Nouveaux médicaments : mieux informer sur les incertitudes
Les nouveaux médicaments sont mis sur le marché avec plus ou moins
d’incertitudes quant à leur efficacité et à leurs effets indésirables
(1). Quelles incertitudes ? Le savoir est utile pour partager au mieux
les décisions de traitement.
Revue Prescrire
Mai 2025
Beaucoup d’incertitudes au moment de l’AMM
Aux Pays-Bas, des auteurs universitaires ou rattachés aux agences
néerlandaise ou européenne du médicament (EMA) ont étudié les
incertitudes mentionnées dans les rapports publics d’évaluation
européens des 121 médicaments autorisés pour la première fois dans une
indication en cancérologie dans l’Union européenne entre 2011 et 2022.
Ils ont recensé 800 incertitudes concernant principalement les effets
indésirables (51 %) et l’efficacité (40 %). Entre 2011-2014 et
2019-2022, le nombre médian d’incertitudes par médicament est passé de
4 à 7. Concernant l’efficacité, il est passé de 1 à 3. Les
incertitudes étaient significativement plus nombreuses en cas
d’autorisation de mise sur le marché (AMM) conditionnelle, d’AMM
exceptionnelle, et pour les thérapies géniques (2).
La situation est proche aux États-Unis d’Amérique, où depuis 1992 plus
de 200 médicaments ont fait l’objet d’une AMM accélérée, et sont
restés sans preuve d’efficacité apportée à long terme dans la moitié
des cas (3).
Une mauvaise compréhension des attentes des patients ?
Ces incertitudes croissantes sont-elles un prix acceptable à payer
pour accéder plus vite à des “innovations” ? C’est ce qu’avance, entre
autres, l’Agence étatsunienne du médicament (FDA). Mais peut-on parler
d’innovation sans preuve de progrès ? Ne vaut-il pas mieux attendre
davantage pour avoir des preuves solides ? Des auteurs britanniques
ont posé ces questions à 870 personnes concernées par un cancer, pour
elles-mêmes (21 %), un parent (81 %) ou un ami (36 %) (3).
Par rapport à une situation d’absence de preuve d’efficacité d’un
nouveau médicament sur la survie, les personnes interrogées
préféraient attendre en moyenne 8 mois pour disposer de données de
faible niveau de preuves, 16 mois pour des preuves plus solides, et 22
mois pour des données de fort niveau de preuves (3).
En somme, la course à un accès de plus en plus précoce en Europe et
aux États-Unis d’Amérique pourrait être basée sur une incompréhension
des attentes réelles des patients par les agences.
Le droit de savoir
De quelles informations disposent les patients concernant les
incertitudes entourant l’évaluation des nouveaux médicaments ?
D’aucune, s’ils lisent seulement la notice des médicaments, les
incertitudes mentionnées par exemple dans les rapports d’évaluation
des agences n’y figurant pas. Cette absence d’information entrave une
décision de traitement éclairée (1).
Lors d’une consultation publique de l’EMA sur l’amélioration de la
notice, Prescrire a demandé notamment qu’y figurent « les incertitudes
notamment quand les données sont manquantes ou de trop faible niveau
de preuves (par exemple concernant un bénéfice ou un effet
indésirable) » (4).
Car comme l’avait reconnu le responsable de la recherche et de
l’innovation à l’EMA intervenant à des rencontres organisées par
Prescrire en 2021, « parfois ce qui est inconnu est encore plus
important que ce qui est connu parce que vous ne savez même pas si
cela a été étudié » (5).
©Prescrire
Extraits de la veille documentaire Prescrire
1- Davis C et coll. “Patients deserve better information on new drugs”
BMJ 2024 ; 387 ; e08172010, 7 pages.
2- Taams AC et coll. “Uncertainties about the benefit-risk balance of
oncology medicines assessed by the European Medicines Agency” Esmo
Open 2024 ; 9 (12) : 103991, 13 pages.
3- Forrest R et coll. “Preferences for speed of access versus
certainty of the survival benefit of new cancer drugs : a discrete
choice experiment” Lancet Oncol 2024 ; 25 (12) : 1635-1643.
4- Prescrire Rédaction “EMA : enquête sur l’amélioration du contenu de
la notice patients” Rev Prescrire 2024 ; 44 (492) : 790.
5- Prescrire Rédaction “Jordi Llinares : parfois ce qui est inconnu
est encore plus important que ce qui est connu” Rev Prescrire 2021 ;
41 (450) : 313.