Publication OMS
Accroître l'accès aux personnels de santé dans les zones rurales ou reculées grâce à une meilleure fidélisation
Recommandations pour une politique mondiale
http://whqlibdoc.who.int/publications/2010/9789242564013_fre.pdf
Nombre de pages: 84
Date de publication: octobre 2010
ISBN: 9789242564013
Résumé
Pourquoi ces recommandations ?
Tous les responsables politiques, quel que soit le niveau de développement
économique de leur pays,s'efforcent d'instaurer l'équité en matière de santé et de pourvoir aux besoins sanitaires de leur population, notamment ceux des groupes vulnérables et défavorisés. L'une de leurs tâches les plus complexes est d'assurer aux habitants des zones rurales ou reculées l'accès à des personnels de santé qualifiés. La prestation de services de santé efficaces et l'amélioration des résultats sanitaires supposent la présence de personnels de santé qualifiés et motivés en nombre suffisant, au bon endroit et en temps opportun.
Une pénurie de personnels de santé qualifiés dans les zones rurales ou
reculées prive une part importante de la population de l'accès à des services de soins de santé, ralentit les progrès sur la voie de la réalisation des objectifs du Millénaire pour le développement et contrarie les aspirations liées au but de la santé pour tous. Les présentes recommandations ont été formulées par l'Organisation mondiale de la Santé
(OMS) à la demande des dirigeants mondiaux, de la société civile et des
Etats Membres.
Quelle est la portée des recommandations ?
Les recommandations, qui s'appuient sur des données factuelles, ont trait
aux mouvements des personnels de santé à l'intérieur des frontières d'un pays et concernent uniquement les stratégies destinées à accroître la disponibilité des personnels de santé dans les zones rurales ou reculées en
améliorant l'attraction, le recrutement et la fidélisation. Elles omplètent
ainsi le travail entrepris par l'OMS sur le Code de pratique mondial de l'OMS pour le recrutement international des personnels de santé (Annexe 3). Les recommandations s'appliquent à tous les types de personnel de santé du secteur formel réglementé, y compris aux administrateurs et au personnel d'appui, ainsi qu'aux étudiants, actuels et futurs, des programmes de formation à des disciplines liées à la santé.
Quelles sont les recommandations ?
Il est important de souligner qu'on trouvera quantité d'informations utiles
dans le rapport en tant que tel et que, selon le contexte, les meilleurs résultats seront obtenus moyennant la mise en oeuvre d'un éventail de recommandations adaptées.
A. RECOMMANDATIONS LIEES A LA FORMATION
1. Utiliser des politiques d'admissions ciblées pour accueillir des
étudiants d'origine rurale dans les programmes de formation à diverses disciplines sanitaires, afin que les diplômés soient plus enclins à choisir d'exercer en zone rurale.
2. Situer les écoles professionnelles de santé, les campus et les programmes d'internat en médecine de famille hors des capitales et autres grandes villes, les diplômés de ces écoles et de ces programmes ayant davantage tendance à exercer en zone rurale.
3. Exposer les étudiants des diverses disciplines sanitaires à la pratique
communautaire en milieu rural et leur faire effectuer des stages cliniques, ces expériences pouvant contribuer à attirer les personnels de santé et favoriser leur recrutement dans les zones rurales.
4. Réviser les programmes des études préparant aux diplômes et de niveau
supérieur pour y inclure des sujets de santé rurale afin de renforcer les compétences des professionnels de la santé qui exercent dans les zones rurales, et d'améliorer ainsi leur satisfaction professionnelle et leur fidélisation.
5. Concevoir des programmes de formation continue et de développement
professionnel qui répondent aux besoins des personnels de santé en milieu rural et leur soient accessibles depuis leur lieu de résidence et de travail, afin de renforcer leur fidélisation.
B. RECOMMANDATIONS LIEES A LA REGLEMENTATION
1. Instaurer et réglementer des champs de pratique élargis dans les zones
rurales ou reculées afin d'accroître le potentiel de satisfaction professionnelle, et de favoriser ainsi le recrutement et la fidélisation.
2. Instaurer différents types de personnel de santé, les former à la
pratique en milieu rural et réglementer cette pratique, afin d'accroître le nombre des personnels de santé qui exercent dans les zones rurales ou reculées.
3. Veiller à ce que le service obligatoire dans les zones rurales ou
reculées soit assorti de mesures incitatives et de soutien appropriées afin d'accroître le recrutement et la fidélisation ultérieure des professionnels de la santé dans ces zones.
4. Conditionner l'octroi de bourses d'études et d'autres aides à la
formation à l'obligation de service dans les zones rurales ou reculées afin d'accroître le recrutement de personnel de santé dans ces zones.
C. RECOMMANDATIONS LIEES AUX INCITATIONS FINANCIERES
1. Utiliser un éventail d'incitations financières viables au plan budgétaire (prime de sujétion, indemnité de logement, gratuité des transports, congés payés, etc.), suffisantes pour compenser les
coûts d'opportunité associés au travail en zone rurale, tels que perçus par
les personnels de santé, pour une meilleure fidélisation en milieu rural.
D. RECOMMANDATIONS LIEES AU SOUTIEN PERSONNEL ET PROFESSIONNEL
1. Améliorer les conditions de vie des personnels de santé et de leur
famille et investir dans les infrastructures et les services (assainissement, électricité, télécommunications, écoles, etc.), ces
facteurs influant fortement sur la décision des professionnels de la santé
de s'établir et de demeurer en zone rurale.
2. Offrir un environnement professionnel sûr et de qualité, incluant les
fournitures et le matériel appropriés, un encadrement adapté et un soutien pédagogique, afin de rendre ces postes attractifs au plan professionnel et d'accroître ainsi le recrutement et la fidélisation de personnel de santé dans les zones rurales ou reculées.
3. Définir et mettre en oeuvre des activités de proximité appropriées pour
faciliter la coopération entre personnels de santé de zones mieux pourvues et personnels de zones mal desservies et, là où cela est possible, apporter un appui supplémentaire aux personnels de
santé des zones rurales ou reculées au moyen de la télésanté.
4. Concevoir et soutenir des programmes d'organisation des carrières et
offrir des postes de responsabilité en zone rurale pour permettre aux personnels de santé de gravir les échelons du fait de leur expérience, de leur éducation et de leur formation, sans nécessairement quitter les
zones rurales.
5. Soutenir la création de réseaux professionnels, d'associations de
professionnels de la santé en milieu rural, de revues de santé rurale, etc. afin d'améliorer le moral et le statut des soignants en zone rurale et de réduire le sentiment d'isolement professionnel.
6. Adopter des mesures de reconnaissance publique, comme une journée de la
santé rurale, des récompenses et des distinctions aux niveaux local, national et international, pour améliorer l'image de l'exercice professionnel en milieu rural, celles-ci pouvant contribuer à améliorer la
motivation intrinsèque et fidéliser les agents de santé en milieu rural.
Sur quels principes devrait reposer la formulation de stratégies nationales
de fidélisation en milieu rural ?
Toutes les mesures déployées pour améliorer le recrutement et la
fidélisation des personnels de santé dans les zones rurales ou reculées devraient reposer sur un ensemble de principes interdépendants. Le respect du principe de l'équité en santé aidera à allouer les ressources disponibles en contribuant à réduire les inégalités évitables en matière de santé. Une politique de fidélisation en milieu rural ancrée dans le plan de santé national fournira un cadre pour la responsabilisation de tous les partenaires, qui devront obtenir des résultats tangibles et mesurables.
Le choix des interventions devra s'appuyer sur une connaissance approfondie
des personnels de santé. Cela nécessitera, au minimum, une analyse complète de la situation, une analyse du marché du travail, et une analyse des facteurs qui influent sur la décision des personnels de santé de
retourner dans une zone rurale ou reculée, d'y rester ou d'en partir. La
prise en compte des facteurs sociaux, économiques et politiques plus larges aux niveaux national, infranational et local qui influent sur la fidélisation aidera à assurer que les interventions choisies
par les pouvoirs publics sont ancrées dans le contexte particulier de chaque pays, et adaptées à ce contexte.
L'évaluation des options et la promotion des interventions destinées à
améliorer la fidélisation en milieu rural des personnels de santé supposent des compétences en matière de gestion des ressources humaines aux niveaux central et local, et la mise en oeuvre des politiques choisies devra
être confiée à des personnes dotées de solides capacités d'encadrement et de direction, notamment dans les établissements. Le succès des politiques de fidélisation en milieu rural dépend dans une très large mesure de la détermination des acteurs concernés dans plusieurs secteurs, comme c'est le
cas pour tout type de système de santé ou toute politique liée aux
personnels de santé. Pour obteniret conserver le soutien de toutes les parties, il faudra associer d'emblée les communautés rurales ou
reculées, les associations professionnelles et les autres décideurs
concernés.
Un engagement en faveur du suivi et de l'évaluation et de la recherche
opérationnelle sera indispensable pour évaluer l'efficacité, réviser, s'il y a lieu, les politiques une fois commencée la mise en oeuvre, retenir les enseignements utiles, établir la base de données factuelles, et mieux
comprendre comment les interventions fonctionnent et pourquoi elles
aboutissent dans certains contextes et échouent dans d'autres.
Comment choisir et évaluer les interventions ?
Comme dans de nombreux domaines des politiques liées aux systèmes de santé,
rares sont les évaluations fiables des interventions de fidélisation en milieu rural. A l'appui du changement de paradigme nécessaire en faveur d'évaluations plus nombreuses et améliorées, le présent rapport propose un cadre et cinq questions destinées à orienter le choix, la conception, la mise en oeuvre, le suivi et l'évaluation des interventions de fidélisation en milieu rural par les responsables des politiques.
a) Pertinence : quelles interventions correspondent le mieux aux priorités
nationales et aux attentes des personnels de santé et des communautés rurales ?
b) Acceptabilité : quelles interventions sont politiquement acceptables et
les plus soutenues par les acteurs concernés ?
c) Accessibilité financière: quelles interventions sont les plus abordables
financièrement ?
d) Efficacité : les complémentarités et les éventuelles conséquences
imprévues des diverses interventions ont-elles été prises en compte ?
e) Effets : quels indicateurs seront utilisés pour mesurer les effets dans
la durée ?
Le cadre précise les dimensions à l'aune desquelles les effets des
stratégies de fidélisation pourront être mesurées : attractivité, recrutement, fidélisation et performance des personnels de santé et des systèmes de santé.
L'évaluation sera d'autant plus complexe que chaque recommandation produit
plusieurs résultats (ou effets) et qu'aucun résultat ne peut être obtenu au moyen d'une seule intervention. Cela compliquera la mesure des résultats et l'attribution des effets obtenus à telle ou telle intervention.
Comment les recommandations ont-elles été formulées ?
Le Secrétariat de l'OMS a réuni un groupe d'experts, à parité hommes-femmes, composé de chercheurs, responsables politiques, financiers, représentants d'associations professionnelles et responsables de l'exécution des programmes, venus de toutes les régions de l'OMS. Les
experts ont été priés d'examiner les connaissances et les données factuelles existantes et de proposer des conseils pratiques actuels aux
responsables politiques sur la manière de concevoir, de mettre en oeuvre et
d'évaluer des stratégies propres à attirer et fidéliser le personnel de santé dans les zones rurales ou reculées.
L'élaboration des recommandations fait suite à un examen complet de toutes
les données pertinentes disponibles liées à l'attractivité, au recrutement et à la fidélisation des personnels de santé dans les zones rurales ou reculées. L'expérience des pays et les opinions des experts, qui se sont réunis six fois entre février 2009 et février 2010, ont aussi été prises en compte. Les experts ont estimé que, dans ce domaine, il importe tout autant de savoir si une intervention fonctionne ou non (efficacité) que de comprendre pourquoi elle fonctionne et de quelle manière. Pour une même
intervention, les écarts au plan des résultats peuvent être imputables au contexte ; aussi est-il important de bien cerner ce facteur dans les recherches sur ces interventions.
Les normes applicables à la publication, au traitement et à l'utilisation
des données factuelles pour l'élaboration des lignes directrices de l'OMS ont été respectées autant que possible, conformément aux exigences du Comité d'évaluation des directives de l'Organisation. Un système d'évaluation des données pour les interventions du nom de GRADE (Grading of Recommendations Assessment, Development and Evaluation) a ainsi été utilisé, y compris pour présenter la qualité des données. Toutefois, compte tenu de l'abondance d'informations dans ce domaine, notamment pour ce qui est des mécanismes responsables du bon fonctionnement des interventions, le groupe d'experts a décidé de compléter la méthode GRADE par des données factuelles supplémentaires.
Parallèlement au présent document, le Secrétariat de l'OMS publie divers
matériels complémentaires.
. Les annexes sur CD-ROM fournissent des détails sur toutes les données
factuelles ayant servi à l'élaboration des recommandations (profils de données GRADE, tableaux de données descriptives).
. Plusieurs articles ayant inspiré le présent rapport ont été publiés en mai 2010 dans un numéro thématique spécial du Bulletin de l'Organisation mondiale de la Santé.
. Trois études réalisées à sa demande ont été publiées par l'OMS : un examen des effets du service obligatoire sur le recrutement et la fidélisation des personnels de santé dans les zones rurales ; une évaluation « réaliste » ayant cherché à comprendre si des
interventions avaient fonctionné ou non, et pourquoi et comment ; et un examen du rôle du soutien de proximité sur le recrutement des personnels de santé dans les zones rurales ou reculées.
. Une série d'études de cas de pays complètes est en cours de publication
pour les pays suivants :
Australie, Chine, Ethiopie, Mali, Norvège, République démocratique populaire lao, Samoa, Sénégal, Vanuatu et Zambie.
Quelles sont les prochaines étapes ?
Le présent document est disponible sous forme imprimée, sur le site Web de l'OMS et sur CD-ROM ; il sera diffusé par les canaux de l'OMS pour être adapté et utilisé au niveau des pays. Il sera disponible dans les six langues officielles de l'OMS. Certains pays, dont la République
démocratique populaire lao et le Mali, envisagent déjà d'utiliser ces recommandations pour concevoir leurs stratégies de fidélisation, avec
l'assistance technique du Secrétariat de l'OMS, le cas échéant. Plusieurs
membres du groupe d'experts mènent un travail de recherche destiné à combler une partie du déficit de données qui s'est fait jour
pendant l'élaboration du présent document.
Les recommandations devraient être valables jusqu'en 2013. L'Unité Personnel de santé : fidélisation et migration, qui relève du Département OMS Ressources humaines pour la santé à Genève, révisera alors
ces recommandations mondiales, sur la base des nouvelles données et
recherches et des informations communiquées par les pays qui auront utilisé ces recommandations. Un éventuel élargissement de la portée des recommandations, qui pourraient inclure par exemple des stratégies de recrutement et de fidélisation pour toutes les zones insuffisamment desservies, sera également envisagé.