Bonjour Sosthène,
Vous mettez le doigt sur
un point important qui est celui de l'alphabétisation, qui on le
sait a un impact direct et indirect important sur les déterminants
de santé.
De nombreux pays
africains n'investissent pas assez dans l'éducation de masse. Est en
particulier en cause une explosion des inégalités en Afrique et une
sous-fiscalisation des hauts patrimoines qui entraînent de graves
manques à gagner pour les états et pour leur politiques publiques.
J'attends personnellement
qu'il y ait des débats publics en Afrique sur la fiscalité
nationale, qui détermine d'une certaine façon le lien de solidarité
entre les élites et le peuple. Il n'y a quasiment aucun débat en
Afrique sur cette question qui est pourtant fondamentale.
Tant qu'en Afrique vous
aurez des fiscalités injustes qui favorisent le développement de
patrimoines inappropriés dans des contextes de grande pauvreté,
vous aurez un accroissement toujours plus grand des inégalités que
ce soit dans la santé, l'éducation ou autres.
Que ce soit dans le
trafic des faux médicaments, ou aussi dans l'expansion du trafic de
drogue en Afrique qui est un très grave problème croissant, tant
que les inégalités sur le continent ne sont pas comprimées, c'est
un voeux pieux que de vouloir organiser des conférences pour essayer
d'endiguer ces phénomènes.
La volonté politique
commence par exprimer de la solidarité entre tous les individus d'un
même pays au travers de ses politiques publiques. L'Afrique est
aujourd'hui un continent très inégalitaire ou l'enrichissement
individuel des élites passe avant la solidarité.
A ce petit jeu, il ne faudra pas
s'étonner encore des conflits et des régimes renversés en Afrique,
c'est la conséquence logique de sociétés malades des inégalités.
A ce rythme les pays africains ne
seront bientôt plus considérés comme pauvres mais uniquement comme
inégalitaires, la pauvreté devenant ainsi un pur problème interne
de répartition des richesses. L'aide au développement s'orientera
alors vers l'aide au développement du business au détriment de
l'aide dans la santé, etc..
Dans un pays comme l'Angola où la
fille du président est milliardaire, ce pays a t-il besoin d'une
quelconque aide extérieure bien que la mortalité infanto-juvénile
y soit supérieure à 12% ? Ce cas n'est pas isolé, chacun le
sait. Quelle est la position d'Isabel Dos Santos vis à vis des
médicaments contrefaits ?
http://www.iracm.com/2013/07/afrique-les-faux-medicaments-ruinent-des-annee
s-de-lutte-contre-le-paludisme/
Si les dirigeants de
certains pays n'ont pas de volonté politique de comprimer les
inégalités, lutter contre les trafics, la fuite des capitaux,
etc... alors il faut clairement avoir le courage de réorienter l'APD
vers d'autres pays plus distributifs, car par le principe des vases
communicants elle ne sert qu'à enrichir des privilégiés et
maintenir un petit système de rente (y compris dans le domaine
humanitaire). Si les élites d'un pays ne cherchent pas à comprimer
les inégalités, il faut les laisser se justifier devant leurs
populations sans les appuyer financièrement ; et au contraire
aider davantage celles qui souhaitent mettre en ¦uvre des projets
progressistes de juste répartition des richesses.
Donc si on regarde les taux
d'alphabétisation, regardons bien quelle est la fiscalité qui est
en face.
On peut sensibiliser des populations
analphabètes sur les médicaments contrefaits, mais je pense que le
mieux c'est de lutter en amont contre l'analphabétisme d'une manière
très volontariste, et par ailleurs bien entendu d'exiger des pays
producteurs de produits contrefaits des actions fortes.
A lire, bonne étude d'Oxfam sur la
fiscalité :
http://www.oxfam.org/sites/www.oxfam.org/files/rr-owning-development-domest
ic-resources-tax-260911-summ-fr.pdf
Bon journée,
Bertrand