Bonjour,
Je suis d’avis avec Vincent Hamel. Depuis hier, je fouille le site de la
fondation Chirac pour comprendre ce qui se prépare à Cotonou. J’ai même jeté
un coup d’œil sur les partenaires de l’évènement de Cotonou.
Je me suis posé la question de savoir ce que recouvre la notion de faux
médicament. Il semble que dans le dossier de presse réalisé par la Fondation
Chirac, “un faux médicament est un produit qui a été délibérément ou
frauduleusement mal étiqueté. Cela peut s’appliquer aussi bien aux produits
de marque qu’aux produits génériques. Les faux médicaments incluent ceux ne
contenant pas de principe actif, des principes actifs corrects mais avec un
mauvais dosage et ceux ayant un faux conditionnement. Les produits médicaux
falsifiés concernent les faux médicaments, les faux vaccins (contenant
uniquement de l’eau) et les faux dispositifs médicaux”.
Curieusement, cela ressemble à un plagiat de la contrefaçon de médicament
telle que définie par l’OMS en 1992 «un médicament qui est délibérément et
frauduleusement muni d´une étiquette n´indiquant pas son identité et/ou sa
source véritable», et précisant que : «Il peut s’agir d’une spécialité ou
d’un produit générique, et parmi les produits contrefaits, il en est qui
contiennent les bons ingrédients, de mauvais ingrédients, ou bien encore pas
de principe actif et il en est d’autres où le principe actif est en quantité
insuffisante ou dont le conditionnement a été falsifié ».
Il y a une grosse confusion parfois entretenue à bon escient entre
médicaments contrefaits et médicaments présentant des défauts de qualité
(malfaçons). Elle est entretenue aussi avec les copies légales de
médicaments (dont les génériques), et les médicaments issus d’importations
parallèles. Ainsi en décembre 2008, le groupe spécial international
anti-contrefaçon de produits médicaux mis en place par l’OMS a adopté une
nouvelle version de la définition des contrefaçons qui renforce et clarifie
la précédente, en précisant notamment : « Il ne faut pas assimiler les
violations de brevets ou les litiges concernant des brevets à la contrefaçon
de produits pharmaceutiques. Les produits médicaux (génériques ou
spécialités) dont la commercialisation n’est pas autorisée dans un pays
donné mais l’est ailleurs ne sont pas considérés comme produits contrefaits.
Il ne faut pas assimiler les lots ne répondant pas aux normes, les défauts
de qualité ou le non-respect des bonnes pratiques de fabrication ou de
distribution des produits médicaux à des cas de contrefaçons ». Cette
nouvelle définition exclut ainsi clairement de la définition de la
contrefaçon : les copies de médicaments qui ne sont plus protégés par un
brevet (génériques) ; les copies de médicaments encore sous brevet,
produites dans les pays qui ne reconnaissaient pas les brevets au moment de
leur dépôt, ou qui utilisent les flexibilités des accords sur les brevets
(“licences obligatoires”) ; les médicaments obtenus via les importations
parallèles ; et les médicaments qui présentent des défauts de qualité
pharmaceutique qui ne sont pas intentionnels, bien souvent par non-respect
des bonnes pratiques de fabrication (malfaçons).
La contrefaçon des médicaments a certes des conséquences sanitaires graves,
surtout lorsque les médicaments contrefaits sont des anti-infectieux. Elle a
aussi pour conséquence principale, un manque à gagner pour les firmes
pharmaceutiques dont les produits sont contrefaits. Des chiffres circulent,
mais on manque suffisamment de données fiables sur l’ampleur de la
contrefaçon. On constate surtout une médiatisation croissante et alarmiste
de la question des contrefaçons de médicaments. L’Appel de Cotonou sonne
comme un levier à une rigidification du protectionnisme industriel des
firmes pharmaceutiques occidentales, surtout qu’il est dit que “cet acte
fondateur de la mobilisation est la première étape du processus de demande
d’un vote d’une Convention d’interdiction de la production et du commerce de
faux médicaments devant les Nations Unies”, c'est-à-dire qu’il s’agit à
terme d’élaborer un instrument répressif afin de réglementer la distribution
de médicaments.
En Afrique, nous souffrons de médicaments de mauvaise qualité qui ne sont
pas pour autant des médicaments contrefaits. Nous souffrons aussi de
médicaments qui ne suivent pas le circuit officiel de distribution (souvent
ceux qui se retrouvent dans la rue. Ce ne sont pas forcément des médicaments
contrefaits, ni des malfaçons de médicaments), mais la bataille de firmes en
vu de protéger leurs produits ne doit pas être dissimulée et présentée aux
africains comme la solution à l’accès aux médicaments de qualité. Cela
intéresse plutôt les puissantes firmes occidentales.
Pour améliorer l’accès aux médicaments de qualité en Afrique, il faut
trouver les moyens de baisser les prix des médicaments : les princeps des
firmes occidentales coûtent encore trop cher. Il faut aussi aider les
africains à assainir les circuits officiels de distribution. Cela passe par
des décisions politiques courageuses. Bien d’autres mesures sont utiles.
Dr Clotaire NANGA
Pharmacien
CEDIM, Burkina Faso.