Deux ONG dénoncent un conflit dintérêts chez lalliance de vaccination Gavi
Organisme privé-public, Gavi finance la vaccination de millions denfants du
tiers-monde.
Les laboratoires pharmaceutiques sont membres du conseil dadministration de
linstitution, ce que contestent Médecins sans frontières et Oxfam.
http://www.la-croix.com/Actualite/S-informer/Monde/Deux-ONG-denoncent-un-con
flit-d-interets-chez-l-alliance-de-vaccination-Gavi-_NP_-2011-06-27-677607
27/6/11 - 18 H 52 mis à jour le 27/6/11 - 18 H 52
Cétait le 13 avril dernier. Gavi, une coalition de partenaires privées et
publics lancée en 2000 pour vacciner les enfants du tiers-monde, avait réuni
ses donateurs. Il y avait là Bill et Melinda Gates, les représentants des
pays les plus généreux, les Britanniques en tête.
Une fois nest pas coutume, les promesses de dons dépassaient les attentes.
Lorganisme récoltait ce jour-là 3 milliards deuros. Au milieu des sourires
de circonstance, deux importantes ONG faisaient entendre leurs voix
discordantes.
Oxfam et Médecins sans frontières ont rappelé après la conférence
lexistence dun conflit dintérêts au sein de Gavi. Ils dénoncent la
présence, au conseil dadministration de lorganisme qui vaccine chaque
année des millions de personnes dans le monde, de deux représentants de
lindustrie.
Lun est issu de la Fédération internationale des entreprises
pharmaceutiques et associées (Ifpam), qui regroupe les labos des pays riches
(la société américaine Johnson & Johnson occupe actuellement ce siège) ;
lautre vient de la DCVMN, le regroupement des entreprises de vaccination
des pays émergents (cest lentreprise indienne Serum Institute of India qui
siège aujourdhui).
Pas de dérive pour Gavi
« Par leur présence au sein du conseil dadministration, les laboratoires
pharmaceutiques vont disposer par exemple dinformations essentielles sur
les stratégies vaccinales, observe Laurent Gadot, économiste de la santé
chez MSF. Ce sont des sujets qui les concernent et qui représentent beaucoup
dargent. Il est difficile de penser quils ne cherchent pas à peser dans
les orientations de Gavi. À nos yeux, cette situation génère un conflit
dintérêts au sein de linstitution. »
Une critique infondée, aux dires des intéressés. Porte-parole de Gavi,
Ariane Leroy estime que les règles de fonctionnement de la structure
internationale préviennent ce genre de dérives.
« Si lon veut développer de nouveaux produits et faire baisser les prix,
on a besoin de tous les acteurs de la santé, précise-t-elle. Par ailleurs,
il existe des directives très strictes qui obligent les laboratoires à
sortir du conseil dadministration lorsquils sont concernés par les
débats. »
Coût des vaccins trop élevé
Il nempêche. Daniel Berman, directeur adjoint de la campagne daccès aux
médicaments de MSF, a assisté aux deux dernières réunions de Gavi. Daprès
son témoignage, jamais les sociétés pharmaceutiques nont quitté leur
siège.
« Une partie des discussions portait sur le prix des vaccins, se
souvient-il. Quand on observe lordre du jour de Gavi, tous les sujets
relèvent du conflit dintérêts. » MSF et Oxfam dénoncent aussi le coût trop
élevé de certains vaccins vendus par des labos qui siègent ou qui ont siégé
au conseil dadministration.
Par exemple, Johnson & Johnson vend son vaccin pentavalent contre cinq
maladies, dont la polio et le tétanos, au tarif de 3,2 dollars la dose. « Ce
médicament peut être fabriqué par un laboratoire indien à 1,75 dollar la
dose, fait remarquer Daniel Berman. Gavi ne semble pas vouloir mettre en
concurrence les entreprises, alors que lorganisme est devenu un client
majeur sur le marché des vaccins. »
La transparence devrait cependant progresser à lavenir. Après dix ans de
secret, les chiffres des vaccins payés par lUnicef, lun des partenaires
majeurs de Gavi, seront désormais rendus publics. Fort de son poids
financier, lobjectif déclaré de Gavi est de mieux organiser les marchés.
« Pendant longtemps, Gavi a cru quen rassemblant des pays et en finançant
leurs vaccins, les prix baisseraient en conséquence, analyse Laurent Gadot.
Ce calcul sest révélé faux. »
OLIVIER TALLÈS