[et si les pharmaciens prenaient le relai ? CB]
BÉNIN: Des distributeurs de préservatifs à l’abandon
http://www.irinnews.org/fr/ReportFrench.aspx?ReportId=78954
Photo: Godefroy Chabi/IRIN
De nombreux distributeurs de préservatifs au Bénin sont aujourd'hui hors
d'usage
COTONOU, 26 juin 2008 (PlusNews) - Cela fait près de 10 minutes que Placide
introduit une pièce de 50 francs CFA (0,10 dollar) dans le distributeur
automatique de préservatifs installé dans le grand hall de l’Office de
radiodiffusion et télévision du Bénin (ORTB), mais la machine refuse
obstinément de lui délivrer le paquet de préservatif espéré.
Placide se fait aider, mais rien n’y fait. Avant lui, Gérard, un visiteur de
passage a fait le même constat dans plusieurs administrations. « Vous
constaterez la même chose ailleurs, on ne sait pas pourquoi c’est comme
cela. J’ai bien le sentiment qu’on les a mis pour orner le décor », a
critiqué Gérard.
« Pourtant dans ce périmètre, on sait bien que les prostituées sont
nombreuses à racoler les clients la nuit », a commenté David Mégnigbèto,
conducteur de véhicule à l’ORTB.
Certains distributeurs semblent en effet avoir fait leur temps au Bénin. Une
cinquantaine d’entre eux ont été installés dans différents lieux
stratégiques du pays depuis le début des années 2000, mais aujourd’hui,
beaucoup d’entre eux ne fonctionnent plus.
De l’euphorie à la désillusion
L’initiative avait été mise en œuvre à l’origine par le projet ‘Santé,
service sociaux au profit des adolescents et des jeunes’ (3S ADOS) et
OSV-Jordan, une ONG médicale spécialisée dans la santé de la reproduction et
la sensibilisation sur le VIH/SIDA, avec l’appui financier du Fond des
Nations Unies pour la population (FNUAP).
« Nos premiers distributeurs ont été installés entre 2000 et 2001 dans les
zones à forte affluence et dans les milieux juvéniles. On les a mis dans les
universités, les centres de jeunes et de loisirs à Pobè, Bohicon, Kandi
[plusieurs localités du Bénin] », s’est souvenu Achille Métahou,
épidémiologiste VIH/SIDA, responsable formation, suivi et évaluation de
projet de santé de la reproduction à OSV-Jordan.
Cette initiative était partie d’un constat, a expliqué M. Métahou. « Les
gens ne vont pas dans les centres de santé pour [chercher] les préservatifs.
Ils craignent les regards devant les comptoirs de pharmacie et dans les
boutiques ».
Puis, « on a commencé par mettre les préservatifs dans les toilettes et
quelques temps après, on a remarqué qu’ils disparaissaient. Nous en avons
déduit qu’il y avait un besoin réel… d’où l’installation de ces
distributeurs », a-t-il poursuivi.
Mais le temps, et surtout les comportements inciviques, ont conduit
l’initiative presque au bord de l’échec, à en croire les différents acteurs.
« Il y a deux faiblesses qui expliquent les problèmes que rencontrent les
distributeurs », a dit Jérémie Houssou, coordonnateur ventes et distribution
pour le Programme de marketing social et de communication pour la santé,
PSI-Bénin. « Ils sont régulièrement sabotés par les utilisateurs qui y
mettent n’importe quelle pièce de monnaie, [et d’autre part] le cycle de
remplissage n’est pas respecté car les gestionnaires, voyant l’utilisation
que les consommateurs en font, ne veulent plus prendre le risque d’engager
des frais inutilement ».
Le découragement
OSV-Jordan a confirmé ces difficultés. « On faisait un suivi périodique tous
les mois, on avait même formé des pairs éducateurs pour orienter les cibles
vers les distributeurs et les éduquer sur son exploitation, et cela évoluait
positivement. Mais l’incivisme des populations a fini par prendre le pas.
Les gens vont même jusqu’à utiliser les monnaies étrangères, pourvu qu’elles
déclenchent le système ! », a déploré M. Métahou.
L’absence de maintenance régulière peut aussi expliquer en partie la
situation des distributeurs au Bénin. « Il n’y a pas eu de lignes
budgétaires et on a eu des difficultés pour faire face à la maintenance »,
a-t-il dit.
A cela il faut ajouter un manque de coordination et de prévision, a-t-il
estimé. « Au départ la boîte de quatre préservatifs coûtaient 50 francs CFA,
et les distributeurs de l’époque étaient [adaptés à des pièces de cette
taille]. Aujourd’hui, avec le changement du label ‘Prudence’ en ‘Prudence
Plus’ de PSI-Bénin, ce n’est plus à 50 mais à 100 francs CFA », a noté M.
Métahou.
« Ce changement de coût a beaucoup joué sur les choses, puisqu’on s’est
trouvé dans l’incapacité d’utiliser les anciens distributeurs ».
Pourtant, l’abandon de ces distributeurs automatiques serait une mauvaise
nouvelle pour la lutte contre le sida, ont estimé plusieurs acteurs. « [Le
distributeur] a l’avantage de renforcer l’accessibilité et la disponibilité
du produit. Les gens vont facilement vers le produit, ça motive à
l’utilisation et ça renforce la discrétion », a noté M. Houssou de
PSI-Bénin.
Espoir malgré tout
L’arrêt de mort des distributeurs n’a cependant pas encore été signé, comme
le montrent différentes initiatives.
Après la phase de découragement, OSV-Jordan a annoncé reprendre son bâton de
pèlerin et renégocier avec le FNUAP en vue de relancer l’expérience des
distributeurs automatiques, en tirant les leçons des erreurs du passé.
Le Projet Corridor, un projet régional de lutte contre le sida le long des
axes migratoires entre Abidjan (Côte d’Ivoire) et Lagos (Nigeria), a
également fait installer des distributeurs dans les localités frontalières.
Les machines y fonctionnent sans discontinuer, a constaté IRIN/PlusNews.
Des projets similaires sont également en cours au ministère de l'Eau et dans
13 mairies du nord du Bénin, dans le cadre d’un projet transversal de
prévention appuyé par la coopération allemande et mis en œuvre par
PSI-Bénin.
Des initiatives nécessaires, selon plusieurs acteurs de la lutte contre le
sida, qui estiment qu’il faut relancer l’intérêt des populations pour ce
moyen de prévention de l’infection au VIH, l’utilisation du préservatif
semblant connaître une tendance à la baisse ces dernières années.
En 2007, 8,2 millions de préservatifs ont été vendus, contre 10 millions en
2004, selon PSI-Bénin, un désintérêt qui a accompagné la baisse du taux de
prévalence du VIH au Bénin –autour de deux pour cent aujourd’hui- et qui
pourrait en partie y être lié, les populations relâchant leur vigilance.
gc/ail
Thèmes: (IRIN) VIH/SIDA (PlusNews), (IRIN) Prévention