Le gouvernement brésilien déclare que l'antirétroviral Kaletra est d'intérêt public et le produira au Brésil
BRASILIA, Brésil, le 24 juin /CNW-PRN/ -
Le ministère de la Santé du Brésil a déclaré que l'antirétroviral Kaletra (lopinavir/ritonavir), fabriqué par Abbott laboratories, était d'intérêt public. A ce titre, le gouvernement brésilien fera appel à la licence obligatoire du médicament, au cas où le fabricant ne ferait pas le nécessaire pour garantir la pérennité du programme MTS/SIDA national. Un avis officiel transmis vendredi au laboratoire donnera à la société l'occasion d'indiquer si elle envisage ou non de remédier à cette situation dans l'intérêt du public.
Le laboratoire aura de 10 jours à compter de la réception de cet avis pour informer le ministère de la Santé du Brésil qu'il est prêt à réduire le prix de vente de Kaletra selon les niveaux de production nationaux. Son autorisation évitera l'adoption d'une licence obligatoire.
Cette licence permettra au gouvernement d'autoriser le Laboratoire Farmanguinhos, de Fiocruz, à produire le médicament, exclusivement à l'usage du public et non à des fins commerciales. Cette mesure est nécessaire pour assurer la pérennité et la qualité du programme MTS/SIDA brésilien, lequel vise à protéger la vie de près de 170 000 brésiliens cette année.
En procédant à cette déclaration d'intérêt public, le gouvernement brésilien tire parti de la souplesse établie par normes internationales et les lois du Brésil, sans violer de contrat. Le ministère de la Santé fonde son recours à la licence sur les Accords sur les ADPIC (aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce), la Déclaration de
Doha, le droit des brevets (1997) et le décret 4.830/03.
Le programme MTS/SIDA national brésilien, une référence mondiale en matière de traitement des personnes vivant avec le VIH, a pour objectif l'accès gratuit et universel à toutes les ressources disponibles pour le traitement de la maladie, ainsi que pour la prévention et le diagnostic dans les hôpitaux publics.
Le nombre de patients utilisant des antirétroviraux au Brésil est passé de quelque 36 000 en 1997 à 170 000 aujourd'hui. Entre 2004 et 2005, plus de 20 000 personnes ont participé au programme. Quinze types de médicaments antirétroviraux sont distribués gratuitement. Lancé en 2002, Kaletra est prescrit aux patients qui ont déjà développé une résistance aux autres
médicaments.
Pour garantir à tous l'utilisation de la toute dernière génération d'antirétroviraux, le ministère de la Santé a augmenté de 50 % les ressources consacrées au programme, qui sont passées de 620,9 millions de reais à ses débuts, en 2004, à 945 millions de reais (393,9 millions de dollars américains) en 2005. Près d'un tiers de cette somme, soit 257 millions
de reais, sera consacrée exclusivement à l'acquisition de Kaletra.
Selon les prévisions, en 2008, près de 215 000 brésiliens auront besoin du cocktail d'antirétroviraux, ce qui nécessitera un budget de 1,25 milliards de reais (520,8 millions de dollars américains), un tiers de cette somme étant réservée à l'achat de Kaletra.
Les sommes investies dans le programme MTS/SIDA brésilien augmentent constamment. Toutefois, au cours des quatre dernières années, le Brésil a augmenté les investissements de 77 %, alors que le nombre de patients a progressé de 43 %.
On estime à 600 000 le nombre de Brésiliens porteurs du VIH. Un nombre encore plus grand ignorent qu'ils sont infectés et nécessiteront un traitement dans les années à venir. "Le Brésil a à coeur de bien soigner les Brésiliens qui en ont besoin avec le bon médicament et des traitements à jour. C'est une question d'intérêt public," a expliqué le ministre Humberto Costa.
Pour faire en sorte que le médicament idéal soit offert à chaque porteur inscrit au programme, le ministère de la Santé doit acquérir les médicaments de la toute dernière génération. Par exemple, l'enfuvirtide, qui appartient à une nouvelle classe d'antirétroviraux, commence à être distribué au prix de 19 000 reais par mois (7 900 dollars américains par patient). Au total, 1200 patients sont actuellement inscrits pour un traitement avec ce nouveau médicament
Négociation
En mars de cette année, le ministère a entamé des pourparlers relativement à une licence volontaire avec Abbott Laboratories, Gilead Science Incorporation et Merck Sharp & Dohme. Les médicaments produits par ces laboratoires, c'est-à-dire Kaletra, Efavirenz (Merck) et Tenofovir (Gilead), représentent 66 % du budget global pour l'achat d'antirétroviraux.
Les négociations avec Merck et Gilead se poursuivent. La société Abbott était la seule à s'opposer à la fois à la possibilité d'une licence volontaire et à une baisse des prix assurant la pérennité du programme dans l'avenir. Depuis l'arrivée du médicament au Brésil en 2002, son prix a diminué de 25 %, un pourcentage considéré faible dans l'absolu, car les coûts de
développement diminuent au fil des ans.
Aujourd'hui, le prix unitaire de Kaletra est de 1,17 $US, comparativement à 1,60 $US, en 2002, et à 0,72 $US pour sa version générique. Toutefois,pendant cette période, les frais déboursés par le gouvernement pour l'achat du médicament sont passés de 35,2 millions à 91,6 millions de dollars américains par an, ce qui s'explique par le fait que le nombre de personnes qui ont
besoin du médicament au Brésil triple chaque année. En 2002, 3 200 personnes en avaient besoin. Cette année, il y en aura 23 400.
Législation
Le programme du ministère de la Santé est soutenu par des normes nationales et internationales et il respecte le droit des entreprises privées à tirer des profits de leurs inventions. L'article 71 du droit brésilien des brevets (Loi 9.279/96) prévoit la licence obligatoire en cas d'intérêt public. Selon les décrets 3201, de 1999, et 4830, de 2003, les produits
associés à la santé publique sont également d'intérêt public.
La Déclaration de Doha (Qatar) de 2001 permet à tout pays de prendre les mesures nécessaires à la protection de la santé publique. Selon la déclaration, ces mesures ne portent pas atteinte aux Accords sur les ADPIC qui ont établi des droits minimaux sur la propriété intellectuelle.
Au cas où Abbott Laboratories n'observerait pas l'avis du Ministère, le médicament sera produit au Brésil, exclusivement pour la consommation nationale. Bien que la licence obligatoire donne aux laboratoires brésiliens le droit de produire le liponavir/ritonavir, elle n'interdit pas à Abbott de commercialiser Kaletra dans le pays.
Production nationale
En cas de licence obligatoire, l'Institut de technologie pharmaceutique (Laboratoire Farmanguinhos) de la Fondation Oswaldo Cruz produirait le médicament lopinavir/ritonavir tout en réduisant le prix actuel de presque 50 %. En moins d'un an, Farmaguinhos serait en mesure de produire six millions de capsules par mois, quantité nécessaire pour répondre à la demande
nationale. Le prix unitaire du médicament devrait être d'environ 0,68 $US, ce qui totaliserait près de 130 millions de reais par an pour le programme national.
Farmaguinhos, le plus grand laboratoire officiel du Brésil, produit deéjà plus de 60 médicaments, dont des antiviraux. L'an dernier, le gouvernement brésilien a investi 6 millions de dollars américains dans l'acquisition du parc technologique de GlaxoSmithKline, à Rio de Janeiro, en vue de le convertir en un centre de technologie médicale pour Farmaguinhos. Ce
centre produira 10 milliards d'unités pharmaceutiques en 2007.
Le programme
Depuis 1986, le programme MTS/SIDA brésilien garantit des traitements totalement gratuits aux personnes vivant avec le VIH/sida. Depuis le début du programme, les sidéens ont vu leur espérance de vie augmenter de 1200 %, soit de 5 mois à 58 mois. La mortalité a chuté de 50 %, et le nombre de femmes enceintes atteintes de la maladie et ayant accès à l'AZT, qui contribue à éviter l'infection du nouveau-né, est en augmentation. Cette année, le ministère de la Santé va accorder un budget de 60 millions de reais à 754 projets de lutte contre la maladie gérés par des ONG.
En 2001, l'UNESCO (Organisation des Nations Unies pour l'éducation, la science et la culture) a décerné un prix au programme brésilien dans la catégorie "Droits de l'homme" et "Culture de paix". L'année dernière, la qualité du programme brésilien contre le SIDA a été soulignée par un autre prix international : une médaille du Programme de lutte contre le SIDA des
Nations Unies (ONUSIDA) pour le rôle de chef de file du Brésil dans l'amélioration de la lutte contre l'épidémie.
Le Brésil participe depuis 1995 à un programme international de coopération contre le VIH et le sida. Aujourd'hui, 25 pays participent à ce programme qui couvre la prévention, l'assistance et le traitement, la surveillance épidémiologique, la gestion de projet, les maladies transmissibles sexuellement, les droits de l'homme et la coopération avec des
organismes du secteur privé.
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