[e-med] Union contre les maladies négligées : point de vue de MSF et DNDi

[Communiqué de l'OMPI en français disponible à cette adresse
http://www.wipo.int/pressroom/fr/articles/2011/article_0026.html
CB]

Union sacrée contre les maladies négligées
Par Ram Etwareea
La pharma met ses brevets à disposition dans le cadre de l’initiative WIPO
ReSearch. L’OMS recense 14 maladies tropicales qui n’attirent pas les
investissements, mais qui frappent un milliard de personnes dans les pays
pauvres
http://emploi.letemps.ch/Facet/print/Uuid/0d422498-0007-11e1-b361-c99a8f7636
44/La_guerre_aux_maladies_oubli%C3%A9es_est_d%C3%A9clar%C3%A9e
jeudi27 octobre 2011

Les maladies tropicales négligées (MTN) provoquent la cécité et la
malformation. Elles peuvent défigurer, affaiblir et tuer. Selon
l’Organisation mondiale de la santé (OMS), elles sont endémiques dans une
centaine de pays, frappent plus d’un milliard de personnes et se propagent
plus particulièrement chez les plus démunis. Parce qu’elles concernent des
populations à faible pouvoir d’achat, elles n’incitent pas l’industrie
pharmaceutique à investir massivement dans la recherche de nouveaux
produits. Entre 1975 et 2004, seuls dix traitements sont sortis des
laboratoires. Quant aux Etats touchés et aux organisations de santé
publique, ils ne disposent pas des moyens suffisants pour engager un combat
de grande envergure.

L’OMS a recensé 14 MTN, dont les plus meurtrières sont le Ver de Guinée, la
maladie du sommeil, la lèpre, mais aussi le paludisme et la tuberculose. Les
Nations unies ont défini en 2010 une stratégie en vue d’éradiquer plusieurs
de ces pathologies d’ici à 2020. Mais l’objectif ne sera pas atteint.
C’est face à ce drame qu’un consortium de huit multinationales de la pharma
s’est engagé à mettre à disposition les résultats de ses propres recherches
afin de favoriser d’autres travaux. «Cet engagement devrait permettre
d’accélérer la mise au point de médicaments, de vaccins et de diagnostics
pour ces maladies», a déclaré mercredi David Brennan, directeur
d’AstraZeneca et président de la Fédération internationale de l’industrie du
médicament.

L’initiative baptisée WIPO ReSearch a été officiellement lancée ce mercredi
à Genève. Elle est chapeautée par l’Organisation mondiale de la propriété
intellectuelle (OMPI) qui, dans la pratique, devient l’animateur de la
plate-forme réunissant l’industrie pharmaceutique et les utilisateurs
potentiels, c’est-à-dire des universités et d’autres centres de recherche de
tous les pays. Côté suisse, les fournisseurs sont Novartis ainsi que
l’Institut tropical et de santé publique suisse de l’Université de Bâle.

L’industrie s’engage non seulement à céder ses brevets, mais également
l’ensemble des connaissances et des technologies disponibles à ce stade.
«Nous sommes aussi prêts à accueillir des chercheurs dans nos laboratoires
et à faciliter le transfert d’expertise et de technologies vers les pays en
besoin», a poursuivi David Brennan. AstraZeneca met à disposition une
famille de 1400 brevets se trouvant à tous les stades de leur durée de
protection légale, qui est de 20 ans.

Si l’initiative est simple en théorie, elle est compliquée dans les faits.
Que se passe-t-il lorsque la collaboration entre l’industrie et un centre de
recherche met effectivement au point un traitement qui est ensuite introduit
sur le marché? A qui appartient alors la propriété intellectuelle? «Une
telle situation prendra du temps à se matérialiser, mais chaque cas sera
négocié entre toutes les parties concernées, assure Francis Gurria,
directeur de l’OMPI. Le fonctionnement de WIPO ReSearch est régi par des
principes directeurs applicables au cas par cas.»

L’industrie pharmaceutique entend mettre à disposition ses brevets et autres
connaissances et technologies. Mais elle ne renonce pas aux bénéfices en cas
de commercialisation de nouveaux produits. La gratuité est prévue pour les
Pays les moins avancés (PMA), mais les pays en développement devront payer
des droits.

La situation se complique dans le cas où un traitement développé par un
centre de recherche, par exemple aux Etats-Unis, est distribué gratuitement
dans un pays pauvre… mais doit être vendu dans un pays moins pauvre.
A Genève, l’association Médecins sans frontières (MSF) soulève précisément
ce point et fait remarquer que certaines MTN frappent aussi les populations
pauvres dans des pays en développement. Elle relève les exemples de la
maladie de leishmaniose (kala-azar) en Inde ou encore celle de Chagas en
Bolivie et au Paraguay. Ces pays n’appartiennent pas officiellement au
groupe des PMA. «Nous saluons l’initiative WIPO ReSearch, mais refusons la
discrimination géographique, ce qui constitue un mauvais précédent»,
explique Tido von Schoen-Angerer, directeur de la campagne «Accès aux
médicaments» de MSF.

Pour sa part, l’Initiative pour des médicaments contre les MTN, plus connue
sous son acronyme anglophone DNDi, a annoncé son adhésion hier à WIPO
ReSearch et a affirmé que toute initiative qui donne accès aux brevets est à
saluer. Cette organisation rejoint la plate-forme en tant que fournisseur –
elle travaille sur le développement de plusieurs maladies répandues en
Afrique et se dit prête à partager ses informations – mais aussi en tant
qu’utilisateur pour faire de nouvelles recherches.
En revanche, la DNDi rejette, comme MSF, la discrimination géographique et
appelle l’initiative WIPO ReSearch à couvrir l’ensemble des pays qui
souffrent des MTN. Elle demande également un maximum de transparence dans la
gestion des brevets.