
dollars devraient être collectés au cours des dix prochaines années. Ce qui
devrait prévenir le décès de 5 millions d'enfants entre 2006 et 2015.
Autre innovation : la garantie de marché ou l'AMC pour Advanced Market
Committment. Via ce mécanisme, l'industrie pharmaceutique obtient la
garantie d'achat d'un nombre déterminé de vaccins à un prix fixé à l'avance
par Gavi Alliance. Ce système est avant tout destiné aux nouveaux produits.
« Le développement de nouveaux vaccins peut prendre une vingtaine d'années
et requiert de l'industrie pharmaceutique d'importants investissements de
recherche et développement. Avec l'AMC, les industriels sont assurés de leur
futur marché. Ils peuvent donc investir sans craintes du lendemain. Nous
gagnons ainsi du temps et les pays pauvres ont un accès plus rapide à ces
nouveaux produits », explique Julian Lobt-Levyt. Un projet pilote a ainsi
été lancé l'an dernier avec la Russie, le Royaume-Uni, l'Italie, le Canada,
la Norvège et la Fondation Gates pour un total de 1,5 milliard de dollars
pour développer un vaccin contre les infections à pneumocoques très
répandues dans les pays pauvres.
Une vraie révolution
L'afflux de ces capitaux, via divers canaux, a provoqué un renouveau certain
des campagnes de vaccination. En quelque sorte, Gavi Alliance a révolutionné
le domaine. Par le passé, ces campagnes souffraient de handicaps malgré les
réels succès de l'Unicef dans les années 1990. Elles dépendaient d'experts
internationaux, lesquels indiquaient aux pays ciblés comment procéder. En
outre, le financement des campagnes ne pouvaient s'effectuer que sur le
court terme. Aujourd'hui, ce sont les pays demandeurs eux-mêmes qui
détermine leurs besoins. Si le revenu par habitant y est inférieur à 1.000
dollars, leur gouvernement peut solliciter Gavi Alliance pour des projets
spécifiques de vaccination ou de renforcement de leur système de santé. Mais
le facteur primordial du succès actuel est l'assurance de financements sur
le long terme. Elle a permis de créer un véritable marché du vaccin dans les
pays pauvres. Les laboratoires pharmaceutiques qui limitaient, auparavant,
leurs champs d'intervention aux pays développés, n'ont pas tardé à
s'intéresser à ce nouveau segment de marché. De 2001 à 2005, un seul
fabricant de vaccins était actif. Gavi Alliance en escompte sept d'ici à
2009. Outre les industriels des pays riches comme Merck ou Glaxo SmithKline,
des industriels des pays en développement s'intéressent au marché. Comme le
Serum Institute of India, Bio Manguinhos (Brésil) ou Bio Pharma (Indonésie).
« Aujourd'hui, 30 % de nos vaccins sont fabriqués dans les pays en
développement », révèle Julian Lobt-Levyt. Autre bénéfice, pour le client
cette fois-ci, le prix unitaire des vaccins a baissé sensiblement. De 1,1
dollar l'unité en 2001, il est inférieur à 80 cents aujourd'hui.
La partie n'est pas gagnée pour autant. Le développement est un domaine de
longue haleine. L'un des objectifs du Millénaire qui est de réduire de 2/3
le taux de mortalité infantile dans le monde d'ici à 2015 reste à atteindre.
D'autres capitaux seront nécessaires. La visite, fin février, de Julian
Lobt-Levyt à Paris visait à prendre contact avec le nouveau gouvernement et
étudier la participation de la France à l'effort global. Gavi Alliance
espère même au niveau européen pouvoir bénéficier du lancement d'un autre
emprunt de l'IFFIm sur le marché de l'euro. Une opération serait en
préparation pour 2009.
RICHARD HIAULT
Un vaste partenariat
Gavi Alliance est un partenariat mondial de santé du secteur public et
privé. Il rassemble des gouvernements de pays industrialisés (Allemagne,
Australie, Canada, Danemark, Etats-Unis, France, Irlande, Luxembourg,
Norvège, Pays-Bas, Royaume Uni et Suède), l'Unicef, l'Organisation mondiale
de la santé, la Banque mondiale, la Fondation Gates, des ONG, des fabricants
de vaccins et des institutions de santé publique et de recherche.