Bonjour,
La polémique est une chose nécessaire dans le débat public, en particulier
lorsque cela touche la santé des populations.
Si vous êtes au Bénin, est ce que c'est le fonds mondial qui a lancé la
polémique sur le fait que les politiques publiques n'appréhendaient pas
correctement les hépatites ? Non, c'est un spécialiste des hépatites
indépendant :
http://www.fraternitebj.info/societe/article/s-o-s-du-prof-nicolas-kodjoh-f
ace
Le fonds mondial participe à la fragmentation des stratégies de santé, en
focalisant l'attention des pays sur trois maladies, au détriment d¹autres
maladies et en ne permettant pas une remise à niveau des soins primaires.
Bien entendu que le fonds mondial par les stratégies borgnes qu'il impulse
en Afrique en particulier, est un problème.
De nombreux chiffres de santé ne sont pas sincères. Les hépatites tuent
plus que le VIH à l'échelle internationale. L'IHME qui est la seule
organisation à donner des estimations de décès des hépatites par pays,
donne des chiffres très sous-estimés sur l'Afrique ; je suis très étonné
que ces chiffres ne soient pas challengés et il y a peut être des raisons
pour cela.
Est ce que le fonds mondial est en capacité d'agir sur les déterminants de
santé, qui ont sur l'exemple des inégalités sociales un impact
significatif sur le VIH ? Si au moins le fonds mondial le faisait, il
agirait positivement sur les autres maladies, ce n'est pas le cas.
Est ce que le fonds mondial a tiré la sonnette d'alarme sur l'exode des
professionnels de santé africains ? A t-il dénoncé la politique migratoire
de pays du Nord ? Au Bénin par exemple, cette hémorragie est bien connue.
http://french.peopledaily.com.cn/96852/8139626.html
Pourquoi ces trois pays d'Afrique de l'Ouest sont si touchés par Ebola :
* trop d'inégalités sociales ?
* pas assez d'investissement dans la santé primaire ?
* pas assez de professionnels de santé ?
* de la corruption ?
* des stratégies de santé pilotées de l'extérieur et pas assez adaptées
aux besoins de ces pays ?
* une fragmentation des programmes de santé du fait des enjeux de pouvoir
(et de business) de nombreuses organisations internationales ?
* Etc...
Et bien c'est tout cela à la fois et il faut le dénoncer. Et pour cela il
faut des personnes indépendantes, comme par exemple le Pr Kodjoh au Bénin
où vous êtes.
Ce n'est pas être négatif que de demander à avoir des systèmes de santé
éthiques, transparents, non fragmentés, holistiques, souverains, etc y
compris lorsqu'il y a des crises sanitaires.
En pour terminer, ce n¹est pas faute d'avoir écrit sur ce sujet et d'avoir
demandé de revenir aux fondamentaux :
http://www.jle.com/en/revues/mst/e-docs/systemes_de_sante_en_afrique_subsah
arienne_revenir_aux_fondamentaux__295826/article.phtml?tab=texte
« . des stratégies de santé trop diluées : avec l¹arrivée des stratégies
verticales, de nombreux programmes spécifiques ont été lancés en Afrique
avec une accélération dans les années quatre-vingt-dix, sous l¹effet de la
multiplication des fonds internationaux. Les ministères de la Santé
africains se retrouvent ainsi parfois à gérer plusieurs dizaines de
programmes de santé spécifiques, souvent budgétivores et surtout
consommateurs de ressources humaines déjà rares, alors même que leur
système de santé de base n¹est pas performant. Ces programmes spécifiques
de financement ont souvent leurs propres processus de gestion, différents
des processus nationaux, et conduisent bien qu¹animés des meilleures
intentions à déstabiliser un peu plus le fonctionnement des systèmes de
santé des pays bénéficiaires ; »
Je suis désolé, mais dans le contexte Ebola, nous pourrions ré-écrire ce
même article polémique.
Donc, si vous voulez des gants de protection et de l'eau de javel
disponibles dans tous les centres de santé d'Afrique, je me poserai déjà
sérieusement la question à quelle date les systèmes verticaux seront
réintégrés dans les systèmes de santé nationaux et les pays africains
enfin indépendants en matière de stratégie de santé. Ce serait une
première étape.
Il faudra hélas de nombreuses polémiques encore pour que les pays
africains disposent de systèmes de santé cohérents, focalisés sur leurs
priorités de santé publique, transparents et équitables, et non soumis aux
différents groupes de lobbys internationaux qui dans la santé sont légions.
Bien cordialement,
Bertrand Livinec