Brevets sur médicaments: les députés indiens approuvent un projet de loi
controversé
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22 mars 2005 20:41
Les députés indiens ont approuvé mardi un projet d'amendement à la loi sur
les brevets qui prévoit de rendre illégale la copie de médicaments brevetés
risquant, selon ses opposants, de tarir la production de génériques et
d'augmenter les prix des soins aux dépens des malades des pays pauvres.
Le texte a été approuvé lors d'un vote à main levée des 545 membres de la
Chambre basse. Pour être définitivement adopté, il doit être voté par la
Chambre haute.
Cette législation vise à mettre l'Inde en conformité avec l'Adpic, l'accord
sur la propriété intellectuelle de l'Organisation mondiale du Commerce (OMC)
dont l'Inde est membre. Les autorités ont affirmé qu'elle n'empêcherait pas
les sociétés pharmaceutiques indiennes de produire et fournir des génériques
de médicaments contre le sida aux pays en développement.
Avant le vote, le gouvernement a assuré qu'il introduirait des garanties
pour empêcher toute hausse des prix des médicaments de base produits en Inde
et de la souplesse dans l'application de la loi.
"Toutes les sauvegardes ont été introduites dans le régime et le
gouvernement aura d'énormes pouvoirs pour prendre des mesures concernant une
hausse inhabituelle des prix", a affirmé le ministre du Commerce Kamal Nath.
"J'ai aussi veillé à ce que toutes les flexibilités et élasticités permises
(par l'OMC) soient exploitées", a ajouté M. Nath.
Le vote s'est fait après que les communistes, qui soutiennent le
gouvernement de coalition mené par le Parti du Congrès (centre gauche),
eurent finalement décidé d'approuver le texte après s'y être opposés. De
leur côté, les députés d'opposition du Bharatiya Janata Party (BJP), qui
craignent une hausse massive des prix, sont sortis de l'hémicycle.
Jusqu'à présent les sociétés indiennes pouvaient mettre au point des
génériques de médicaments brevetés car les lois indiennes protégeaient le
procédé de fabrication plus que les médicaments eux-mêmes.
Encore permise pour les médicaments inventés avant 1995, la copie pourra
être remise en question au cas par cas pour ceux sortis entre 1995 et 2005.
Pour les nouveaux médicaments, à partir de 2005, le brevet d'exclusivité de
20 ans sera la règle.
Les défenseurs des droits des malades du sida ou du cancer, en Inde comme à
l'étranger et notamment en Afrique, ont appelé à plusieurs reprises l'Inde à
modifier le texte. Ils estiment que la législation indienne va au-delà de ce
qui est requis par l'OMC et craignent de voir se tarir une source
essentielle de médicaments génériques bon marché notamment contre le sida.
"A court terme, le pire scénario a été évité, qui consistait à retirer du
marché les médicaments génériques déjà commercialisés. Ces molécules vont
rester disponibles et si des brevets sont émis, leurs fabricants devront
payer des royalties après l'obtention d'une licence automatique", a réagi
mardi soir Daniel Berman de Médecins sans frontières.
C'est à long terme pour les nouveaux produits que les ONG craignent "une
catastrophe pour les malades des pays pauvres".
"Dans le texte approuvé aujourd'hui, les procédures (d'attribution de
licences) sont très complexes et il n'y a aucun contrôle sur le niveau des
royalties à payer, ce qui entraînera des litiges sans fin et des délais",
regrettent quatre ONG, dont MSF et Affordable Medicines and Treatment
Campaign.
"Les malades traités avec des médicaments bon marché devront attendre trois
ans avant qu'un fabricant de génériques puisse déposer une demande" de
licence, ajoutent-elles dans un communiqué.
Selon M. Herman, il sera ainsi "difficile d'obtenir une licence pour les
nouveaux produits, il y aura un monopole et les prix des médicaments vont
augmenter considérablement dans l'avenir".
Sur 700.000 malades du sida traités par antirétroviraux (ARV) dans les pays
en développement, la moitié reçoivent des médicaments génériques indiens,
selon MSF.