[e-med] Collaboration entre les autorités européennes de la concurrence en vue de favoriser l’accès à des médicaments abordables et innovants

le rapport est disponible ici :
http://ec.europa.eu/competition/sectors/pharmaceuticals/report2019/execsumm_fr.pdf

RAPPORT DE LA COMMISSION AU CONSEIL ET AU PARLEMENT EUROPÉEN
APPLICATION DU DROIT DE LA CONCURRENCE DANS LE SECTEUR PHARMACEUTIQUE (2009-2017)
Collaboration entre les autorités européennes de la concurrence
en vue de favoriser l’accès à des médicaments abordables et innovants

RÉSUMÉ

Faisant suite à l’enquête menée par la Commission européenne dans le secteur pharmaceutique en 2009, l’application du droit de la concurrence et la surveillance du marché dans ce domaine sont considérées comme hautement prioritaires à travers l’UE. Le présent rapport donne une vue d’ensemble de la façon dont la Commission et les autorités nationales de la concurrence des 28 États membres (les «autorités européennes de la concurrence») ont appliqué les règles de l’UE en matière de pratiques anticoncurrentielles et de concentrations dans le secteur pharmaceutique en 2009-2017. Il répond aux craintes exprimées par le Conseil et le Parlement européen selon lesquelles les pratiques des entreprises pharmaceutiques à l’encontre de la concurrence pourraient compromettre l’accès des patients à des médicaments essentiels abordables et innovants.

Les autorités européennes de la concurrence travaillent en étroite collaboration pour préserver une concurrence effective sur les marchés pharmaceutiques. Depuis 2009, les autorités ont adopté dans leur ensemble 29 décisions relatives aux pratiques anticoncurrentielles contre des entreprises pharmaceutiques. Ces décisions ont infligé des sanctions (avec des amendes s’élevant à plus d’un milliard d’EUR) ou rendu contraignants des engagements visant à corriger leur comportement anticoncurrentiel. Plus important encore, certaines de ces décisions concernaient des pratiques anticoncurrentielles qui n’avaient encore jamais été abordées dans le droit de la concurrence de l’UE. Ces précédents donnent aux acteurs du secteur des indications plus larges sur les mesures à prendre pour se conformer à la loi.

En 2009-2017, les autorités européennes de la concurrence ont enquêté sur plus d’une centaine d’autres affaires, tandis que plus de 20 cas d’infraction possible aux règles sur les pratiques anticoncurrentielles sont en cours d’examen. Afin d’empêcher une trop forte concentration des marchés pharmaceutiques à la suite de fusions, la Commission a examiné plus de 80 opérations. Des problèmes de concurrence ont été décelés dans 19 cas de concentration, et la Commission n’a donné son autorisation qu’après avoir obtenu des entreprises l’engagement que les problèmes seraient résolus et que l’opération serait modifiée en conséquence.

Le secteur pharmaceutique exige un contrôle minutieux du droit de la concurrence, et les cas de violation des règles en matière de pratiques anticoncurrentielles et de concentrations fournissent de nombreux exemples de la façon dont l’application du droit de la concurrence contribue spécifiquement à préserver l’accès des patients européens à des médicaments abordables et innovants.

Accès à des médicaments moins coûteux

Les prix élevés des médicaments grèvent lourdement le budget des systèmes nationaux de santé dont une grande partie est déjà affectée aux produits pharmaceutiques.

La concurrence effective des génériques et, depuis peu, des biosimilaires représente généralement une importante source de concurrence par les prix sur les marchés pharmaceutiques et entraîne généralement ceux-ci à la baisse (dans le cas des génériques, cette baisse est de 50 % en moyenne).

Cela rend non seulement les traitements plus anciens beaucoup plus accessibles, mais permet également de réorienter certaines des économies réalisées vers la mise au point de nouveaux médicaments innovants. Afin d’atténuer l’impact de l’entrée sur le marché des médicaments génériques, réduisant de ce fait considérablement les revenus tirés des médicaments à succès commercial, les fabricants de médicaments princeps (ci-après «princeps») mettent souvent en œuvre des stratégies qui permettent de prolonger la durée de vie commerciale de leurs médicaments plus anciens. Certaines de ces stratégies et autres pratiques susceptibles d’avoir une incidence sur la concurrence par les prix ont encouragé à procéder à un examen au regard du droit de la concurrence.

Les autorités européennes de la concurrence ont mené une enquête approfondie et sanctionné les pratiques qui entraînent une hausse des prix. Dans une série de décisions s’appuyant sur l’enquête sectorielle menée par la Commission en 2009, les autorités ont ciblé le comportement qui limite l’entrée sur le marché ou l’expansion des génériques. Des décisions faisant autorité ont été prises tant par la Commission (affaires Lundbeck, Fentanyl et Servier) que par l’autorité britannique (affaire de la paroxétine) contre des accords de paiement visant à retarder l’entrée des génériques sur le marché. Dans ce genre d’accord, l’entreprise titulaire du médicament princeps rémunère le fabricant de génériques afin qu’il abandonne ou postpose son intention d’entrer sur le marché. Ainsi, l’entreprise qui fabrique le générique «récupère une partie du gâteau [du détenteur du princeps]», ce qui se traduit par l’application de prix artificiellement élevés (comme l’a expliqué une entreprise visée par une enquête dans un document interne découvert par la Commission).

L’autorité française de la concurrence a été à l’origine de plusieurs décisions interdisant aux entreprises en place toute pratique de dénigrement visant à limiter l’utilisation des produits génériques nouvellement lancés. D’autres autorités ont sanctionné des opérateurs historiques qui abusaient des procédures réglementaires pour empêcher l’entrée sur le marché des génériques.

Plusieurs enquêtes récentes ont en outre été menées concernant la tarification de certains médicaments tombés dans le domaine public (dans un exemple, une augmentation du prix de 2 000 % a été constatée) et plusieurs autorités ont estimé que ces pratiques de tarification étaient déloyales et abusives, notamment en Italie (affaire Aspen), au Royaume-Uni (affaire Pfizer/Flynn) et au Danemark (affaire CD Pharma). En outre, les autorités de la concurrence ont poursuivi des formes plus classiques d’actes répréhensibles, telles que des ententes consistant à truquer des marchés ou des stratégies visant à empêcher les concurrents d’avoir accès aux intrants essentiels ou à la clientèle.

Des prix plus élevés peuvent également résulter de la concentration d’entreprises pharmaceutiques assortie d’un renforcement subséquent du pouvoir de fixation des prix de l’entreprise issue de la concentration. La Commission est intervenue dans un certain nombre de concentrations qui auraient pu conduire à des hausses de prix, en particulier dans le cas des médicaments génériques (par exemple, affaire Teva/Allergan) ou des produits biosimilaires (par exemple, affaire Pfizer/Hospira). La Commission n’a autorisé ces opérations qu’après avoir obtenu des entreprises l’engagement qu’elles céderont une partie de leurs activités à des acheteurs appropriés afin de préserver le niveau actuel de concurrence par les prix.

Accès à des médicaments innovants

L’innovation est cruciale dans le secteur pharmaceutique, étant donné que les entreprises pharmaceutiques comptent parmi les leaders en matière d’investissement dans les activités de recherche et développement. Toutefois, les acteurs du marché peuvent parfois adopter un comportement qui a une incidence sur les incitations à innover (demande de brevet, interventions auprès des autorités, acquisitions de technologies concurrentes, etc.). En procédant de la sorte, elles peuvent enfreindre le droit de la concurrence.

En ce qui concerne le contrôle des concentrations, la Commission a empêché des opérations qui étaient susceptibles de compromettre les efforts de recherche et développement consentis en vue du lancement de nouveaux médicaments ou de l’extension de l’utilisation thérapeutique des médicaments existants.

La Commission est intervenue pour protéger la concurrence dans le domaine de l’innovation dans un certain nombre de situations qui, par exemple, menaçaient de faire échouer des projets de recherche et développement avancés dans le domaine des médicaments anticancéreux indispensables pour sauver des vies (Novartis/GlaxoSmithKline Oncology) ou des médicaments contre l’insomnie en cours d'élaboration et se trouvant à un stade précoce de développement (Johnson & Johnson/Actelion). Dans l’affaire Pfizer/Hospira, la Commission craignait que la concentration supprime l’un des deux projets parallèles de développement de biosimilaires concurrents. La Commission a autorisé toutes ces opérations, mais uniquement après avoir obtenu des entreprises des mesures correctives garantissant que les projets prévus ne seront pas abandonnés et après la désignation d’un nouvel opérateur pour les faire avancer.

Les règles de la concurrence concèdent aux entreprises le droit de travailler ensemble pour promouvoir l’innovation. Des entreprises cherchent cependant parfois à saper les efforts d’innovation de leurs concurrents ou à échapper aux pressions exercées par les concurrents qui les obligent à investir dans l’innovation. Par exemple, une mesure prise contre des tentatives visant à retarder indûment l’entrée de médicaments génériques sur le marché contribue, dans les faits, à faire respecter la fin de la période d’exclusivité commerciale de l’innovateur et partant, à stimuler les efforts d’innovation de fabricants de princeps. En plus de préserver l’innovation, la mise en œuvre des règles concernant les pratiques anticoncurrentielles soutient également le choix du patient en intervenant contre diverses pratiques d’exclusion telles qu’un système de rabais conçu pour exclure les concurrents des appels d’offres organisés au niveau des hôpitaux ou la diffusion d’informations mensongères concernant la sécurité d’un médicament utilisé pour traiter des affections non mentionnées dans l’autorisation de mise sur le marché (utilisation hors-indication).

Possibilités d’action ultérieure visant à faire respecter les règles

Les cas exposés dans le présent rapport à titre d’exemples montrent que l'action de l’autorité chargée de faire appliquer le droit de la concurrence peut être très efficace, dans les limites de son mandat et de ses prérogatives, à savoir enquêter sur des accords anticoncurrentiels, les abus par des entreprises dominantes et les concentrations. Il existe toutefois des limites à ce que le droit de la concurrence permet de faire, et des efforts continus sont requis de la part de toutes les parties prenantes pour relever le défi sociétal consistant à garantir un accès durable à des médicaments abordables et innovants.

Les actions prises par le passé dans le domaine de l’application du droit fournissent aux autorités de la concurrence une base solide pour poursuivre et concentrer leurs efforts en la matière. L’application effective du droit européen de la concurrence dans le secteur pharmaceutique reste une question hautement prioritaire, et les autorités de la concurrence continueront de surveiller et d’être proactives dans l’examen des situations potentiellement anticoncurrentielles.