Médicaments en France : "une espèce de n'importe quoi"
Publié le 10/10/2013
à 07h00 | Mise à jour : 10/10/2013
Par Alexandra Tauziac
http://www.sudouest.fr/2013/10/09/la-surveillance-des-medicaments-un-reel-probleme-en-france-1194021-4696.php
"On ne sait tout simplement pas ce qui se passe"... Mediator, pilule 3e
génération, prothèses PIP et maintenant Pradaxa. Les scandales senchaînent
car la surveillance pose problème en France
En matière de médicaments, "la France est l'un des pays dans lequel les
prescriptions et l'usage irrationnels sont les plus prévalents", écrivent
les professeurs Bernard Bégaud (université Bordeaux Segalen) et Dominique
Costagliola (université Pierre et Marie Curie, à Paris) dans un rapport
remis en septembre 2013 au ministère de la Santé. Constat encore plus
flagrant chez les personnes âgées et les nourrissons. Selon ce rapport le
manque d'interactivité entre les trop nombreuses structures de santé est en
grande partie responsable. "On ne sait tout simplement pas ce qui se passe",
estime Bernard Bégaud.
Scandales autour la vaste campagne de vaccination contre l'hépatite B de
1994, plus récemment du Mediator, des prothèses PIP, des pilules 3e
génération, et ce mercredi plaintes contre le Pradaxa, un anticoagulant
accusé par des familles d'être à l'origine du décès de personnes âgées.
Autant de crises qui "ont mis en exergue les défaut des systèmes de pharmaco
et matério vigilances", écrit pour sa part le directeur de l'Agence
régionale de santé (ARS) du Nord-Pas-de-Calais, Jean-Yves Grall, dans un
rapport intitulé "Réorganisation des vigilances sanitaires", remis à la
ministre de la Santé Marisol Touraine en septembre également.
La France, un très mauvais élève
Si Bernard Bégaud n'approuve pas la remise en question du système pharmaco,
qui "fonctionne", juge-t-il, les deux rapports se rejoignent sur une chose :
la consommation de médicaments en France pose un réel problème. "Nous sommes
face à une espèce de n'importe quoi", résume Bernard Bégaud.
"Les prescriptions inappropriées et l'usage irrationnel des médicaments ne
sont certes pas l'apanage de notre pays ; la moyenne est de 20%", écrivent
encore Bernard Bégaud et Dominique Costagliola. Mais "toutes les
statistiques et études [...] s'accordent à classer notre pays parmi les plus
forts consommateurs mondiaux, en tout cas européens, de médicaments.
Si certains veulent voir là une preuve d'une meilleure qualité de prise en
charge des soins en France, ce n'est pas l'avis des auteurs de ces deux
rapports qui accablent le système actuel.
Manque de cohérence
Jean-Yves Grall critique ainsi un système de surveillance sanitaire
"essentiellement construit par strates successives parfois en réactions à
des crises, de fait sans cohérence globale". Il dénonce aussi le partage des
compétences en matière de vigilances "éclaté entre plusieurs agences
nationales. Il relève également le fait qu'en région, "les acteurs sont
multiples, de répartition hétérogène. Leurs financements sont épars et,
surtout, les liens avec les ARS sont inconstants et peu organisés". Enfin,
selon lui, l'un des problèmes majeurs vient de la trop faible remontée
d'informations sur les effets indésirables de la part des professionnels, ce
qui est pourtant capital pour analyser les effets réels des médicaments.
Pas de recul sur les données réelles
Bernard Bégaud le rejoint sur ce dernier point. "Combien de personnes
utilisent tel ou tel médicament ? Pourquoi ? Comment ? Quels sont ses effets
réels et sont-ils en adéquations avec les effets constatés lors de
l'expérimentation ?" Autant de données sur la réalité du terrain que nous
n'avons pas en France. "Nous sommes face à une immaturité française qui veut
que l'on se jette sur tout ce qui est nouveau sans avoir de recul",
estime-t-il. "Prenez l'exemple de la pilule 3e génération. Il a fallu des
mois avant de réunir des données sur les femmes qui utilisent une
contraception orale et les porter à la connaissance de la ministre", déplore
Bernard Bégaud.
Des conséquences sanitaires et économiques importantes
De cette désorganisation générale découle un mauvais usage des médicaments.
Conséquences sanitaires : nombre de personnes qui pourraient bénéficier du
traitement ne sont pas correctement prises en charge et celles qui le
reçoivent à tort sont exposées à des conséquences néfastes sur la santé
(iatrogénie), sans bénéfice. Lutter contre cet état de fait permettrait
selon Bernard Bégaud et Dominique Costagliola d'éviter "des centaines de
milliers de maladies et de complications et d'économiser plus de dix
milliards d'euros par an". Sans parler de la perte de confiance.
Faciliter les remontées de données
On retrouve parmi les préconisations faites dans ces deux rapports la
création d'un portail commun ouvert à la population, aux industriels et aux
structures de surveillance sur lequel apparaîtraient tous les signaux
sanitaires relatifs aux médicaments. C'est chose faite depuis le 1er
octobre. Une base de données "mise en oeuvre par l'Agence nationale de
sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM), en liaison avec la
Haute Autorité de santé (HAS) et l'Union des caisses d'assurance maladie,
sous l'égide du ministère chargé de la santé" est disponible sur le site
www.medicaments.gouv.fr. Un premier pas pour Bernard Bégaud, mais loin
d'être suffisant.
Le rapport Bégaud-Costagliola voit plus loin et estime nécessaire "de
refonder la formation sur le médicament au cours des études de santé et de
moderniser et d'adapter la formation des professionnels de santé".
Renforcer la surveillance au plus près sur le terrain
Quant au rapport Grall, il conclut que pour être vraiment efficace, le
dispositif de surveillance sanitaire doit être "optimisé et simplifié". Pour
ce faire, il estime nécessaire de renforcer d'une part le rôle de l'ARS au
niveau régional et de regrouper les multiples entités régionales au sein
d'un seul groupement baptisé Graves (Groupement régional d'appui à la veille
et à l'évaluation sanitaire).
Clarifier les rôles et responsabilités de chacun
D'autre part, au niveau national, il préconise de réorganiser les missions
autour d'une agence pivot," l'Agence nationale de sécurité du médicament
(ANSM) élargie", avec une agence vigie, l'Institut de veille sanitaire
(InVS), et une "Haute Autorité sous contrat avec l'Etat pour des objectifs
de pertinence et d'analyse des prises en charge". Autrement dit, selon
Jean-Yves Grall, il est indispensable de clarifier le rôle et les
responsabilités de chacun afin de passer d'une simple réunion de compétences
à une organisation réellement complémentaire.
Bernard Bégaud cite notamment "Combien de personnes utilisent tel ou tel
médicament ? Pourquoi ? Comment ? Quels sont ses effets réels et sont-ils en
adéquations avec les effets constatés lors de l'expérimentation ?" Autant de
données sur la réalité du terrain que nous n'avons pas en France.
J'ai à de nombreuses reprises interpellé sur le rôle des CRO indépendantes
qui ne sont pas aussi bien contrôlées que les industriels pharmaceutiques et
qui au non d'une sous-traitance des essais thérapeutiques ne donnent pas les
données bruts des essais réalisés et s'arrêtant trop tôt ou incluant des
cohortes trop faibles et dont l'homogénéité n'est des pas forcément
évidentes selon les patients dans le cas des études randomisées. Avons-nous
des réunions de consensus sur la qualité des données et sur le temps d'un
essai qui s'arrête avant que ne soient décelé des effets secondaires
prévisibles que dans le temps ?, or dès lors que l'on suit le parcours
pharmaco-épidémiologiques sur le long court, l'on est déjà en présence
d'effets indésirables conduisant à des suppressions de molécules par les
Agences, alors que l'on a déjà constaté des facteurs de morbidité/mortalité.
Aussi, c'est l'encadrement des études cliniques sous traitées dont il faut
se préoccuper dès le début et que les industriels confient de manière
concomitantes à d'autres CRO le soin de maintenir à "bas bruit" une suite
des essais de phase III plus ciblées et liées aux retours mondiaux des
lanceurs d'alertes du Forum (s) tandis que la spécialité post AMM poursuit
son chemin, une évaluation à mi parcours est dont nécessaire pour anticiper
les effets secondaires, le(s) forum (s) doit(vent) donc intégrer ces
dimensions.
Il faut donc légiférer (et passer des protocoles d'accord sous le
patronage de l'OMS par exemple)en agrégeant les essais des phases III et
phases IV, le retour des patients sur un niveau complémentaire" forum
mondial" et non franco - français ce retour pourrait se réaliser en
coopération avec les INSP du monde entier.