[e-med] Communiqué de presse ANRS

Communiqué de presse

Un protocole d’accord a été signé le 25 janvier par le Ministre de la
Santé publique, M. Urbain Olanguena Awono, le Ministre de la Recherche
scientifique et de l’innovation de la République du Cameroun, Mme
Madeleine Tchuente et par le Directeur de l’Agence nationale de
recherches sur le sida en France (ANRS), le Pr. Michel Kazatchkine, en
présence de M. l’Ambassadeur de France au Cameroun, M. Jean-François
Valette. Cet accord va renforcer la collaboration engagée par les
équipes de recherche camerounaises et françaises dans le domaine du
VIH/sida et des hépatites virales en créant un « Site ANRS ». Par
ailleurs, une journée rassemblant des chercheurs des deux pays
permettra de faire le bilan des projets déjà engagés, de présenter de
nouveaux programmes et d’établir des priorités scientifiques pour les
années à venir.

Le protocole d’accord établi entre l’ANRS et les ministères en charge
de la santé et de la recherche de la République du Cameroun est
l’aboutissement d’un partenariat déjà ancien entre les laboratoires des
deux pays. Les premiers projets de recherche financés par l’ANRS au
Cameroun remontent à 1999. Ils ont bénéficié, à Yaoundé, d’un
environnement scientifique dynamique dans le domaine de la recherche
clinique et virologique, à l’Hôpital central, l’Hôpital militaire, le
laboratoire d’hygiène mobile, le CHU, ainsi qu’au Centre Pasteur du
Cameroun et à l’Institut de recherche pour le développement (IRD).
Quinze projets de recherche y ont été menés, dont 5 sont terminés. Ils
dépassent aujourd’hui le cadre de la recherche clinique et virologique,
puisque des équipes d’anthropologues, d’historiens, d’épidémiologistes
et d’économistes de la santé sont également financées. Parmi les
résultats déjà obtenus, l’essai ANRS 1274 « Triomune » a apporté pour
la première fois, en 2004, la preuve de l’efficacité et de la bonne
tolérance d’une combinaison d’antirétroviraux génériques1. D’autres
travaux, plus fondamentaux, ont révélé le risque d’émergence au
Cameroun de nouveaux rétrovirus portés par des singes infectés2, ainsi
que l’extraordinaire diversité des souches de virus du sida dans ce
pays, en particulier la présence de virus du groupe N et de virus
recombinants3. Une étude menée avec d’autres pays d’Afrique, en
particulier le Sénégal, a néanmoins démontré que cette diversité
n’avait pas a priori d’impact sur la maladie4.

« Le protocole que nous signons avec les autorités camerounaises va
dynamiser encore cette recherche de haut niveau », estime le Pr Michel
Kazatchkine. « La création d’un site ANRS au Cameroun va permettre de
péréniser notre soutien, en liaison étroite avec les autorités
camerounaises et les acteurs de la recherche et de la santé nationaux
et français ».

La recherche dans les pays du Sud est une des priorités de l’ANRS qui y
consacre près de 24% de son budget annuel. L’Agence concentre ses
moyens sur des sites et les programmes de recherche qu’elle y finance
s’inscrivent dans les priorités de santé publique du pays. Le site est
placé sous la responsabilité conjointe d’un coordonnateur national et
d’un coordonnateur du Nord. Les coordonnateurs du Site Cameroun sont le
Pr Sinata Koulla-Shiro (Service des Maladies infectieuses de l’Hôpital
Central et Faculté de médecine et sciences biomédicales à Yaoundé) et
le Pr. Eric Delaporte (Laboratoire VIH et maladies associées,
Université de Montpellier I et IRD). L’esprit qui anime les sites ANRS
repose sur la collaboration entre équipes du Nord et du Sud : ainsi
tout projet de recherche doit-il associer au moins une équipe locale et
une équipe française. Le site « Cameroun » inauguré aujourd’hui est le
quatrième d’Afrique. Les trois autres sont localisés au Sénégal, Côte
d’Ivoire et Burkina Faso. Ils s’intègrent dans un réseau international
de sites ANRS situés par ailleurs en Asie du Sud Est (Vietnam et
Cambodge) et en Amérique Latine (Brésil).

Selon M. Olanguena Awono, Ministre de la Santé publique «La signature
de ce protocole d’accord fixe les bases d’une collaboration renforcée
dans un contexte où la recherche en santé est plus que jamais une
priorité pour les autorités camerounaises déterminées à contrôler le
VIH/sida et les hépatites. Le Cameroun, caractérisé par une diversité
virologique singulière et la qualité de ses experts, attend de cette
collaboration avec l’ANRS une production scientifique fructueuse et de
haute qualité ». Mme Tchuente, Ministre de la Recherche scientifique et
de l’innovation estime, quant à elle, que « La synergie entre les
équipes de recherche du Nord représentées par l’ANRS et les équipes du
Sud devrait, à travers ce protocole, aider à l’émergence de nouvelles
connaissances capables de faire avancer la lutte contre la pandémie du
VIH/sida. J’adhère entièrement à cette initiative ».

L’ANRS est l’agence française de recherches sur le VIH/sida et les
hépatites virales. Elle a pour objectif d’acquérir de nouvelles
connaissances afin d’aider, au Nord comme au Sud, à améliorer la
prévention de ces infections et la prise en charge des personnes
atteintes. L’ANRS fédère, autour de grandes priorités scientifiques,
des chercheurs de toutes les disciplines appartenant aux organismes de
recherche français (l’INSERM, le CNRS, l’Institut Pasteur, l’IRD, les
universités) et aux hôpitaux. L’Agence réunit également chercheurs du
Nord et du Sud autour de projets de recherche qui s’inscrivent dans les
priorités de santé des pays en développement. Son budget annuel,
d’environ 50 millions d’Euros (65 millions de Dollars), lui est
attribué par les ministères en charge de la recherche, des affaires
étrangères et de la santé.

1. Laurent C, Kouanfack C, Koulla-Shiro S, Nkoué N, Bourgeois A, Calmy
A, Lactuock B, Nzeusseu V, Mougnutou R, Peytavin G, Liégeois F,
Nerrienet E, Tardy M, Peeters M, Andrieux-Meyer I, Zekeng L,
Kazatchkine M, Mpoudi-Ngolé E, Delaporte E. Effectiveness and safety of
a generic fixed-dose combination of nevirrapine, stavudine, and
lamivudine in HIV-1 infected adults in Cameroon: open-label multicentre
trial. The Lancet, 2004, 364: 29-34.
2. Peeters M, Courgnaud V, Abela B, Auzel P, Pourrut P, Bibollet-Ruche
F, Loul S, Liegeois F, Butel C, Koulagna D, Mpoudi-Ngole E, Shaw G,
Hahn B, Delaporte E. Risk to human health from a plethora of simian
immunodeficiency viruses in primate bushmeat. Emerg Infect Dis, 2002,
8:451-7.
3. Simon F, Mauclere P, Roques P, Loussert-Ajaka I, Muller-Trutwin MC,
Saragosti S, Georges-Courbot MC, Barre-Sinoussi F, Brun-Vezinet F.
Identification of a new human immunodeficiency virus type 1 distinct
from group M and group O. Nature Medicine, 1998, 4: 1032-1037.
4. Laurent C, Bourgeois A, Faye MA, Mougnutu R, Seydi M, Gueye M,
Liégeois F, Touré Kane C, Butel C, Mbuagbaw J, Zekeng L, Mpoudi Ngole
E, Mboup S, Peeters M and Delaporte E. No difference in Clinical
Progression between Patients Infected with the Predominant Human
Immunodeficiency Virus Type 1 Circulating Recombinant Form (CRF) 02_AG
Strain and Patients Not Infected with CRF02_AG, in Western and
West-Central Africa : a four–year prospective multicenter study. J
Infect Dis, 2002, 186: 486-492.

Contact presse
Marie-Christine SIMON
ANRS
Tél. : 01 53 94 60 30

Protocoles Sud est le bulletin d'information d'Act Up-Paris sur les
Essais dans les pays du Sud, ce deuxième numéro est le fruit de la
collaboration du REDS (Réseau Ethique Droits et Sida), et du GARE
(Groupe d'Action pour la Recherche et l'Éthique). Ci-joint, la note
que nous avions rédigé en commun sur la charte éthique de l'ANRS.

Si vous souhaitez recevoir cette publication sous format pdf, merci de
nous faire parvenir votre demande à l'adresse suivante :
Actup@actupparis.org

Régis Samba-Kounzi

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ÉTHIQUE

L’ANRS – l’Agence Nationale française de Recherches sur le
Sida - a élaboré une charte éthique en concertation avec ses
partenaires professionnels,institutionnels et communautaires.
Cette charte, publiée en mai 2002 et devenue depuis un
texte de référence, énonce les engagements qui s’imposent à
toute recherche clinique soutenue par l’ANRS et menée dans
un pays en développement. Elle s'articule autour de trois
grands principes : partenariat Nord/Sud, protection accrue
des personnes se prêtant aux recherches et prise en charge
des patients.

1. Le partenariat Nord/Sud à tous les niveaux

Selon la charte de l'ANRS, ce part e n a riat doit notamment se
t raduire par une composition mixte des équipes de recherche
sur le terra i n , des comités d’animation et d’évaluation des
protocoles de recherche au siège de l'ANRS, ainsi que par une
a rticulation des recherches avec les programmes de santé
p u blique des pays dans lesquelles elles se déroulent.

L’intérêt de la participation des associations – et en particulier
des associations de malades - à l’élaboration de la recherche
réside en trois points principaux :

- Elles assurent un soutien et un relais d'information auprès
des participants à la recherche.

- Elles exercent également une vigilance éthique en effectuant
un travail d'analyse des protocoles et des notices
d'information aux patients.

- En s'efforçant de faire valoir le point de vue des malades tels
qu'ils s'expriment au quotidien, elles incitent les
chercheurs à répondre à leurs besoins prioritaires.
Ce constat est largement partagé par l’ANRS qui, en France,
implique des représentants de malades à sa politique de
recherche. De la même façon,l’implication des associations du
Sud permettra une pertinence accrue et une meilleure adaptation
de la recherche aux besoins des malades du Sud. À
l'heure actuelle, nous constatons une sous-représentation des
associations du Sud dans les instances de l'ANRS.Les associations
de malades sont par ailleurs absentes des structures
chargées de la gestion des sites de recherche de l'ANRS.
Nous exigeons que soit facilitée une réelle et forte implication
des associations de lutte contre le sida et de malades
du p ays concerné, tant lors de l'élaboration des pro g r a m m e s
de recherche que lors de leur déroulement sur le terrain.
L'ANRS doit permettre la participation à ses instances d'un
représentant associatif de chaque pays dans lequel elle
mène des programmes de recherche.
Que fait l’ANRS dans les
pays du Sud ?

2. Une protection accrue des personnes se prêtant aux recherches

Selon la charte de l’ANRS, le Comité National d'Ethique du
pays où se déroule une recherche doit systématiquement
être consulté et rendre un avis favorable au lancement du
programme. Un comité indépendant est par ailleurs chargé
de suivre le déroulement de chaque recherche, pour s'assurer
du respect de l’éthique, de l’application des bonnes pra t i q u e s
et de la validité des résultats. Enfin, la Charte insiste sur le
consentement éclairé indissociable de la notice d'information
aux patients que doit lire et signer chaque personne qui envisage
d'entrer dans un protocole de recherche.

Pourtant , la simple existence d'un Comité National d'Ethique
ne suffit pas. En l'absence de moyens suffisants à son bon
fonctionnement , si sa composition empêche la prise en compte
des intérêts des personnes touchées et si ses membres ne
sont pas fo rmés aux enjeux de l'éthique de la recherche, a l o rs
la protection des malades se révèle être un leurr e. Les comités
indépendants prévus par la Chart e, quant à eux, n'existent pas
dans tous les projets de recherche de l'ANRS et lorsqu' ils
existent , les associations de personnes concernées en sont
exclues .Dans la plupart des cas, par ailleurs , les notices
d'information
destinées aux malades ne contiennent pas toutes les
informations nécessaires pour que le malade puisse donner un
consentement libre et éclairé.

Nous demandons à l'ANRS d'engager un plaidoyer pour permettre
l'amélioration
de la protection des personnes se prêtant aux recherches , à travers la
sensibilisation
des gouvernements des pays dans lesquels elle les mène. L'Agence doit
également associer systématiquement les associations de
lutte contre le sida et de malades du pays concerné au projet ,
à travers une réunion d’information et un travail commun
sur la notice d’information patient, par le biais de réunions
régulières d’information sur le déroulement , le rythme
des inclusions et les résultats intermédiaires et par la communication
des conclusions de la recherche et la façon dont
celles-ci pourront trouver une application dans le pays .

3. La prise en charge des patients

Selon la charte d'éthique, l'’ANRS doit prendre à sa charge le
soin des personnes participant à une recherche dont elle est
promoteur pendant toute la durée de celle-ci. L’Agence s’attache
à prévoir avec les autorités de santé les modalités de
prise en charge (soins et traitements) des personnes une fois
la recherche achevée.
Jusqu'ici,les modalités de la prise en charge ne sont pourtant
pas négociées avec les participants à la recherche mais définies
unilatéralement par l'ANRS qui négocie avec les pays
dans lesquels la recherche se déroule.
Nous exigeons que les modalités de prise en charge des
personnes se prêtant aux recherches soient définies en partenariat
avec les associations de lutte contre le sida et de
personnes vivant avec le VIH.

REDS et GARE avec le soutien d’Act Up-Paris