Vers une fusion de plusieurs agences de l’ONU pour améliorer l’efficacité de l’action humanitaire et sanitaire

Vers une fusion de plusieurs agences de l’ONU pour améliorer l’efficacité de l’action humanitaire et sanitaire

Face à la baisse généralisée de l’aide au développement, l’année 2025 pourrait être celle de la fusion de plusieurs grandes agences de santé en une « entité humanitaire unique ». Le rapprochement du Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme avec l’Alliance mondiale des vaccins est lui aussi envisagé.

Par Delphine Roucaute
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Hier à 17h30, modifié à 10h08
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Des infirmières de la HOPE Clinic Lukuli circulent pour administrer les vaccins dans la région de Makindye, à Kampala, en Ouganda, le 1 mars 20224. JJUMBA MARTIN/GAVI
L’année 2025 est un moment charnière pour la santé mondiale et son réseau complexe d’organisations publiques, privées, multilatérales, non gouvernementales et philanthropiques. Nombre de leurs représentants sont basés à Genève, en Suisse, autour du Palais des nations. Confrontées aux coupes budgétaires annoncées par les principaux bailleurs historiques, les organisations multilatérales n’ont d’autre choix que de se restructurer et de réfléchir à la meilleure manière de rationaliser une expertise qui s’est beaucoup fragmentée ces dernières années.

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« La santé mondiale est en crise budgétaire », souligne Antoine Flahault, directeur de l’Institut de santé globale, à Genève. La baisse généralisée de l’aide au développement était engagée dans plusieurs pays quand les Etats-Unis ont annoncé en janvier, à peine l’administration Trump installée, un coup de rabot généralisé. L’Allemagne, le Royaume-Uni, mais aussi la France, ont mis en place, dès 2024, des baisses de leur aide au développement de l’ordre de 30 % à 40 %. Le coup de tonnerre américain précipite ainsi une crise déjà bien installée depuis la pandémie de Covid-19.

Si le Congrès des Etats-Unis venait à confirmer les annonces de la nouvelle administration, la quasi-totalité de l’aide au développement américaine serait coupée. Ces menaces se sont déjà matérialisées avec la suppression brutale, en mars, de plus de 80 % des programmes de l’Agence des Etats-Unis pour le développement international (Usaid), principal bailleur de la solidarité internationale, dont le budget annuel s’élevait à 42,8 milliards de dollars (38,3 milliards d’euros). « Sans l’arrêt du financement de l’Usaid, peut-être aurait-on continué à ne pas voir que 40 % que l’aide internationale vient des Américains », ironise Antoine Flahault.

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En mars, le secrétaire général de l’organisation des Nations unies (ONU), Antonio Guterres, a lancé une initiative, baptisée « ONU80 », destinée à améliorer l’efficacité de l’organisation, qui célébrera son quatre-vingtième anniversaire cet été. Un mémo interne, qui a fuité début mai, n’hésite pas à décrire la « prolifération des agences, fonds et programmes, qui a conduit à un système de développement fragmenté, avec des mandats qui se chevauchent, une utilisation inefficace des ressources et des prestations de services pas cohérentes ».

Créer une « entité humanitaire unique »

Une des principales propositions sur la table consiste à fusionner plusieurs agences de santé pour créer une « entité humanitaire unique », en regroupant par exemple les capacités opérationnelles de la Coordination des affaires humanitaires des Nations unies (OCHA, selon l’acronyme anglais), du Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR), du Fonds des Nations unies pour l’enfance (Unicef) et du département opérations humanitaires de l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Cette dernière était notamment critiquée pour la trop grande importance prise par ce département, considéré par de nombreux observateurs comme hors de son mandat.

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Le mémo suggère également d’intégrer l’Onusida, un programme créé en 1995 pour coordonner l’action contre le sida, à l’OMS, afin de créer une « autorité sanitaire mondiale plus unifiée et plus efficace ». « La restructuration de l’ONU ne se fait pas dans la panique, analyse de son côté Antoine Flahault. C’est plutôt sain, un monde qui décide lui-même de se réformer, y compris de façon douloureuse. »

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Hasard des calendriers, 2025 est également une année-clé pour deux acteurs importants. Le Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme – plus couramment appelé le Fonds mondial – et l’Alliance mondiale pour les vaccins et la vaccination (GAVI) – qui aide à vacciner plus de la moitié des enfants dans le monde – sont en phase de reconstitution de leurs fonds. Ils doivent clore leurs campagnes d’appel aux dons pour les trois prochaines années, pour le Fonds mondial, ou les cinq prochaines, pour GAVI.

Lors de sa dernière reconstitution, GAVI avait réussi à récolter 10 milliards de dollars (8,9 milliards d’euros). « D’après les déclarations des gouvernements sur ce qu’ils seraient prêts à donner, à moins d’avoir une excellente nouvelle d’ici au 25 juin, on n’arrivera pas au niveau d’il y a cinq ans, alors que les besoins sont plus importants », avertit Béatrice Néré, directrice de la Fondation Gates pour l’Europe du Sud.

Fusionner GAVI et le Fonds mondial

De son côté, le Fonds mondial avait achevé la plus grosse reconstitution de son histoire à l’automne 2022, réunissant 15,6 milliards de dollars (13,9 milliards d’euros) de promesses de dons. « Mais dans le contexte actuel, il y a un sujet sur la conversion des promesses faites il y a deux ans et demi. Il existe notamment un risque concernant la matérialisation de la promesse française », constate Hélène Berger, directrice exécutive des Amis du Fonds mondial Europe, selon lesquels « cette question de la promesse à trois ans est importante, car la lutte contre les épidémies suppose des engagements à long terme pour s’inscrire dans des trajectoires ».

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La possibilité de fusionner ces deux entités, plateformes d’achat et de partenariat avec des pays, fait actuellement débat, notamment sur des programmes qui pourraient être mis en commun, comme les besoins partagés d’acheminement des produits ou de chaînes du froid.

Dans ce contexte, la Fondation Gates a annoncé, jeudi 8 mai, mobiliser l’ensemble de ses ressources – soit environ 200 milliards de dollars (178,9 milliards d’euros) – pour intensifier son action au cours des vingt prochaines années. Avec un nouvel horizon : la cessation de ses activités à la fin de l’année 2045. Une somme vertigineuse, mais qui ne permettra pas de compenser les coupes gouvernementales.

« Des années difficiles se profilent, il faut essayer de limiter au maximum les dégâts que ça pourrait causer en faisant les choix les plus rationnels possibles par rapport aux données scientifiques dont on dispose », avance Béatrice Néré. Elle reste malgré tout optimiste : « Au cours des prochaines années, si nous parvenons à nous concentrer sur les meilleurs outils, il pourrait y avoir encore plus de progrès que lors des vingt-cinq dernières années. » La recherche sur le VIH, notamment, fait espérer à court terme de nouveaux traitements guérissant véritablement le sida.

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Delphine Roucaute

Carinne Bruneton