[e-med] (4)Implications de l'amendement récent sur la loi des brevets en Inde

Effectivement les nouvelles dispositions de la loi indienne sur les brevets
ne concernent que les médicaments "inventés" après 1995, ou plus
précisément, ceux dont les brevets ont été demandés après 1995. Il faut
cependant tenir compte du fait que les brevets sont généralement déposés
bien avant la mise sur le marché d'un médicament.
A notre connaissance, les brevets sur les antirétroviraux suivants ont été
déposés après 1995, et sont donc susceptibles d'être dans la "boite aux
lettres": Combivir (AZT+3TC), Kaletra (ritonavir + lpv) et Viread
(tenofovir).
Si le Parlement indien ratifie l'ordonnance de décembre 2004, la délivrance
de ces brevets prendra du temps (on parle d'environ 5000 à 6000 demandes de
brevet dans la boite aux lettres) et il n'est pas certain que tous ces
brevets soient délivrés par le bureau des brevets indien. Tout dépendra de
la façon dont la loi indienne appréhende les combinaisons de molécules
connues par exemple.

MSF a préparé un court document en anglais sur la question. Nous sommes en
train de le traduire mais ceux qui lisent l'anglais peuvent en demander une
copie à mai.do@paris.msf.org

Pascale Boulet
juriste
Campagne pour l'Accès aux Médicaments Essentiels
Médecins Sans Frontières (MSF)

Névirapine - miracle ou danger?
http://www.plusnews.org/fr/PNFreport.asp?ReportID=136

JOHANNESBOURG, 14 janvier (PLUSNEWS) - L’antirétroviral Névirapine, un
médicament couramment utilisé en Afrique pour prévenir la transmission
du VIH de la mère à l’enfant, est au centre d’une sombre controverse.

Le débat a commencé en décembre 2004 à la suite d’une série d’articles
publiés par l’agence américaine de presse Associated Press qui
prétendaient que les autorités sanitaires aux Etats-Unis avaient été
informés, via une étude menée en Ouganda, des effets négatifs potentiels
de la Névirapine et des erreurs de procédure lors de sa prescription.

Le fabricant du médicament, Boehringer-Ingelheim, et les chercheurs
ougandais impliqués dans les essais cliniques conduits à l’Hôpital
Mulago de Kampala ont déclaré que les erreurs étaient dues aux
procédures suivies et n’avaient pas d’effets sur la sécurité du
médicament.

Les inquiétudes au sujet des erreurs de procédure ne sont pas nouvelles.
Elles sont apparues pour la première fois en 2002 après que des
problèmes lors des essais en Ouganda aient amené Boehringer-Ingelheim à
retirer une demande d’approbation du médicament aux États-Unis.

Après avoir mené sa propre en enquête, le Conseil sud-africain de
contrôle des médicaments (MCC) a décidé de rejeter une étude pour des
raisons similaires l’année dernière. À la conférence internationale sur
le sida à Bangkok en juillet dernier, le ministre de la Santé
sud-africain Manto Tshabalala-Msimang avait déclaré que son ministère
révisait l’utilisation de la Névirapine à dose simple.

Mais avec le temps le débat est devenu de plus en plus passionnel et les
activistes de la lutte contre le sida craignent que la publicité
négative autour de ce médicament incite certains pays et les mères à ne
plus l’utiliser.

Le Congrès national africain (ANC), au pouvoir en Afrique du Sud, s’est
immiscé dans le débat en accusant les autorités américaines et les
militants de prendre part à «une conspiration du mensonge avec les
compagnies pharmaceutiques pour augmenter les ventes de Névirapine» et
utiliser les Africains comme cobayes.

Au delà de la controverse, il est généralement accepté qu’une simple
dose de Névirapine donné à une femme enceinte et séropositive juste
avant l’accouchement, et quelques gouttes données au nouveau-né dans les
premières 72 heures, réduit de moitié les risques de transmission du
VIH.

Une étude menée l’année dernière sur l’impact démographique du sida en
Afrique du Sud a révélé que 37 000 enfants étaient nés avec le VIH
tandis que 26 000 ont été contaminés par le lait maternel. L’agence des
Nations Unies pour la lutte contre le sida, Onusida, évalue à 800 000 le
nombre d’enfants qui, chaque année, naissent séropositifs en Afrique.

La Névirapine, que Boehringer donne gratuitement à plusieurs Etats
d’Afrique sub-saharienne, est recommandé par l’Organisation mondiale de
la santé (OMS). Il est aussi utilisé dans les trithérapies.

Des risques de résistance au médicament

Mais le danger est que certaines mères développent une résistance au
médicament, ce qui limite les possibilités de traitement dans le futur.
De récentes études ont montré que, bien que les femmes développaient une
forte résistance six semaines après la prise d’une dose, cet effet
diminuait de 14 pour cent après six mois.

«Le risque hypothétique d’augmenter la résistance n’est pas supérieur à
celui de donner naissance à un enfant séropositif dans un contexte où,
de toute façon, peu de gens ont accès au traitement», a déclaré Marta
Darder, de l’organisation internationale Médecins sans frontières en
Afrique du Sud.

La Névirapine fut introduite en 1997 pour prévenir la transmission
mère-enfant à un moment où il était inimaginable d’envisager des
traitements ARV à grande échelle. Bien qu’ils soient devenus plus
accessibles, moins de quatre pour cent des Africains qui en ont besoin y
ont accès.

L’OMS reconnaît que l’alternative serait de commencer la thérapie
combinée avec la mère au moins six mois avant la naissance ou, au plus
tard, deux semaines après, et de continuer après la naissance.

À 40 dollars pour la thérapie combinée contre quatre dollars pour une
simple dose de Névirapine, ce n’est pas seulement une question de
complexité du traitement, mais également de son coût. La mère et son
enfant auront aussi besoin de plusieurs semaines de soins quotidiens,
d’une bonne nutrition et d’une surveillance médicale continue, ce qui
est inaccessible pour la plupart des mères africaines.

«Augmenter d’un comprimé à deux ou peut-être trois peut paraître très
simple si vous êtes assis dans la clinique d’un pays développé. Mais
appliquer une telle mesure en Afrique du Sud serait difficile», a admis
le docteur Saadiq Kariem, le secrétaire national à la santé de l’ANC.

Même s’il est compréhensible de continuer d’administrer une seule dose
de Névirapine, une solution simple et moins coûteuse, le pays désire
explorer de nouvelles options, plus efficaces. «Nous devons constamment
aller de l’avant. Au bout du compte, nous voulons en arriver à des
thérapies combinées pour les mères séropositives», Kariem a dit à
PlusNews.

Néanmoins, la Névirapine n’atteint pas la vaste majorité des femmes
africaines qui en aurait besoin. En moyenne, 40 pour cent des femmes en
région rurale n’ont jamais visité un centre de santé et accouchent à la
maison, souvent sans l’aide d’une sage-femme.

En Ouganda, où la réponse nationale à la pandémie est applaudie pour ses
succès, seulement quatre pour cent des femmes enceintes vivant avec le
virus ont accès à la Névirapine. Le système de santé ne soigne qu’une
partie des mères, avec seulement deux femmes sur 10 qui accouchent dans
un établissement médical.

«La Névirapine n’est pas la panacée que nous espérions», a déclaré à
PlusNews Dorothy Ochola-Odongo, qui exécute le programme de transmission
mère-enfant (PMTCT) pour le Fonds des Nations Unies pour l’enfance,
UNICEF, à Kampala.

L’Afrique du Sud a beaucoup de difficultés avec l’approvisionnement en
médicament dans le cadre de son programme PMTCT, selon Kariem.

«Des cliniques se battent pour assurer le ravitaillement et la
distribution des médicaments. Les formations de médecins et
d’infirmières sont insuffisantes pour que tous les sites de distribution
de médicaments soient couverts», a ajouté Kariem.

Dans une déclaration commune, l’Onusida, l’Unicef et la Fondation
Elizabeth Glaser pour le sida ont précisé que «là où les infrastructures
ne permettent pas un traitement à long terme plus complexe, l’approche
recommandée en matière de santé publique est la dose simple de
Névirapine».

Après des années de débat entre les militants sud-africains et le
ministère de la Santé sur le refus de ce dernier d’appliquer une
politique de prise en charge, les activistes de la lutte contre le virus
s’alarment désormais des conséquences négatives que pourraient avoir les
articles de presse concernant la Névirapine.

«Malheureusement, la politique s’est mêlée au débat. Les gens sont en
colère parce qu’ils sentent manipulés et abusés par les grosses
compagnies pharmaceutiques», a expliqué Kariem.

Le groupe de pression sud-africain Treatment Action Campaign (TAC) a été
violemment attaqué dans un article de presse pro-ANC pour vouloir
«vendre les ARV à tout prix». La relation entre TAC et le président
Thabo Mbeki est pleine de controverses.

En 2002, TAC a obtenu gain de cause auprès de la Cour constitutionnelle,
qui a considéré que le gouvernement était obligé de fournir des
traitements de prévention de la transmission mère-enfant dans les
établissements publics. La Cour n’a pas tranché sur la nature des
médicaments à utiliser mais TAC a toujours affirmé qu’une courte
thérapie combinée était meilleure, mais que la simple dose de Névirapine
était plus facile à utiliser et moins onéreuse.

TAC envisage désormais de nouvelles actions judiciaires contre les
«affirmations non-scientifiques, irresponsables et fausses du ministère
de la Santé et de sa prétendue campagne de désinformation sur la
Névirapine», a affirmé le président de TAC, Zackie Achmat.

«Je suis désolé que le pouvoir du Président, les ressources du
gouvernement et le prestige, le pouvoir et la force de l’ANC soient
utilisés pour semer la confusion au sein de personnes malades et
mourantes», a conclu Achmat.